M. Macron, la précarité génère ... la précarité!
Le gouvernement se compromet en organisant la précarité sociale
Le gouvernement pense que le projet de loi sur le travail défendu par Myriam El Khomri ne concerne pas la jeunesse et qu’elle n’a aucune raison de manifester mercredi 9 mars. Petit retour en arrière : en 2006, un gouvernement de droite proposait le contrat première embauche (CPE). Rappelons ici ce qui faisait scandale dans cette mesure : une période d’essai de deux ans durant la-
quelle l’employeur pouvait rompre le contrat de travail sans donner de motif.
En 2016, un gouvernement « socialiste » propose rien de moins que la même philosophie avec sa loi travail : un contrat au rabais et non plus seulement pour les jeunes, mais pour tous les salariés.
Avec un plafonnement du barème d’indemnités de licenciement, un employeur pourra anticiper, dans son budget prévisionnel, la somme qu’il devra payer en cas de licenciement. Pour licencier les salariés qui ont le moins d’ancienneté, c’est-à-dire les jeunes, ce sera donc moins cher et moins risqué pour l’employeur. Lorsque l’on a vécu l’expérience de la vie en entreprise, il est certain que les jeunes ne sont pas ceux qui vont revendiquer les premiers leurs droits en cas d’annonce d’un plan de licenciement.
En effet, les jeunes récemment embauchés dans une entreprise ne vont pas ou peu s’exprimer pour ne pas « se griller » pour la suite. Et quelle sera la suite après un licenciement ?
Ce sera de retrouver un job dans le même secteur d’activité. Ils subiront en silence la décision de l’employeur, feront leurs cartons et reprendront leur recherche d’un nouvel emploi, tel Sisyphe et son rocher.
Tout est-il si mauvais dans la loi travail ? Oui, car 90 % du texte de loi ne propose comme horizon qu’un retour en arrière pour les droits des salariés. Le seul aspect positif pour les jeunes précaires, lui, est gâché. La fameuse sécurité sociale professionnelle du XXIe (CPA) est une coquille vide. Une réelle sécurité sociale professionnelle du siècle doit prendre en compte la réalité vécue par tous les actifs, y compris par les jeunes.
Cela doit leur permettre d’acquérir des droits tout au long de leur vie d’actif. En lisant la proposition du gouvernement, on remarque que les stagiaires en sont exclus, que les volontaires en service civique ne pourront récupérer que vingt pauvres heures de formation, que les périodes de stage et de service civique, voire d’autoentrepreneuriat ne sont pas comptées pour la siècle appelée compte personnel d’activité
Un CPA universel doit absolument créer des ponts entre les différents statuts,précaires ou pas. Ce qui devait être la révolution de la Sécurité sociale professionnelle est donc réduit à peau de chagrin et les jeunes précaires en sont exclus. De plus, il y a de fortes chances que le CPA soit jeté avec le reste du projet de loi si celui-ci est d’aventure retiré.
Un gâchis.
Alors la situation est-elle si différente de celle d’il y a dix ans, lors des mobilisations contre le CPE et pour les droits des stagiaires ? Non, pas tellement, selon nous, et on peut dire que celle-ci est pire du fait de l’arrivée de nouvelles formes de précarité, en plus du stage, comme par exemple le service civique ou le statut d’autoentrepreneur. En effet, celles-ci sont de nouveaux passages obligés avant d’obtenir ce fameux Graal que représente le CDI. Car oui, les employeurs n’ont pas vraiment changé en dix ans, ils demandent toujours la même chose : un à cinq ans d’expérience pour un poste de chargé de mission/projet ou assistant marketing par exemple. Vous n’avez qu’à aller regarder les
offres d’emploi sur les différents sites Internet : les mêmes offres, les mêmes demandes de la part des employeurs. Et dans toutes ces offres, vous allez trouver les incontournables offres de stage ou de volontariat en service civique.
La dernière forme de précarité que l’on peut trouver dans le métro (proposée par des plates-formes de l’économie collaborative) : se faire livrer des plats cuisinés dans un bon restaurant situé à moins de trente minutes de chez soi.
Et qui livre ces bons plats, jusqu’à 23 heures, par tous les temps ? Beaucoup sont de jeunes précaires. Alors devons-nous continuer à subir toujours plus de précarité, même dans l’emploi ? Et puis comment payer son loyer à la fin du Joindre les deux bouts.
La réalité, que ne veut toujours pas admettre le gouvernement, est bien celle-ci et les témoignages que nous continuons de recevoir confirment cette tendance : le même besoin d’aide juridique, le même besoin d’exprimer sa détresse pendant sa précarité.
Alors oui, on est obligé de cumuler des activités pour parvenir à joindre les deux bouts à la fin du mois : stagiaire/autoentrepreneur, service civique/autoentrepreneur, CDD à temps partiel et autoentrepreneur.
Toutes les combinaisons sont possibles. Nous sommes perpétuellement obligés de choisir, par défaut, une ou plusieurs de ces formes de précarité. Et on doit parfois attendre l’âge de 30 ans pour commencer à penser à son avenir, au-delà de la fin du mois.
Alors oui, le collectif Génération précaire se mobilise en vue du 9 mars, ses membres revêtiront leur plus beau masque blanc pour le retrait du projet de loi travail. Nous sommes toujours disponibles pour proposer des solutions pour l’emploi des jeunes et nous n’avons cessé de le faire depuis plus de dix ans, avec plus ou moins d’écoute de la part des gouvernements successifs. Le dialogue social doit reprendre sur ce sujet et le gouvernement doit aussi écouter les jeunes dans leur diversité.
Vincent Laurent, membre du collectif Génération précaire