Quand le rappeur L'inconsolable s'inscrit dans la lutte contre la loi du travail
Source de l'article : le site de notre camarade Jean Lévy :
Avec la vidéo du rappeur
suivi des paroles de son texte
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Se rendre dans les cortèges qui ont réuni au moins 400 000 personnes dans toute la France, mercredi 9 mars, contre le projet de réforme du Code du travail, c'était constater qu'un slogan s'était imposé comme le mot d'ordre du mouvement : "On vaut mieux que ça". Déclinée en hashtag sur les réseaux sociaux, cette phrase est née, fin février, de l'initiative d'un groupe de vidéastes et s'est vite répandue sur internet, où se déroule une bonne partie du débat sur cette réforme. Ce slogan a aussi donné son nom à une chanson, qui a rythmé le cortège parisien.
Son auteur, le rappeur parisien L'1consolable, a tourné son clip parmi les manifestants du 9 mars et n'en est pas à son coup d'essai dans le domaine du rap politique. Francetv info l'a interrogé sur la genèse de ce morceau et sa vision du mouvement contre la loi El Khomri.
A quel moment avez-vous décidé d'écrire un morceau contre ce texte ?
Ce projet, aussi révoltant soit-il, ne l’est pas plus que la manière dont a été voté l'état d’urgence, que la persécution des musulmans ces derniers mois, que la loi Macron… Je me suis simplement dit, en voyant la mobilisation prendre : "Tiens, c'est peut être la goutte d'eau qui fait déborder le vase." J'avais envie d'en être.
Depuis que j'avais pris connaissance de ce projet, ça me trottait dans la tête. Les morceaux commencent souvent avec une petite étincelle. J'étais à l'arrière d'une voiture, les premières phrases me sont venues et j'ai pris un carnet. Il s'est passé très peu de temps entre ce moment, le 26 février, et la mise en ligne du morceau.
Pourquoi "On vaut mieux que ça" ? Vous êtes-vous reconnu dans ce hashtag ?
Dans un sens, oui. Le choix d'avoir gardé ce slogan était une manière de faire unité avec ce mouvement. J'ai contacté le collectif de vidéastes, car j'avais envie que ça se construise avec eux, pas dans mon coin [leur logo apparaît dans le clip]. Mais je voulais aussi dire ce que j'y vois de critiquable. Dans mon texte, j'utilise le "On vaut mieux que ça" quand je critique les conséquences de ce projet sur la condition des travailleurs.
Mais, dans une deuxième partie, je bascule dans une critique du travail en lui-même, le fait qu'on n'imagine pas s'en passer, un sujet auquel je reviens souvent. C'est ce que je critique à la fin du morceau : "On vaut mieux que leur dire qu'on vaut mieux que ça : ils ont là appris qu'on se moque de savoir combien on vaut, car on n'a pas de prix !" C'est une façon de dire qu'on n'a pas à se justifier, qu'on n'a pas à s'auto-évaluer, parce qu'on n'est pas des machines.
Avez-vous le sentiment que le rap peut aider à éveiller certaines consciences ?
Ce qui m'a décidé à prendre la plume, il y a une vingtaine d'années, c'était un sentiment d'injustice, une velléité de transformer la société. C'est ce qui m'a séduit dans le rap que j'ai découvert à cette époque. J'ai déjà fait des chroniques rappées sur l'actu, dans le cadre d'une émission de radio puis, pendant quelques mois, dans l'émission en ligne de Daniel Mermet. Je me suis toujours plus ou moins inspiré de l'actualité dans mes textes.
Je suis très modeste avec tout ça : ce n'est pas une chanson qui va transformer la réalité sociale. Mais, du fait qu'il s'appuie sur une mobilisation massive, ce morceau est diffusé dans d'autres proportions que d'habitude, et tout le monde m'a fait des retours positifs. Les gens se retrouvent dans le texte, et s'en emparent comme d'un outil de communication.
Les auteurs de l'appel du 9 mars trouvent que ça donne à voir l'atmosphère de la manif : pour moi c'est très positif qu'ils puissent s'en servir. Ce que j'avais en tête, c'était de pouvoir soutenir ce mouvement avec les compétences qui sont les miennes, derrière un micro.
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C'est pas qu'il y ait deux ou trois failles, c'est qu'on vaut mieux que ça!
Se résigner sans livrer bataille? Qu'ils disent que l'on est pas de taille?
Que les gens acceptent qu'on les assaille? Non, on vaut mieux que ça!
Qu'on laisse gouverner le patronat, on vaut mieux que ça,
Qui ne cesse de nous berner par vos lois, on vaut mieux que ça!
Quelques irréductibles gaulois face à l'envahisseur bourgeois
qui voudrait piétiner nos droits, on vaut mieux que ça!
La loi El-Khomri? On vaut mieux! Et toutes ses conneries? On vaut mieux!
Marre de ces moqueries en haut-lieu! Nous, on vaut mieux que ça,
que toutes leurs tromperies, on vaut mieux! Ca paye pas le bon prix, on vaut mieux!
On a bien compris qu'on vaut mieux, ouais, on vaut mieux que ça!
La réduction des temps de repos; les salaires peuvent faire de gros
bonds en arrière quand le haut de la pyramide le veut, faut
ajouter le fractionnement des onze heures de la journée! On vaut mieux!
Repos et euros ajournés? Non, on vaut mieux que ça!
Les heures supplémentaires peuvent être cinq fois moins majorées,
mieux que ça: les apprentis mineurs peuvent trimer dix heures par jour et
mieux que ça: les temps partiels à vingt-quatre heures, la semaine à trente-cinq heures,
et d'autres acquis que t'as à coeur que cette loi vise à chourer!
C'est au service des exploiteurs, des groupes les plus dévastateurs,
à qui cette loi fait des faveurs, que l'Etat accoure et
le plafonnement des indemnités, on peut pas se gourer,
c'est pas pour aider le salarié car on vaut mieux que ça!
Les plans de sauvegarde de l'emploi consistant à virer
les salariés, sans quoi la barque est censée chavirer,
pour de prétendus motifs économiques, au lieu de ça
v'là qu'ils pourront se faire sans raison, mais on vaut mieux que ça!
Passer de dix à douze heures de travail par jour? On vaut mieux!
L'extension du dispositif "forfait-jour"? On vaut mieux!
Bosser gratos pour leurs beaux yeux, par amour? On vaut mieux!
"Oui patron, j'accoure!"? On vaut mieux, ouais, on vaut mieux que ça!
Et puis, c'est vrai qu'aller s'épuiser on vaut mieux que ça!
S'enliser dans l'entreprise et se mépriser, on vaut mieux que ça!
S'échiner, mieux que ça, et se ruiner, mieux que ça,
et trimer pour des primes et puis déprimer, on vaut mieux que ça!
S'abîmer pour pas un rond pour des patrons? On vaut mieux que ça!
Suivre les recommandations d'Emmanuel Macron? Il vaut mieux pas!
Le chefaillon? On vaut mieux que ça! Et l'aplomb de ces sales cons
qui ont tant fait d'affronts, on vaut mieux que ça! Faire le taf? Non, on vaut mieux que ça!
On vaut mieux que se tuer au boulot, que se maintenir la tête sous l'eau,
que s'anesthésier le ciboulot, pour l'heure on vaut mieux que ça!
On vaut mieux que bosser au McDo, que mettre en rayon des packs d'eau,
on est loin de nos rêves d'ados! C'est vrai qu'on vaut mieux que ça!
Perdre sa vie à la gagner, passer son temps à se magner,
on est tous dans le même panier, et on vaut mieux que ça!
Notre pouvoir, ils ne pourront pas le nier tant ils vont voir qu'on est pas niais
si on cesse de les accompagner, car on vaut mieux que ça!
Grève générale ad vitam aeternam,
vas-y, pars et réclame ta petite part et c'est le drame
pour la bourgeoisie car tricarde! Qui fabriquait sa came?
Qui a trimé pour ses produits et sa gamme?
Sans salariat, aïe aïe aïe, ça va pas! Ah bah ça
tombe bien: combien vaut-on à ce stade-là?
On vaut mieux que leur dire qu'on vaut mieux que ça: ils ont là appris
qu'on se moque de savoir combien on vaut car on n'a pas de prix!
released March 7, 2016 Paroles et musique: L'1consolable
Mixé par L'1consolable @ Paris.
Graphisme logo: Vincent Blanqui
Et un grand merci au collectif "On vaut mieux que ça"!