Les drôles de fréquentation de dirigeants de la CGT

Publié le par FSC

Les faits :

Plusieurs dirigeants de la CGT participent depuis des années déjà à des initiatives et des conférences de l'Institut Supérieur du Travail.

Ainsi récemment on apprend que Mohamed Oussedik, membre de la direction confédérale a participé comme intervenant à un stage sur les "Orientations et méthodes de l’action syndicale en entreprise ". Après Michel Doneddu et Eric Aubin en 2013.

Apparemment rien à redire ?

Sauf que ce fameux institut a une histoire et joue un rôle particulier actuellement sur le terrain des relations sociales et du syndicalisme.

Une histoire :

Sans être long rappelons que cet institut a été fondé par Georges Albertini, condamné à la Libération pour collaboration et réputé à la fois pour son anti-sémitisme et son anti-communisme. Ayant échappé au châtiment qu'il aurait mérité pour les services qu'il pouvait continuer à rendre au moment de la guerre froide, bénéficiant de forts soutiens politiques de toute l'oligarchie, du patronat et bénéficiant sans doute des subsides de la CIA.
Au travers des institutions qu'il a mis en place il n'a cessé de lutter contre les travailleurs et contre les conquêtes sociales de la Libération.

Un rôle particulier à présent :

Autre époque, autre angle d'attaque mais sans que soient abandonnés les objectifs qui fondent son existence : œuvrer à la collaboration de classe, neutraliser l'action des syndicats en les mettant en relation avec le patronat, les insérer dans le "dialogue social", mener la guerre idéologique contre les salaires et les acquis sociaux etc.

Au nom de la nécessité de se moderniser, de tenir compte des réalités mondiales, de réduire les dépenses et investissements publics ; en jouant donc sa partition dans le concert néo-libéral qui considère que les travailleurs ont "vécu au-dessus de leurs moyens" et qu'il est temps et raisonnable d'accepter de se serrer encore davantage la ceinture, d'accepter les fermetures d'entreprises, les délocalisations etc …

C'est d'ailleurs en ce sens réactionnaire que Bernard VIVIER, son directeur intervient régulièrement dans l'émission d'Yves Calvi, "C'est dans l'air".

Alors on se demande ce que des dirigeants de la CGT vont faire là dedans ?

Et les militants sont en droit de s'interroger et de demander des comptes :

Dans quelles conditions s'effectuent ces participations ?
Dans quel but ?
Dans quel rapport avec les objectifs et les orientations de la CGT ?

Car cela illustre bel et bien les dérives de dirigeants plus préoccupés d'entretenir des liens et des liaisons avec le Gotha de la réaction que de soutenir sans concession les luttes auxquelles sont contraints les travailleurs victimes des mêmes individus et organisations qu'ils se complaisent de continuer à fréquenter.

Le Front Syndical de Classe

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  • Pour information l'ouvrage de notre camarade Jean Lévy "Le dossier Georges Albertini ; une intelligence avec l'ennemi". L'Harmattan 1992

  • Une information concernant le directeur de l'Institut Supérieur du Travail :

    "Mardi 31 janvier dernier[février 2006], dans les locaux du Palais d’Iéna, plus de 300 personnes étaient venues entourer Bernard Vivier. Celui-ci recevait des mains de Patrick de Carolis, président de France Télévisions, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur, en présence de Jacques Dermagne, président du Conseil économique et social, et de André Bergeron, ancien secrétaire général de la CGT-Force ouvrière."

  • Un article paru dans l'Humanité le 19 décembre 2007

    Dans les petits papiers du patronat (3/5).

    Grâce à la planche à billets de l’UIMM, Georges Albertini recycle les têtes brûlées de l’extrême droite et, avec ses équipes de bras cassés, tente de torpiller la gauche dans les années 1970.

    « C’était un haut responsable patronal, qui avait une compréhension aiguë des dangers du communisme pour le pays. Il sentait la nécessité éminente d’une confédération syndicale comme Force ouvrière. Et non moins vivement la nécessité d’une publication consacrée à l’ensemble des problèmes du communisme. » En mars 1959, dans sa feuille de « contre-propagande », Georges Albertini salue la mémoire de son fidèle donateur, Étienne Villey, un personnage clé du Groupe des industries métallurgiques (GIM). Dans une note personnelle datée du 19 septembre 1957 et citée par François Denord (dans Néolibéralisme, version française, paru aux Éditions Demopolis), il se montre à la fois précis et inquiet : Albertini estime les sommes versées annuellement par Villey à 880 000 francs de l’époque, soit l’équivalent de 15 000 euros d’aujourd’hui.

    Mais qui est donc ce Georges Albertini pour lequel, dès la fin des années 1940, le patronat fait chauffer la planche à billets ? Secrétaire général du Rassemblement national populaire de Marcel Déat de 1942 à 1944, puis directeur de son cabinet ministériel, auteur de nombreux papiers dans la presse collaborationniste, il est condamné en décembre 1944 pour « intelligence avec l’ennemi » à cinq ans de travaux forcés, l’indignité nationale et la confiscation des biens.

    Gracié dès 1948, recruté à la banque Worms par un de ses camarades dans les geôles (Hippolyte Worms), il se jette, dès sa sortie de prison - avec le concours de celui qui était son bras droit sous l’occupation et qui le restera pour toujours : Claude Harmel - dans la propagande anticommuniste et dans le fichage policier des militants : création de « bulletins » comme Est-Ouest et implantation de « centres d’archives et de documentation ».

    Au prix d’une justification particulièrement audacieuse, voire carrément indigne - aux yeux de ce collabo c’est en effet « l’absence d’anticommunisme qui a fait le lit du fascisme » -, Albertini réussit, au début des années 1950 à convaincre Boris Souvarine, au retour de son exil aux États-Unis, de donner sa caution à des « travaux » aux informations souvent rigoureusement fantaisistes. Jusqu’en 1978, bénéficiant du crédit de plus en plus érodé de Souvarine, Albertini sera le trésorier de l’Institut d’histoire sociale... Un véritable creuset qui, arrosé par la corne d’abondance de la banque Worms et de l’UIMM, a abrité bien peu de grands esprits - malgré ses prétentions d’« institut », ça n’était pas sa vocation -, mais beaucoup de gros bras et petites frappes dérivant alors entre extrême droite et droite extrême.

L’argent secret du patronat circule bien dans ces tuyaux-là et, sous la IVe République, le « Barbie de l’esprit » - selon la saillie de Jean Lévy dans "le Dossier Georges Albertini, une intelligence avec l’ennemi," aux Éditions L’Harmattan - se vante d’avoir l’oreille de tous les présidents du Conseil et des ministres importants.


Mais c’est dans les années 1970 que les réseaux Albertini vont donner toute leur mesure : avec, d’un côté, des jeunes recrues comme Alain Madelin, Xavier Raufer ou encore Hervé Novelli, « formés » dans les groupuscules fascisants Occident ou, plus tard, Ordre Nouveau, et, de l’autre, les « vénérables » patrons, intellectuels et sociétaires du Mont-Pélerin fédérés, depuis 1967, dans l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS), ils lancent une série d’opérations abracadabrantesques à l’occasion des élections législatives en 1973, et de la présidentielle en 1974.

Une pluie de papier-journal imprimé à l’encre antipathique s’abat sur la France : Lip la Lune, qui traîne dans la boue les horlogers autogestionnaires, Spécial banlieue, qui promène le minois d’Alain Madelin dans les villes « rouges » au-delà du périphérique, une « Lettre confidentielle des cadres supérieurs », un « spécial enseignants » de la revue Liberté économique et progrès social, et des centaines de milliers d’exemplaires d’un torchon au ton apocalyptique et anti-Mitterrand, baptisé France-Matin, qui, après un habile détournement, finiront, en partie, dans les eaux du canal Saint-Martin à Paris...

Sur la plupart de ces « journaux », les numéros de commission paritaire renvoient, parfois indirectement, à une seule adresse (199, boulevard Saint-Germain) et à la même personne : Claude Harmel, le fidèle bras droit d’Albertini, officiant tantôt pour l’Institut d’histoire sociale, l’Institut supérieur du travail (la filiale mise sur pied pour ramasser les fonds de la formation professionnelle, au début des années 1970) ou l’ALEPS.

Une fois de plus, le patronat ne mégote pas sur les moyens et ne s’en cache pas : dans un courrier envoyé le 24 avril 1974, Maurice H. Fouquet, délégué général de l’Union patronale de la région parisienne, parle sans forfanterie « des actions de l’ALEPS » auxquelles « nous avons participé depuis 1970 ». Dans un document confidentiel « mis à jour en septembre 1975 », le « groupe de travail d’information politique pour la défense des libertés » de l’UIMM explique platement qu’il « n’a ni la prétention ni la maladresse de vouloir tout faire lui-même ». « Il existe déjà des centres qui élaborent du matériel d’information de bonne qualité », observent les barbouzes de la métallurgie, avant de désigner les réseaux Albertini et l’ALEPS... Merci, patrons ?

Thomas Lemahieu

Source : L’ Humanité

reproduction : http://www.legrandsoir.info/Leur-petite-entreprise-ne-connait-pas-la-crise-Thomas-Lemahieu.html

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Voir également :

Claude Harmel, figure de l'anticommunisme, fondateur de l'Institut supérieur du travail

Le Monde.fr | 29.11.2011

Adresse :

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2011/11/29/claude-harmel-figure-de-l-anticommunisme-fondateur-de-l-institut-superieur-du-travail_1610927_3382.html


 

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