Conférence internationale sur l'industrie de la santé au siège de la CGT organisée conjointement entre la fédération CGT de la chimie et la Fédération Syndicale Mondiale
SOURCE : le site de la FSM en français
La Conférence Syndicale Internationale sur l’Industrie de la Santé, organisée conjointement par la FSM et la FNIC-CGT, vient de démarrer à Paris, en France. Le Secrétaire Général de la FNIC-CGT, Emmanuel Lepine, a inauguré ce matin les travaux de ce Colloque International tenu à Montreuil, au siège de la CGT-France.
Le Secrétaire Général de la FSM, George Mavrikos, s’adressera à la réunion internationale le jeudi 26 octobre.
Des délégués syndicaux de plus de 22 pays différents , ainsi qu’une centaine de délégués nationaux de tous les coins de France assisteront à la réunion. Les débats vont continuer pendant les trois jours suivants.
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L’ intervention d’ouverture de camarade Manu Blanco, secrétaire fédéral de FNIC-CGT:
Tenir des colloques et des conférences, à l’image de celle-ci qui de plus est internationale, est important pour tous au regard de l’intensité de l’actualité et des évènements qui nous accaparent sans cesse.
La participation des délégations étrangères, d’organisation de la CGT liées de façon directe ou indirecte aux industries de santé, va nous permettre d’enrichir nos connaissances, de partager nos expériences, de mettre en comparaison nos situations économiques et sociales. Cela nous rendra plus efficace dans nos batailles revendicatives, dans nos pays ou champs professionnels respectifs.
Je tiens donc à remercier très fraternellement pour leur présence durant ces trois jours nos camarades des délégations étrangères, des organisations de la CGT et bien évidement nos syndicats. De même, je remercie les cabinets Secafi et Cidecos pour l’alimentation de nos travaux par les présentations qu’ils feront et, l’apport de connaissances dont ils nous ferons profiter durant cette conférence.
L’actualité nous amène souvent à réagir plutôt qu’à agir souvent dans l’urgence, laissant peu de temps au recul, à l’analyse approfondie nécessaire à l’émergence de nos propositions, revendications ou nos axes de travaux que nous définissons au regard des besoins des populations et ceux des salariés qui chaque jour œuvrent à y répondre par leur travail.
Dans un système économique mondial entièrement organisé autour de l’exploitation de l’homme par l’homme, où tout est centré sur la profitabilité, la spéculation financière, le retour en dividendes, il nous faut plus que jamais revenir à la finalité de l’entreprise, des industries et des services publics.
Une société moderne et évolué se devrait de consacrer et placer tous ces moyens intellectuels et financiers à la réponse aux besoins de sa population. Elle devrait être en recherche permanente du meilleur, pour garantir le présent et l’avenir des générations dans un processus de progrès social permanent. Des valeurs de société que bon nombre ont mis au placard, abdiquant devant la pression des oligarchies financières. L’ensemble du monde du travail, des populations, quel que soit le pays, est confronté à un défaut, une carence de projets politiques courageux, qui affrontent et s’opposent au dictat de l’exploitation capitaliste.
L’action syndicale ne peut à elle seule gagner ces choix de sociétés. Mais néanmoins, nous devons, dans le cadre de nos responsabilités, par nos actions et le rapport de forces, peser sur les politiques et les pouvoirs en place pour que s’imposent nos revendications, qui ne sont rien d’autres que les besoins des travailleurs et des populations.
Refuser l’austérité et la misère c’est non seulement refuser les régressions sociales mais c’est aussi avoir des exigences de progrès sociaux.
Cette austérité que l’on veut nous imposer, mais au prétexte de quoi ? Pour sauver un système financier, bancaire, basé sur une économie virtuelle, spéculative, en opposition à l’économie réelle ? Pour sauver une société qui n’est pas celle que l’on veut ? Pour sauver leur système capitaliste qui s’accapare les richesses créées par des millions de travailleurs dans le monde pour le seul profit de quelques-uns ?
Refuser l’austérité c’est dire non au sacrifice sur l’autel de l’exploitation capitaliste de millions d’êtres humains alors que dans le même temps des milliards d’euros de profits sont créés par le travail et qu’il suffirait qu’un juste partage de ces richesses soit réalisé pour éradiquer la misère de la planète. Mais pour cela faut avoir le courage de le faire, quand je dis cela je ne m’adresse pas à vous bien sûr, mais à tous ces gouvernements, ici comme ailleurs, qui n’ont de cesse d’œuvrer à contre sens du progrès social, qui dans les politiques qu’ils décident et mettent en place, les positionnent plus comme un rouage bien huilé du système capitaliste, sans en être les maîtres d’œuvre ils n’en sont pas moins les créateurs des outils dont a besoin l’exploitation capitaliste.
C’est bien tout cela qu’il y a derrière ce mot austérité et c’est pour toutes ces raisons que des milliers de travailleurs, de citoyens se battent et continueront de le faire. Seul le rapport de forces, la détermination à refuser la misère, la souffrance, la mort, imposeront d’autres choix, mais l’histoire nous l’a démontré, les acquis de progrès sociaux ont toujours nécessité de fortes mobilisations et dans la durée. Nous devons, donc mettre en œuvre tous nos moyens militants, pour encore amplifier les mobilisations nécessaires pour imposer, sur les cinq continents, une autre société où le progrès social, l’être humain soit au cœur des décisions prises et mises en œuvre.
Nous sommes réunis durant trois jours pour mettre en débat les industries de santé, la chaîne du médicament bien sûr, mais c’est aussi le matériel médical, les prothèses, l’optique, le dentaire, l’auditif, l’imagerie médicale, etc…
N’est-il pas meilleurs exemple au regard de ce que sont aujourd’hui les industries de santé, pour illustrer concrètement les conséquences de ce qui arrive lorsque seuls prédominent les choix imposés par le système capitaliste qui lui n’a que pour seul réflexion celle du profit. Bien sûr il en va de même pour d’autres filières de production, pour d’autres industries. Mais là, on parle des industries de santé.
Il n’y a pas et on ne doit pas instaurer de hiérarchie à la misère et à la souffrance du monde, il n’en reste pas moins que chaque jour, sur cette planète, 10 000 personnes meurent de faim, 30 000 sont victimes des guerres, mais c’est 100 000 par faute d’accès aux soins, au vaccin, au médicament ou faute de recherche. Deux milliards d’êtres humains n’ont pas accès aux soins, deux autres milliards n’y ont accès que partiellement, alors que dans le même temps les profits réalisés par les « majors » des industries de santé se comptent en centaine de milliards d’euros chaque années. Ne doit-on pas parler de crime contre l’humanité ?
Cela étant dit, pas besoin d’en rajouter, notre conférence internationale sur les industries de santé s’inscrit bien pleinement dans nos revendications, les biens communs à l’humanité, les industries de santé, tout comme le droit à l’eau, l’énergie, la nourriture, le logement, ne sauraient devenir la propriété de quelques-uns, supprimer la notion de propriété privée n’est-il pas de mise, devons-nous nous l’interdire lorsqu’il s’agit de biens communs à l’humanité, de droit pour tous ?
Les industries de santé sauvent des vies, des milliers, des millions de vies chaque jours. Et je le répète, elles maintiennent en vie et sauvent des vies par millions. Il est nécessaire de le dire et de le redire. Depuis plusieurs années, lorsque l’on parle du médicament, par exemple, dans les médias ou ailleurs, ce n’est que par rapport à tel ou tel scandale, tel ou tel médicament qui aurait ou a causé des centaines de morts, de surconsommation, et j’en passe… tout cela n’est pas faux, mais faut le répéter, d’abord et avant tout, les industries de santé sauvent des vies, et si un jour elles sortaient des griffes du grand capital ce serait des millions de vies en plus qui seraient sauvées, préservées, allongées.
On se doit de le répéter par ce que, rien qu’en France ce sont près de 50 000 salariés qui travaillent dans cette filière, de la recherche à la distribution, des milliers de salariés qui se sentent coupables et mis en accusation. Ces salariés qui pourtant ont toujours été fiers d’œuvrer et d’apporter leur pierre à l’édifice du progrès thérapeutique, chacun à son niveau, ces salariés qui pour certains n’osent même plus dire aujourd’hui ce qu’est leur profession ou pour qui ils travaillent. Oui ce sont des milliers de travailleurs qui aujourd’hui sont montrés du doigt et criminalisés alors qu’ils ne sont en rien responsables, alors qu’ils sont eux aussi des victimes.
Ce n’est pas l’industrie de santé qui fait des victimes, disons le haut et fort, ce sont, et ce n’est plus un secret pour personnes, les politiques et stratégies menées par leurs dirigeants, qui n’ont que pour seule réflexion celle de la rentabilité à tout prix, encore et toujours plus de profits, faisant fi des besoins sanitaires et ce, sur les cinq continents. Ne développant des projets de recherches qu’en fonction d’études de marché ou de programmes à financement public, qu’en fonction de la capacité des pays à payer.
Ces laboratoires, ces grands majors qui depuis trois décennies ont vécus de la rente de leur blockbuster qui la plupart du temps n’étaient même pas le fruit de leur découverte mais d’acquisitions, de fusions ou d’absorbions. Bénéficiant toujours et encore plus des systèmes de protections sociales que ce soit le nôtre ou celui d’autre pays.
Certains pays sont montrés du doigt du fait de leur niveau élevé de consommation de médicament ou de soins, ce n’est pas de la surconsommation, ce ne sont que des pays où une protection sociale existe, de plus ou moins haut niveau, donc des pays où les gens peuvent plus ou moins bien se soigner. Leurs chiffres d’affaires et leurs profits dépendent en fait du niveau de protection sociale. Ces propos, tenus par des dirigeants de l’industrie de santé, nous confirment au moins une chose que nous disons de longue date dans notre fédération : « la richesse d’un pays se mesure d’abord et par rapport à son niveau de protection sociale ».
Les industries de santé engrangent des milliards de bénéfices alors que dans le même temps, des milliers de personnes meurent fautes de soins, faute d’accès au médicament, faute de projet de recherche approprié.
Un état des lieux vous sera présenté et vous permettra d’avoir une visibilité de ce qu’elles sont aujourd’hui, les chiffres d’affaires et les profits réalisés en disent long, ils doivent nous interpeller, n’y a-t-il pas un paradoxe au regard de ces milliards de profits et de millions d’êtres humains qui ne peuvent accéder au médicament, aux soins, de par leur prix ? N’as-t-on pas non plus de quoi fulminer quand on voit que bon nombre de programme de recherche, fondamentaux de plus, sont financés à travers le bon vouloir des citoyens, Téléthon, Sidaction, Pasteurdon, et j’en passe, est-il normal que ce soit le monde associatif qui supplée au déficience d’un système alors que dans le même temps, les labos, qui engrangent des milliards, nous disent que la recherche coûte trop. Mais depuis quand la recherche doit être rentable, depuis quand on ne doit chercher qu’avec la garantie de faire des résultats financiers, des profits. Qu’en serait-il aujourd’hui de nos avancées thérapeutiques si cela avait été la seule réflexion qui avait été mené en son temps. La santé, la vie d’un être humain a-t-elle un prix ?
Cela étant dit, les laboratoires sont-ils les seuls responsables, les seuls coupables au regard de la situation, doivent-ils être les seuls à être mis en cause, si ils font ce qu’ils font aujourd’hui, quasi tout ce qu’ils veulent en fait, n’est-ce pas parce qu’on les laisse faire et que rien n’est fait pour leur imposer d’autres choix de gestion. La question doit être posée, que font, qu’on fait les pouvoirs en place et les différentes administrations sensées encadrer les industries de santé, que font-ils ces gouvernements au lieu d’œuvrer à garantir l’accès aux soins de leurs populations, qu’en est-il de cette solidarité internationale, identitaire chez certains soi-disant, que font les pays riches pour ceux qui le sont moins ?
Je laisse maintenant la place à nos travaux, je suis sûr que la richesse des débats que nous aurons ne manquera pas de nourrir nos réflexions collectives et permettront de construire des revendications, des pistes de luttes, pour que sur nos cinq continents ce soit le progrès social qui l’emporte.
Merci à vous.