barrages contre les privatisations : 150 ouvrages menacés !
A leur tour après les aéroports et bien des secteurs rentables comme la Française des jeux ce sont les barrages hydrauliques dont l'Union européenne avec la complicité de Macron prévoit la privatisation.
Preuve que loin de défendre l'intérêt général ce pouvoir comme les institutions européennes sont au service des intérêts privés et des plus riches avides de s'emparer des richesses publiques!
Mais dans ce cas comme dans celui de la SNCF le pouvoir trouve en face une forte résistance!
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LA RESISTANCE :
Inacceptable aux yeux des syndicats de l’électricien, qui mobilisent leurs troupes ce mardi pour faire «barrage à la privatisation des barrages». A l’appel de l’intersyndicale CGT-CFDT-CGC-FO, les hydrauliciens vont multiplier les arrêts de travail et déployer leurs banderoles sur quelques-uns des 433 barrages d’EDF. Une manif est aussi prévue devant le Parlement européen à Strasbourg
LIBERATION
Après les cheminots, Emmanuel Macron a entrepris de se mettre à dos toute la maison EDF. Le Président a accepté l’impensable aux yeux des électriciens : confier les clés d’une partie des barrages hydrauliques français - les plus grands et les plus rentables - à des opérateurs privés. Toute l’Europe de l’énergie est sur les rangs pour s’arroger de gros ouvrages comme ceux de Bissorte (Savoie) ou de la Dordogne : les allemands EON et Vattenfall, l’espagnol Iberdrola, l’italien Enel, le norvégien Statkraft, le suisse Alpiq. Le canadien Hydro-Québec et des chinois sont aussi en embuscade. Mais, selon nos informations, ce sont surtout les français Total et Engie (l’ex-GDF-Suez) qui espèrent rafler la mise, avec la bénédiction du gouvernement craignant d’être accusé de «brader» ses barrages à l’étranger.
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Cela fait dix ans que la Commission européenne exige de la France qu’elle ouvre à la concurrence son secteur de l’hydroélectricité historiquement contrôlé à 80 % par EDF et à 15 % par Engie (via la CNR et la Shem). Une bonne part des concessions de 75 ans accordées après-guerre arrivent progressivement à échéance depuis 2011. Et la commissaire européenne Margrethe Vestager veut les voir remises en jeu au nom de «la concurrence libre et non faussée». Problème, il n'y a aucune réciprocité ! La France est le seul pays en Europe à être contraint d’ouvrir ses barrages à la concurrence, Bruxelles pointant la position par trop «dominante» d’EDF sur le marché global de l'électricité. Comme il était impossible à la Commission d'exiger l'ouverture à la concurrence des centrales nucléaires françaises (ces dernières relèvent des «activités d'importance vitale»), c'est l'hydraulique, la deuxième source de production électrique du pays, qui a été ciblée par les services de Vestager.
Résultat, sur 400 concessions, près de 150 barrages risquent d’échapper à EDF d’ici 2022 ! Peu pressés d’ouvrir au privé les vannes d’une énergie qui concoure pour 12 % (25 GW) de la production électrique et fournit au pays 70 % de son électricité renouvelable, les gouvernements, de gauche comme de droite, avaient jusqu’ici joué la montre. Un appel d’offres annoncé en 2010 sous Sarkozy pour une cinquantaine de barrages était ainsi resté lettre morte. Et sous Hollande, la loi sur la transition énergétique avait ouvert la possibilité de prolonger les concessions d’EDF et Engie contre travaux. Les barrages de la Truyère (plus de 2000 MW en Aveyron) échapperaient à la vente à la découpe car l'électricien s'est engagé à y investir 1 milliard d'euros. Idem pour les barrages du Rhône de la CNR. Autre solution trouvée en leur temps par les ministres socialistes Delphine Batho et Ségolène Royal: créer des sociétés d'économie mixte pour opérer les barrages, où la puissance publique et les collectivités conserveraient une minorité de blocage de 34 % pour cadrer le repreneur privé. Mais Bruxelles n'a pas apprécié la manip. Fin 2015, la Commission Européenne a tapé du poing sur la table et mis en demeure Paris «d’accélérer l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques».
Dès lors, «on ne pouvait plus repousser le tas de sable», plaide l’entourage de Nicolas Hulot. Le 14 février, à l’Assemblée, le ministre de la Transition écologique a promis que la France resterait «ferme» et n’accepterait pas de conditions déséquilibrées dans ses négociations avec Bruxelles. Mais les syndicats d’EDF dénoncent «une trahison» : le 7 février, lors d’une réunion à Matignon avec Thibaud Normand et Antoine Peillon, les conseillers énergie du Premier ministre et de l’Elysée, ils ont appris tout à trac que la France avait cédé aux exigences de la commissaire Vestager par un courrier daté du 31 janvier. «Le gouvernement a manœuvré dans notre dos pour aller dans le sens de l’UE, celle d’une vente à la découpe», tonne Laurent Heredia, secrétaire fédéral de la FNME-CGT. De fait, la NAF (note des autorités françaises) promettrait les premiers appels d’offres pour fin 2018, avec à l'appui un beau tableau Excel listant les premiers «lots» qui seront remis en concurrence : les barrages de Haute-Dordogne, de Beaufortain en Savoie et Lac Mort en Isère (434 MW), et toujours dans les Alpes, Super Bissorte (882 MW), Motte, Baigts… D'autres lots de barrages suivront méthodiquement en 2019, 2020, 2021...
Au total, 4,3 GW d’hydraulique - l’équivalent de trois réacteurs EPR - seraient mis aux enchères, sans forcément respecter la logique d'ensemble des vallées, qui interconnecte les barrages en chaîne de production hydroélectrique. Et in fine, ce sont les 20 GW de barrages EDF qui seraient menacés par cette ouverture à la concurrence d’ici 2050. «Un GW d’hydraulique coûte 1 milliard d’euros à construire, mais tous nos barrages sont déjà amortis depuis longtemps, tout ce qui est turbiné aujourd'hui c'est du pur bénéfice, ce sera la poule aux œufs d’or pour le repreneur», pointe Laurent Heredia, de la FNME-CGT.
L’Etat ne pourra, lui, compter que sur des recettes limitées : 520 millions d’euros de redevances par an de la part des nouveaux entrants, selon la Cour des comptes. On est loin des 9 milliards attendus de la privatisation d'ADP. Alors pourquoi céder aux exigences de Bruxelles ? La France «aurait pu classer son hydroélectricité comme service d’intérêt général échappant à la concurrence mais n'en a rien fait», s’étonne Alexandre Grillat de la CFE-Energies. A contrario, les autres pays européens semblent plus soucieux de protéger leurs barrages des appétits privés: «aucun d'entre eux n'a ouvert ses ouvrages hydrauliques à la concurrence», souligne-t-on chez EDF. Et certains érigent même des remparts. En Norvège, grand pays de barrages certes non membre de l'UE, on a fait en sorte que les licences hydrauliques ne soient ouvertes qu'à des opérateurs publics comme Statkraft. La Slovénie a elle carrément constitutionnalisé «un grand service public de l'eau», comme le demande la CGT en France depuis des années.
Emmanuel Macron aurait-il voulu jouer au bon élève libéral de la classe devant la commission européenne en cédant sur les barrages en échange d'un deal sur les aides publiques aux agriculteurs français, comme le soupçonnent les syndicats ? Contacté par Libération, ni Matignon ni le ministère de l'Economie n’ont retourné nos appels pour clarifier les intentions du gouvernement.
Même si elle est gênée aux entournures (l’Etat est actionnaire à 84 %), la direction d’EDF dénonce, elle, «une mise en demeure infondée et injuste dont le fondement même est obsolète», arguant que le marché français de l’électricité est ouvert à la concurrence depuis dix ans. Preuve en est, EDF a perdu 1 million de clients en 2017... Et le groupe fait part de son «étonnement», pour le dire poliment, sur le deal qui se profile sur son dos entre Paris et Bruxelles. L'électricien est d'autant plus fumasse qu’un mécanisme l'empêchera de postuler à plus de 60 % d’un lot hydroélectrique: ce qui veut dire en clair que le nouvel entrant en aura forcément 40 %, même si EDF est mieux disant. Dans ces conditions, «les incertitudes quant au devenir des concessions hydrauliques pourraient obérer certains investissements», a prévenu mi-février le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, lors de la présentation des résultats annuels du groupe, en réponse à une question de Libération. En clair, pas question pour EDF de financer de nouveaux équipements si c'est pour s'en faire dépouiller dans la foulée par un concurrent...
Et quid de la sûreté: les nouveaux entrants seront-ils aussi sourcilleux qu'EDF qui investit 400 millions d’euros par an dans le renforcement de ses ouvrages ? Ce qui inquiète aussi beaucoup dans les territoires, ce sont les autres usages de l’eau : ces millions de mètres cubes bon marché fournis à la collectivité pour l’eau potable, l’irrigation, les canons à neige… «Un opérateur privé cherchera forcément à faire un maximum d'argent sur l’eau», s’alarme Heredia de la CGT. La crainte d’un nouvel affaiblissement d’EDF est aussi là : «Tout ce que l’entreprise va perdre, ce sont les Français qui vont le perdre», prévient Grillat de la CFE.
LA CROIX :
Qui pourrait remporter le marché ?
La production des barrages français, dont la construction a été largement amortie, est l’une des moins chères parmi les différents modes de production d’électricité. De nombreux groupes européens seraient intéressés par leur gestion, en premier lieu les Allemands EON et Vattenfall, l’Espagnol Iberdrola, l’Italien Enel, le Norvégien Statkraft ou le Suisse Alpiq.
« Le gouvernement pourrait aussi pousser Total et Engie à se positionner, en s’alliant avec des spécialistes de la production hydroélectrique, pour ensuite les favoriser », pense Fabrice Coudour. Il préviendrait ainsi les accusations de « brader » ses barrages à des groupes étrangers.
Minable défense car quelle différence avec un bradage à des groupes issus des milieux d'affaires français ?