Il y a 100 ans la classe ouvrière arrachait la journée de 8 heures

Publié le par FSC

Libération marque à sa façon cet anniversaire.

Le journal souligne l'importance et la modernité de la loi avec un clin d'œil discret à Léon Jouhaux, référence obligée de tous les réformistes partisans de la collaboration capital/travail.
 
Pourtant force lui est de constater que le ressort essentiel du vote de la loi c'est la crainte de la bourgeoisie, après la grande boucherie, de la montée dans la CGT du courant de lutte de classe ET la crainte de la contagion révolutionnaire.
 

" Mais il y a une autre raison, plus importante: la volonté de prévenir une situation révolutionnaire. Les Bolcheviks ont pris le pouvoir en Russie et la révolution menace en Allemagne. En France, le syndicalisme révolutionnaire conquiert des pans entiers de la CGT dirigée par le réformiste Léon Jouhaux.

La classe politique, en premier lieu Clemenceau (alors président du Conseil) qui est pourtant peu intéressé par la question sociale, craint la contagion. Il faut donc adopter d’urgence une loi pour couper l’herbe sous le pied de la minorité de la CGT qui veut faire du 1er mai 1919 le début d’une crise révolutionnaire."

Preuve s'il en fallait que TOUS les conquis sociaux sont issus des luttes et ne doivent absolument rien au "dialogue social" si cher à Laurent Berger ... et consorts!

Ce qui n'empêche évidemment pas patronat, pouvoir et réformistes d'intervenir pour brouiller les cartes et tenter de valoriser la "concertation", une concertation que Libération n'hésite pas à assimiler à de la "modernité". Bien sûr !

La vigilance et l'intervention organisée des travailleurs demeurant une constante universelle !

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LIBERATION  18 avril 2019

Revendication phare du mouvement ouvrier de la fin du XIXe siècle, à l’origine des manifestations du 1er mai, «la journée de 8 heures» - ou semaine de 48 heures, seul le dimanche étant chômé - sera votée en France le 23 avril 1919.

Si la loi, adoptée sous la peur de la contagion révolutionnaire, amorce la période «des conquêtes ouvrières» sur le temps de travail, «sa rédaction souple, négociée avec le patronat et la CGT, est étonnamment moderne», selon Michel Cointepas, ancien inspecteur du travail et auteur d’une thèse sur le rédacteur de la loi, Arthur Fontaine, directeur du Travail.

QUESTION:

Quelle est la situation en France en 1918 sur le temps de travail?

RÉPONSE:

La journée de 8 heures est un mot d’ordre mondial et unifiant du mouvement ouvrier depuis 1890. Mais, en dépit des manifestations, notamment celle massive du 1er mai 1906, il n’a trouvé aucune satisfaction en France avant guerre.

Pendant le conflit, la CGT (fondée en 1895) a mis sa revendication en veilleuse. Et en novembre 1918, on ne parle plus de la journée de 8 heures, sauf pour les +usines à feu continu. Au contraire, le patronat, mais aussi la plupart des politiques et des hauts fonctionnaires pensent qu’il faut travailler plus dans une France qui manque de bras pour reconstruire les régions dévastées du nord.

En 1918, la réglementation est archaïque: elle prévoit que la durée ne peut dépasser 72 heures par semaine dans les usines et manufactures n’occupant que des hommes, 60 heures lorsque des femmes ou des enfants sont dans les mêmes locaux. Et la majorité des salariés ne sont pas protégés.

QUESTION:

Refusée pendant des décennies, la «journée de 8 heures» sera votée en deux semaines. Pourquoi cette précipitation?

RÉPONSE:

La Conférence de la Paix s’est ouverte en janvier 1919, on souhaite une Société des Nations mais aussi une Organisation internationale du travail. Encore faut-il que la France ne soit pas à la traîne dans la protection des travailleurs. Et surtout pas derrière l’Allemagne! Or depuis le 23 novembre 1918, il existe une ordonnance allemande instituant le régime des huit heures. La Pologne a emboîté le pas, puis l’Autriche,la Tchécoslovaquie...

Mais il y a une autre raison, plus importante: la volonté de prévenir une situation révolutionnaire. Les Bolcheviks ont pris le pouvoir en Russie et la révolution menace en Allemagne. En France, le syndicalisme révolutionnaire conquiert des pans entiers de la CGT dirigée par le réformiste Léon Jouhaux.

La classe politique, en premier lieu Clemenceau (alors président du Conseil) qui est pourtant peu intéressé par la question sociale, craint la contagion. Il faut donc adopter d’urgence une loi pour couper l’herbe sous le pied de la minorité de la CGT qui veut faire du 1er mai 1919 le début d’une crise révolutionnaire.

Alors que sous la IIIe République les textes faisaient des navettes interminables entre les deux assemblées, le projet de loi, déposé le 8 avril, sera voté par les députés le 17 et adopté par le Sénat à l’unanimité le 23!

QUESTION:

Quelle a été la portée de cette loi?

RÉPONSE:

La première innovation, fondamentale, est que le projet de loi a été rédigé par le directeur du Travail, Arthur Fontaine, avec la CGT et le patronat. C’est le résultat d’un accord tripartite, la première grande négociation sociale nationale.

Autre élément moderne, la loi est souple et ne fixe que le principe de la journée de 8 heures, renvoyant son application à des règlements dans les branches et les régions. La durée de travail peut être calculée autrement que sur la semaine, des dérogations sont possibles, des heures supplémentaires, etc. Dans la pratique, on a continué de travailler plus de 8 heures...

Enfin, la loi fixe une règle uniforme pour tous, sans distinction d’âge ou de sexe. C’est un tournant: le droit du travail, qui était jusque-là principalement protecteur des faibles (femmes et enfants), traduit désormais une «conquête ouvrière», annonçant les 40 heures de 1936.

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