L'ordonnance salée du docteur Macron : tout le pouvoir au patronat !
Nous le disons depuis le début : les rencontres médiatisées avec les organisations syndicales ne sont qu'un leurre, un masque de la volonté de passer en force et de s'en prendre résolument à toutes les garanties conquises et inscrites dans la loi, le code du travail, les conventions collectives.
S'il en fallait une preuve supplémentaire c'est que cette volonté s'appuie sur le résultat électoral de la présidentielle et ce qui a été annoncé dans le programme de Macron, mais de surcroît à présent envisage d'étendre l'insécurité salariale au contrat de travail lui-même, ce qui ne figurait pas ledit programme.
C'est dire que le sentiment de toute-puissance du nouveau pouvoir, encensé par les médias ne connaîtra d'autres limites que la résistance que le monde du travail saura lui opposer.
Pas d'illusion ! organisons la Résistance!
Et cela dès maintenant comme le font nos camarades du havre qui organisent le 8 juin avec la jeunesse une manifestation devant la permanence de Macron!
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SOURCE : Le Parisien
FAIT DU JOUR.
Nous dévoilons l'avant-projet de loi devant permettre au gouvernement de prendre par ordonnance des mesures pour l'emploi. A l'abri des regards, huit réformes d'envergure sont en préparation.
A ce stade de son écriture, au 12 mai 2017, l'«avant-projet de loi habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures pour l'emploi» que nous nous sommes procuré, prévoit dans son article 1er neuf ordonnances. Les huit premières, que nous détaillons ci-dessous, concernent les réformes voulues par Emmanuel Macron. La neuvième ordonnance est purement technique, afin de transposer ces mesures dans certaines collectivités d'outre-mer.
Principale mise en garde, même si elle est notée en tout petit et en bas de page : le nombre des ordonnances est «à ajuster selon les options retenues». Car tous les thèmes énumérés dans le «premier brouillon de cet avant-projet [...] ne doivent pas forcément donner lieu à ordonnances». Il ne serait «ni possible ni souhaitable» d'adopter toutes ces réformes par ordonnances, précise même le document. Ainsi, certaines réformes y sont indiquées comme «prioritaires» tandis que d'autres, rédigées en italique, «apparaissent comme moins prioritaires».
Ordonnance n°1 : négociation à la carte dans les entreprises
Ce que dit le texte : «Attribuer une place centrale […] à la négociation collective d’entreprise en élargissant ses champs de compétence». Cette ordonnance est jugée prioritaire sur le contrat de travail, pas sur les autres points.
L'enjeu
Contrat de travail, durée de travail, santé et sécurité, salaires et emploi... seront désormais au menu des négociations en entreprises selon l'avant-projet de loi. La liste des sujets est très longue, et couvre des thèmes pour lesquels la loi prévoyait jusqu'ici qu'il était impossible de déroger par accord d'entreprise. La loi El Khomri avait ouvert une première brèche sur l'organisation du temps de travail, renvoyant à la négociation d'entreprise par exemple les heures supplémentaires : un accord d'entreprise ou de branche peut prévoir une majoration limitée à 10 %, la règle des 25 et 50 % n'étant que supplétive, c'est-à-dire qu'elle s'applique seulement quand il n'y a pas d'accord d entreprise.
Ordonnance n° 2 : le barème des prud'hommes
de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.»
Cette ordonnance est jugée......«prioritaire»
L'enjeu
Pour la troisième fois, Emmanuel Macron essaie de faire adopter cette disposition réclamée par les employeurs. Dans le collimateur : la durée des contentieux et surtout le montant, souvent très élevé, des condamnations qui, selon le Medef, les dissuade d'embaucher en CDI. Pour «sécuriser» les entreprises, le texte prévoit en cas de condamnation d'un employeur pour licenciement abusif, d'instaurer «un plafond et un plancher» pour graver dans le marbre le montant des dommages et intérêts versés au salarié. Initialement prévue dans la loi Macron de 2015, cette réforme a été retoquée par le Conseil constitutionnel. Avec quelques modifications de forme, elle a été glissée en 2016 dans la loi El Khomri, puis retirée face à la mobilisation. Elle refait son apparition, sans que l'essentiel soit précisé, à savoir les montants d'indemnisation. Selon une étude du ministère de la Justice, les indemnités atteignent dix mois de salaire en moyenne, soit 24 000 €. Les syndicats rejettent la barémisation obligatoire et dénoncent la mise sur la touche des juges prud'homaux. Rude bataille annoncée.
Ordonnance n° 3 : référendum à l'initiative de l'employeur
Cette ordonnance est jugée...«moins prioritaire»
L'enjeu
Pour généraliser les accords dérogatoires d'entreprise portant sur les nouveaux champs désormais ouverts, il faut faciliter leur adoption. La loi El Khomri avait mis en place le référendum, permettant, quand un accord est refusé par les syndicats majoritaires (représentant au moins 50 % des salariés), de le faire adopter par référendum auprès des salariés. Aujourd'hui, ce recours possible au référendum est réservé uniquement aux syndicats (à condition qu'ils représentent au moins 30 % des salariés).
Le gouvernement veut ouvrir cette possibilité également aux employeurs, dans des conditions qui restent à préciser. Pourront-ils le déclencher s'il n'y a pas de syndicats, ou s'il y a seulement des élus sans étiquette ? Les syndicats y avaient mis leur veto en 2016, craignant que l'employeur ne soit tenté d'exercer des pressions sur les salariés.
Ordonnance n° 4 : redéfinir la place des branches
Ce que dit le texte. «Redéfinir le rôle de l’accord de branche et réduire le nombre de branches.» Cette mesure est spécifiée... «moins prioritaire»
L'enjeu
C'est le Graal de la réforme du Code du travail voulue par Macron : pour être au plus près des besoins des employeurs, de la PME à la multinationale, la «primauté sera donnée aux accords d'entreprise sur les accords de branche», lit-on dans l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi. Et de préciser : «C'est seulement à défaut d'accord d'entreprise que la branche interviendra.» Reste à savoir quel sera le rôle de la branche. Continuer à construire des normes sociales ou servir de voiture-balai ? Actuellement, il y a six thèmes de négociations obligatoires dans la branche sur lesquels les employeurs ne peuvent pas déroger dans un sens moins favorable aux salariés, par accord d'entreprise : égalité hommes-femmes, pénibilité, salaires, classifications, prévoyance et formation professionnelle.
Selon l'avant-projet de loi, la branche n'aurait plus dans sa mallette que deux thèmes obligatoires (salaires minimums et l'égalité professionnelle). Les quatre autres sujets ne sont pas mentionnés et plusieurs pourraient être transférés vers la négociation d'entreprise. Le fait que, sans accord d'entreprise, la loi (dite supplétive) s'appliquera dans de nombreux cas risque de rendre inutile toute négociation au niveau de la branche. Ce qui serait un camouflet pour FO, très attaché à cette instance de régulation.
Ordonnance n°5 : fusion des IRP
Cette ordonnance est jugée...«prioritaire»
L'enjeu
Alors que la loi Rebsamen (2015) commence à peine à s'appliquer, le gouvernement remet sur la table l'épineux dossier des instances de l'entreprise. L'objectif : fusionner le comité d'entreprise, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le délégué du personnel (DP) dans une instance unique. «Sauf avis contraire des entreprises concernées», précise toutefois le texte, si bien que certaines entreprises pourraient continuer à fonctionner selon l'ancienne formule.
Plusieurs possibilités ont déjà été introduites en 2015 : pour les entreprises de moins de 300 salariés, l'employeur peut mettre en place une délégation unique du personnel regroupant le comité d'entreprise et la délégation du personnel ; et dans les entreprises de plus de 300 salariés via un accord d'entreprise. Plusieurs questions se posent : est-ce la remise en cause du rôle du CHSCT, qui, aujourd'hui, a une personnalité juridique lui permettant d'aller en justice, de faire des enquêtes ou de diligenter des expertises ? Les inquiétudes portent aussi sur la baisse du nombre d'élus induite par une telle réforme, qui pénaliserait surtout la CFDT, très implantée dans le secteur privé. Par ailleurs, le gouvernement pourrait autoriser cette instance unique à négocier les accords.
Une rupture avec notre modèle de démocratie sociale dans l'entreprise, qui repose aujourd'hui d'un côté sur des élus disposant de droits d'information, de consultation, d'expertise et d'alerte, et de l'autre sur des syndicats (représentatifs) qui seuls ont la capacité de négocier. Depuis de longues années, le Medef a demandé d'autoriser la négociation avec des élus sans étiquette. Ce qui serait un casus belli pour les syndicats.
Ordonnance n° 6 : un chèque syndical
Cette mesure est jugée...«prioritaire»
L'enjeu
En contrepartie de l'ordonnance n°5 prévoyant une fusion des instances du personnel, l'avant-projet de loi donne du grain à moudre aux syndicats. Ainsi, la formation des représentants de salariés sera «renforcée». Dans ce deal, il est aussi prévu de mettre en place le fameux chèque syndical promis par Emmanuel Macron dans son livre-programme «Révolution», une idée inspirée de l'expérience menée chez l'assureur Axa. Selon l'avant-projet de loi, il s'agit de «permettre à chaque salarié d'apporter des ressources financées par l'employeur au syndicat de son choix». Enfin, le gouvernement s'engage à récompenser l'engagement syndical par la «reconnaissance dans les carrières» et la lutte contre la discrimination syndicale.
Ordonnance n° 7 : Les administrateurs salariés
Ce point est jugé...«moins prioritaire»
L'enjeu
En la matière, la France a un temps de retard sur les pays de l'Europe du Nord. Là-bas, les administrateurs salariés siègent de droit dans les entreprises d'une certaine taille. C'est un point réclamé par la CFDT et la CGT depuis très longtemps. Mais, selon l'avant-projet de loi, le gouvernement compte y aller sur la pointe des pieds. Il s'agit de «mettre en place des incitations» pour que les entreprises augmentent le nombre d'administrateurs salariés par des accords de groupe ou d'entreprise. Parmi les options, il pourrait aussi baisser le seuil autorisant la présence d'administrateurs salariés dans les entreprises (aujourd'hui fixé à 1 000 salariés, il pourrait passer à 500). Mais il y a beaucoup d'obstacles, notamment le statut juridique des entreprises. S'il s'agit d'une SAS (société par actions simplifiée), la règle veut qu'elle n'est pas obligée d'avoir un conseil d'administration et donc pas d'administrateur salarié.
Ordonnance n° 8 : réforme de l'assurance chômage
Ce que dit le texte. «Réformer l’indemnisation des travailleurs privés d’emploi.»
Cette ordonnance n’est...«pas prioritaire»
L'enjeu
C'est l'une des grosses surprises de cet avant-projet de loi : la réforme du système d'assurance chômage et surtout son étatisation sont inscrites au menu des ordonnances. «Il faut arrêter de prétendre que les partenaires sociaux pourraient être seuls en charge de la gestion des grands risques, à commencer par l'assurance chômage», lit-on dans l'exposé des motifs. Et d'ajouter : «L'Etat doit reprendre la main.» Une révolution annoncée que le gouvernement justifie par la création d'une assurance chômage universelle «ouverte à tous les actifs — salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs», précise le texte, et qui sera «financée par l'impôt». L'extension de ces nouveaux droits — et notamment l'indemnisation chômage pour les démissionnaires — aura un coût très important, toujours pas chiffré. De quoi craindre une révision à la baisse des conditions d'indemnisation. Le dossier est explosif, ce qui pourrait obliger le gouvernement à prendre plus de temps. La CFDT et la CGT ont demandé à Macron que cela ne fasse pas partie des ordonnances.
Le calendrier
Le président Macron l'a dit, il veut aller vite. Selon nos informations, et selon un document que s'est procuré Mediapart, le calendrier pourrait être le suivant :
14 juin. Transmission au Conseil d'Etat du projet de loi d'habilitation, première étape du processus parlementaire.
28 juin. Examen du projet de loi en Conseil des ministres, dix jours seulement après le deuxième tour des législatives.
Entre le 24 et le 28 juillet. Mise au vote du projet de loi d'habilitation devant le Parlement, réuni en session extraordinaire.
28 août. A cette date au plus tard, les ordonnances rédigées par le gouvernement doivent être envoyées au Conseil d'Etat.
20 septembre. Adoption des ordonnances en Conseil des ministres.
À l'automne au plus tard. Pour chacune des ordonnances, un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois (ou deux ou six mois) à compter de sa publication.
Le Parisien