La 2 et Anne Sophie Lapix complices du pouvoir !

Publié le par FSC

Quand Marianne à propos de la contre-réforme SNCF met à nu le comportement complice du pouvoir de la présentatrice du journal de 20 heures de la 2, Sophie Lapix  et de sa participation à la campagne contre les cheminots.

A l'instar de nombreux médias sur le pont pour la confrontation qui s'annonce !
 
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Hervé Nathan

Directeur adjoint de la rédaction

Au JT de France 2 ce lundi 26 février, Anne-Sophie Lapix a épargné à Edouard Philippe les questions de fond sur la réforme de la SNCF. Mais quoi d'étonnant quand règne dans certains médias un consensus pour condamner par avance les cheminots et leur statut, voire pousser l'exécutif à prendre sa revanche sur le conflit de 1995…

On prête à Emmanuel Macron des propos très désobligeants sur le service public de l’audiovisuel. Franchement, en regardant le 20 heures de France 2 ce lundi 26 février, on était tenté de lui donner raison : le JT phare de France Télévisions semblait avoir mis un point d’honneur à soutenir le bienfondé de la réforme à venir de la SNCF. A commencer par l’abolition promise du « statut », celui des cheminots. Ah, ce statut, comme il est enviable ! Des billets de train gratuits, rendez-vous compte ! Un avancement à l’ancienneté, une retraite calquée sur le modèle de la fonction publique… mais on oublie de préciser que même si théoriquement,

le cheminot peut partir à la retraite à 52 ans en 2018, il doit, s'il veut toucher sa pleine pension, aligner plus de 41 annuités comme dans le secteur privé, et bientôt 43.

Il ne manquait qu’un élément au sujet préparé par la rédaction : quel salaire ? Pour juger d’un « privilège », c’est pourtant une question évidente. En fait, les cheminots sont proches du revenu médian des salariés. Quel avantage ! De la même manière, Anne-Sophie Lapix face au Premier ministre aura mis toute son énergie à contourner le sujet qui fâche. Puisque Edouard Philippe a mis en cause la déficit abyssal d’investissement dans les lignes de proximité au profit du tout TGV, choix assumé selon lui par les gouvernements successifs pendant « quatre décennies », pourquoi la présentatrice n’a-t-elle pas simplement demandé : « Dites-nous alors quel est le problème avec le statut, puisque c’est d’abord un problème de défaut d’investissement ? »

Après tout, si d’aventure une réforme préconisait qu’on remette en question le statut des journalistes, très enviable par certains aspects, afin de réduire le déficit des journaux, imagine-t-on que le rapport entre l’un et l’autre ne soit pas mis sur la table ? Mais pour les médias souvent fainéants, le statut des cheminots est devenu un tel épouvantail que le consensus, la pensée unique, a d’ores et déjà voté son arrêt de mort. Les Echos titrent « Edouard Philippe lève le tabou des cheminots ». Le Figaro : « Le premier ministre confirme la fin du statut pour les nouveau cheminots »

Anne-Sophie Lapix préfère évoquer la dette de « 46,6 milliards d'euros » : « Qui va la payer, la SNCF ou les contribuables ?». Tous les poncifs y passent. Les téléspectateurs n’auront donc droit qu’à trois questions répétitives sur les « ordonnances ». « Le passage en force », voici le problème pour la journaliste dans ce dossier. Les ordonnances, c’est méchant ! Comme si le sort des 130.0000 cheminots et des millions de passagers de la SNCF n’était qu’une broutille en regard d’un problème de méthodologie qui n’intéresse que les états-majors syndicaux et la classe politique.

Le statut du cheminot est vu par l’exécutif comme un obstacle à la libéralisation du rail

Pourquoi fallait-il absolument évoquer l’enjeu du statut ? Parce que le Premier ministre aurait été contraint d’expliquer que le statut est vu par l’exécutif comme un obstacle à la libéralisation du rail, voulue par les institutions européennes avec l’accord du gouvernement français, et qui commencera dès 2019. Car là est le véritable enjeu de la réforme et si le gouvernement veut aller vite, c’est qu’il ne dispose plus que de neuf mois pour transcrire dans les lois françaises le quatrième « paquet ferroviaire européen » qui permettra à des opérateurs privés (Veolia, Deutsche Bahn, TrainItalia…) de reprendre des lignes TGV ou des réseaux TER (ou des morceaux de réseaux). Il faudra bien reclasser les cheminots dans ces entreprises, et offrir à ces géants capitalistiques les conditions de profitabilité auxquelles ils sont accoutumés.

Selon le rapport Spinetta, le statut provoquerait une augmentation des rémunérations de 2,4% par an. Alors désindexons les salaires des futurs cheminots, propose le gouvernement, qui affirme qu’ils bénéficieront dans l’avenir des seules « garanties du code du travail », c’est-à-dire rien ! L’entrée massive de salariés « privés », permettrait aussi à la direction de la SNCF de placer les cheminots qui demeureront encore longtemps (jusqu’à 40 ans…) sous statut, en situation de concurrence à l’intérieur même de leur entreprise. On a déjà vu les dégâts d’une telle cohabitation chez France Télécom, privatisée en 1997. Questionner Edouard Philippe sur les vertus de la baisse des rémunérations des salariés, ou des effets réels de la mise sur le marché du monopole de la SNCF, ou des effets sociaux de la concurrence de tous contre tous aurait donc apporté l’éclairage nécessaire sur les causes profondes de la réforme voulue par le gouvernement. Mais non, Edouard Philippe a pu dérouler ses arguments sans aucune contradiction. Pas terrible pour le service public...

D'autres médias surjouent à fond la confrontation. Comme s'il voulaient obtenir enfin la peau des cheminots et de leurs syndicats trop remuants. Pour les nostalgiques de la confrontation sociale, c’est l’heure de la revanche du conflit de 1995, lorsque la grève des transports avait mis à genoux le gouvernement d’Alain Juppé. Pour le Parisien, « il s’agit de montrer qu’il est possible de réformer la France et d’affaiblir durablement les syndicats. » Nicolas Beytout, patron de l’Opinion , journal subventionné par de grands groupes mondialisés donne même la marche à suivre : « Beaucoup va maintenant dépendre de la bataille de communication : aucun grand changement ne peut aboutir si les opposants parviennent à imposer leurs arguments. » Avec la réforme de la SNCF, l'information est devenue un sport de combat idéologique.

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