Grève des cheminots : coup de projecteur sur la province

Publié le par FSC

SOURCE : Le populaire du Centre

Réforme ferroviaire

La CGT Cheminots 87 annonce « plus de grévistes qu'en 1995 » à la SNCF

Représentant CGT Cheminots pour le Limousin, Frédéric Tronche vit ce 2 avril comme une veillée d'armes. Alors que la grève contre le projet de réforme ferroviaire du gouvernement commence, ce lundi soir, à 19 heures, le syndicaliste dénonce les méthodes du gouvernement et de la SNCF. Et invite le député-rapporteur En Marche Jean-Baptiste Djebbari à une rencontre avec les cheminots.

Pour commencer, quelles seront les perturbations de trafic en Limousin ?

Frédéric Tronche

Il y aura un seul aller-retour Intercités entre Paris et Brive sur la journée de mardi, zéro TER en train et à peu près 50 % du trafic régional assuré en bus. On sait qu'on va embêter les usagers, on en a conscience, mais on le fait pour que demain, ils puissent prendre le train. C'est pour la qualité du service public qui, aujourd'hui, n'est plus assuré. En rythme quotidien, la SNCF fait grève tous les jours, avec les retards et les annulations. Dois-je parler des 100 trains supprimés en Limousin pour la rentrée scolaire ? Ce ne sont pas les syndicats ou les salariés qui ont fait ça...

Quelle sera l'ampleur de la mobilisation ?

Frédéric Tronche

On va avoir un mouvement avec plus de grévistes qu'en 1995. Avec l'encadrement, on a tous les signaux qui montrent qu'ils sont massivement en soutien des grévistes. Dans les manifestations du 22, il y avait d'ailleurs beaucoup de jeunes et d'encadrants. Alors qu'à la SNCF, on est à la veille d'élections et qu'on sort des divisions par rapport aux ordonnances Macron, on arrive à avoir une unité sur le contenu. C'est rare.

Pourquoi l'ouverture à la concurrence est pour vous une ligne rouge ?

Frédéric Tronche

La première chose, c'est que c'est faux de dire qu'il s'agit d'une obligation européenne. Selon l'UE elle-même, l'autorité compétente peut décider d'attribuer directement des contrats de service public, lorsque c'est justifié par des caractéristiques structurelles et géographiques ou lorsque un tel contrat aurait pour effet d'améliorer la qualité des services. C'est tout à fait le cas pour le Limousin et même pour tous les territoires ruraux. 

On a payé un lourd tribut au pharaonisme de l'Etat sur les LGV et les TGV

Le deuxième sujet qui est évité, c'est le sauvetage des 9.000 kms de petites lignes. Le Premier ministre dit que ce n'est pas à Paris de décider et renvoie vers les régions. Mais on s'en moque de savoir qui va les fermer !!! Il suffit de regarder : Limoges-Angoulême : fermée. Limoges-Poitiers : en travaux. Limoges Saint-Yrieix : en sursis. Busseau-Felletin : en danger. Sans compter le fermeture des guichets dans les gares. On a payé un lourd tribut au pharaonisme de l'Etat sur les LGV et les TGV. Aujourd'hui, on est en sous-investissement chronique sur le reste du réseau. Le vrai problème, c'est donc la question de la dette. C'est une dette d'Etat : à ce que je sache, ce ne sont pas les sociétés d'autoroute qui ont payé la construction.

En visite à Limoges, vendredi dernier, le député rapporteur Jean-Baptiste Djebbari a évoqué « une reprise substantielle » de la dette par l'Etat. Qu'en pensez-vous ?

Frédéric Tronche

C'est bien beau. Mais aujourd'hui, il n'y a pas un seul réseau qui dégage de bénéfices. La reprise de la dette, elle est normale et Elisabeth Borne le sait très bien. Mais c'est faux de croire que l'ouverture à la concurrence va régler le problème. On a un exemple concret en France : le fret. Ça devait être une chance, mais ça s'est traduit par une réduction de 50 % du trafic et une bascule vers le routier, avec en prime, beaucoup de casse sociale. Clairement, ça ne répond pas à un projet économique et écologique global. En ce qui concerne M. Djebbari, on aimerait le rencontrer, mais c'est très difficile. Il joue un peu la fille de l'air. Mais on est prêt à le rencontrer. On l'invite même en AG, s'il veut voir ce que pensent vraiment les cheminots. On a jamais bouffé personne et personne n'est reparti de chez nous sur un rail avec du goudron et des plumes. S'il veut, on lui offrira même le casse-croûte.

« La discussion passer par le parlement ?
OK, mais ça change quoi ? »

Vendredi, la ministre a annoncé des garanties pour les salariés de la SNCF en cas d'ouverture à la concurrence : droit au retour, préservation de la garantie de l'emploi et des droits à la retraite, entre autres. Qu'en pensez-vous ?

Frédéric Tronche 

Je retiens deux choses. La première, c'est que la discussion passera par le parlement. OK, mais sur le fond, ça change quoi ? On a des députés qui se sont surtout illustrés par leurs incapacités à entendre leurs concitoyens. On est face à une chambre d'enregistrement du gouvernement.

Brétigny, Denguin et les onze morts d'Eckwersheim, lors du déraillement d'un train d'essai LGV. Nos dirigeants savaient où les réformes successives nous menaient.

Ensuite, il y a l'étalement de l'ouverture à la concurrence. C'est notre point de désaccord majeur. Nous on dit que la concurrence ne fonctionnera pas pour les usagers. Mais les premiers de cordée s'en moquent que la carte d'abonnement augmente de 127 % comme en Angleterre. Globalement, ce sont eux qui bloquent la France. Par exemple est-ce qu'on discute de la réunification de la SNCF ? Est-ce qu'on discute des indicateurs de sécurité qui se dégradent ? Est-ce qu'on peut parler des accidents graves. Brétigny en 2013, Denguin en 2014 et des onze morts d'Eckwersheim, lors du déraillement d'un train d'essai LGV. Nos dirigeants savaient où les réformes successives nous menaient. Mais à chaque fois, c'est  uniquement l'encadrement de proximité qui est pénalisé, parfois même pénalement. C'est insupportable. mais derrière ça, il y a des malheurs humains : 60 personnes se sont suicidé à la SNCF en 2017.

L'ouverture à la concurrence, on n'en veut pas 

 

Comment jugez-vous les discussions avec le gouvernement ?

Frédéric Tronche

On a commencé avec une ministre qui a dit qu'elle était prête à supporter un mois de grève. Nous aussi, on est prêts à faire face. Puis, elle l'avait annoncé : ce n'était pas des « négociations », mais une « concertation ». Elle refuse qu'on discute des vrais problèmes. Sur l'ouverture à la concurrence, elle veut seulement discuté des modalités, mais c'est hors de question pour nous. Ce qui pose problème, c'est l'ouverture à la concurrence : on n'en veut pas !

Avec la direction, comment se passent ces journées pré-grèves ?

Frédéric Tronche

En 35 ans de boîte, je n'ai jamais vu ça. On a tout eu. Ça a commencé avec l'entreprise qui considère que nos différentes journées de grève (deux jours tous les cinq jours pendant trois mois) constitue un mouvement continu. Mais nous avons posé plusieurs préavis sur des motifs différents. Ce sont des plages revendicatives successives et distinctes et chaque mot a son importance. L'entreprise a d'ailleurs déjà été condamnée pour ça.

« La SNCF est une entreprise militante »

Ensuite, il y a la réaffectation des agents. Elle est possible par entreprise. Mais la SNCF l'envisage entre réseau et mobilités, ainsi qu'entre l'EPIC de tête et SNCF Mobilités. Les syndicats dénoncent aussi le recours au recrutement de salariés étrangers, Anglais en l’occurrence. C'est une pratique du début du XXe siècle et un référé liberté a été déposé.

Pour finir, il y a cette histoire de primes. Alors qu'on nous reproche à tort de bénéficier de primes de non-prime ou de primes charbon, là, on en crée une autre! 150 € pour les cadres qui viendraient tirer les trains. On est quand même face à un arsenal assez particulier. Ce qui le fait dire qu'aujourd'hui, la SNCF est une entreprise militante, aux ordres de Macron.

 

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