Deux syndicalistes mis en examen pour avoir protégé la santé des salariés

Publié le par FSC

Le 1er avril dernier, Jean-François Borde, président du comité amiante prévenir et réparer (Caper) en Bourgogne, reçoit une convocation singulière ...

par Nolwenn Weiler 12 mai 2016

 

Le 1er avril dernier, Jean-François Borde, président du comité amiante prévenir et réparer (Caper) en Bourgogne, reçoit une convocation singulière : celle d’un juge d’instruction lui indiquant qu’il serait auditionné le 25 mai en vue d’une éventuelle mise en examen pour « destruction de bien d’autrui ». Les faits dont il est accusé remontent au 25 février 2011. Ce jour-là, il est à Vernouillet, devant le siège d’Eternit – une entreprise du BTP qui fut le principal fabriquant d’amiante – où se tient une manifestation de salariés. « Ils protestent contre la mise en place d’une décharge de 48 000 tonnes de produits amiantés sur le site de l’usine de Vitry-en-Charollais (Saône-et-Loire, ndlr) », détaille Jean-François Borde [1]. Des manifestants pénètrent dans les bureaux. Certains sont accusés d’avoir détérioré du matériel. « Je ne suis pas entré, proteste Jean-François Borde. Je suis accusé de faits que je n’ai pas commis ! »

Intimidation de militants ?

« Je n’ai jamais vu un dossier aussi vide, dit Sylvie Topaloff, son avocate. Il n’y a pas d’indices concordants, il n’est pas rentré dans les bureaux, une attestation de la journaliste qui l’interviewe ce jour-là prouve qu’il est resté dehors tout le temps. » Sylvie Topaloff défend aussi cinq autres personnes, toutes militantes CGT, qui sont convoquées avec Jean-François Borde ce 25 mai. « Nous allons insisté sur le fait que ces personnes n’ont rien à faire dans le bureau d’un juge d’instruction. Ils n’ont pas commis de dégradation. Personne ne les a vus. Il n’y a rien eu. Le jour de la manifestation, c’était tellement calme que la police est venue mais n’a interpellé personne ! Elle n’a même pas pris les identités ! » Comme alors, les noms sont-ils tombés ?

« C’est un règlement de compte, une vengeance contre ceux qui défendent les victimes de l’amiante » pense Jean-François Borde. « On est dans la politique d’intimidation dont les patrons d’Eternit sont les spécialistes », reprend Sylvie Topaloff. L’entreprise a en effet choisi de porter plainte avec constitution de partie civile, ce qui oblige le juge d’instruction à convoquer les personnes mises en cause [2]. « Ils ne manquent pas d’air, ajoute Sylvie Topaloff. Ils sont mis en examen pour homicide involontaire, ils ont été condamnés des centaines de fois pour faute inexcusable, mais ça ne les gêne pas de porter plainte contre des militants pour des faits qu’ils n’ont pas commis ! »

« On a un peu l’impression d’être un voyou »

« Confiant dans la Justice de [son] pays » quant à l’issue de cette affaire, Jean-François Borde dit quand même que ça lui a fait « tout drôle » de se voir convoquer par un juge d’instruction, alors qu’il milite depuis plus de 30 ans ! Même son de cloche chez Laurent Indrusiak, syndicaliste CGT, auditionné par un juge d’instruction le 11 mai, dans une autre affaire : « Quand on mentionne l’éventualité d’une mise en examen, on a un peu l’impression d’être un voyou. Cela crée de l’inquiétude dans mon entourage. » Laurent Indrusiak est un ardent défenseur de la santé des salariés de l’entreprise Environnement recycling, société de recyclage de matériel informatique située près de Montluçon, en Auvergne (sur les conditions de travail dans cette entreprise, lire notre article). S’il est mis en examen, ce sera pour « diffamation » et « injures publiques ». « La plainte a été déposée en juillet 2014 par Environnement recycling, suite à la distribution de tracts et à la publication d’un communiqué sur le site Internet de l’union départementale de l’Allier, dont je suis le responsable éditorial », détaille Laurent Indrusiak.

« Je suis syndiqué depuis 15 ans et c’est la première fois que je risque une mise en examen, confie le syndicaliste. Pour nous, ce genre de procédure judiciaire, cela sert à nous faire peur. Il s’agit clairement d’intimider le mouvement social, et c’est d’autant plus choquant que la plainte que l’on a déposée en mai 2015 avec un salarié d’Environnement recycing pour mise en danger de la vie d’autrui a été classée sans suite ! Cette plainte, cela nous oblige à passer du temps et de l’énergie à nous défendre. En même temps, cela ouvre des perspectives pour parler du fond : la direction n’a pas respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité des salariés. »

Notes

[1] La décharge a dans un premier temps été autorisée en 2010 par le Préfet. Une requête a été déposée au tribunal administratif (TA) par un riverain et par la Caper. Le TA a finalement annulé l’autorisation de la décharge.

[2] Avec une plainte simple, c’est le procureur qui mène d’abord l’enquête. Les non-lieux et classements sans suite sont prononcés sans que les personnes soient nécessairement convoquées.

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