Les " VRAIS " journalistes face ... à une nouvelle espèce de journaliste

Publié le par FSC

Les journalistes dominants (éditocrates, animateurs des débats politiques ...) qu'on retrouve très souvent dans les différents canaux de diffusion des radios ou de la télé sont manifestement inquiets par la méfiance dans l'opinion que manifestent différents sondages et la consultation autour de soi des réactions populaires.

Ils ont donc besoin en permanence de justifier leur statut face aux réseaux sociaux décrits systématiquement comme véhicules de fausses nouvelles, de haine ...

Sur quelles bases et quel type d'argumentation ?

Ce matin (vendredi 31 janvier 2019)  l"émission " les rendez-vous de la médiatrice"

 

a porté en partie sur le journalisme militant distribuant la parole à Carine Bécard, Ali Baddou et Thomas Legrand.

Sur la question du journalisme militant c'est Thomas Legrand qui a développé le point de vue faisant manifestement consensus entre les participants à l'émission.

La question a été abordée à partir de l'évènement du théâtre des Bouffes du Nord où Taha Bouhafs * se définissant effectivement comme " journaliste des luttes " avait selon la rumeur signalé la présence d'Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux, à l'origine donc du rassemblement hostile dans ledit théâtre.

Son interpellation par la police étant dénoncée comme une atteinte au droit d'informer.

Alors comment Thomas Legrand répond à cette accusation ?

Dans un premier temps T. Legrand en bon dialecticien macroniste usant du " en même temps " reconnaît le qualificatif de journaliste à celui qui se réclame d'un journalisme militant.

Mais c'est pour dans un second temps contourner/dénier cette reconnaissance.

Comment ?

Ce qui caractériserait le vrai journalisme reconnu donc par ses pairs, le professionnel de la profession, détenteur de la carte ce serait le rapport au faits.

Faits réels, recoupés selon une procédure, la limite étant de ne pas provoquer les faits.

Définition qui bien sûr disqualifie Taha Bouhafs au moins dans l'exercice du théâtre des Bouffes du Nord.

T. Legrand attribuant le qualificatif de journaliste à T. Bouhafs lorsqu'il révèle des faits avérés et le lui retirant lorsqu'il l'accuse de propager des "fake news" comme ceux rapportés de rumeurs de violence à l'université de Tolbiac en 2018. 

Pour conclure : " et moi si j'étais chef d'une rédaction et si je devais l'embaucher je ne l'embaucherais pas ".

 

Le rapport aux faits

Revenons sur ce type d'argumentation.

Les fake news, c'est-à-dire les mensonges, les faits erronés ne seraient l'apanage que des réseaux sociaux et des journalistes militants ?

Mais sans s’appesantir sur les distorsions journalières et permanentes des médias et des journalistes système concernant par exemple l'actualité sociale, les luttes, les grèves comme nous le vivons en ce moment même, que dire des mensonges du type charnier de Timisoara ou de la détention des armes de destruction massive détenues par l'Irak proclamées à la tribune de l'ONU par Colin Powel et repris à l'échelon mondial par pratiquement tous les médias et les journalistes.

Thomas Legrand a-t-il proposé de retirer leur carte de journaliste à tous ceux qui ont relayé ces fausses informations ?

Que neni !

Mais il y a davantage que ce deux poids deux mesures pratiqué par les défenseurs de l'ordre établi prétendant à un traitement objectif des faits et donc de la réalité contre un traitement militant du réel !

C'est d'abord que dans le domaine social, politique, historique  les faits eux mêmes sont l'objet d'une construction  impliquant une lecture qui engage la vision du monde de celui qui les rapporte.

Qu'il soit qualifié de militant ou de journaliste objectif, indépendant, neutre!

Par exemple pour s'en tenir à l'actualité, le fait que Laurent Berger détermine le 11 décembre une " ligne rouge" à son engagement dans le dialogue avec le pouvoir sur la réforme des retraites est présenté par les journalistes soutenant sa démarche comme une véritable démarche de résistance au pouvoir.

Alors que le même fait est présenté par d'autres journalistes comme un enfumage destiné à remettre dans le jeu une CFDT complètement marginalisée par un puissant mouvement de protestation de la contre-réforme.

Le fait et son interprétation, sa lecture sont étroitement imbriqués et la revendication d'un journalisme objectif, neutre sont destinés à masquer un engagement qui ne veut pas avouer ses véritables motivations.

De plus il y a un impensé du traitement des faits : celui de leur hiérarchisation dans le secret des rédactions dominantes qui ne montrent jamais la cuisine qui préside au mijotage des plats servis à l'opinion!

Par exemple, comme c'est souvent le cas le journal télévisé de la deux,  démarre à la une avec tel fait divers concernant un individu (fait de diversion comme disait Bourdieu) quand des réalités sociales concomitantes concernant des milliers de travailleurs, de citoyens sont traitées en sixième, en septiéme ... position à la hâte, à la brève ou simplement totalement passées sous silence?

Qu'est-ce donc qui détermine la priorité et les critères de classement des faits rapportés ?

Thomas Legrand n'en dit rien!

Comme il ne dit rien du fait que disparaissent des médias dominants les  faits (grèves, opérations de blocages ...) quand le pouvoir a décidé que la page devait être tournée du mouvement de contestation de sa réforme et qu'il fallait passer à autre chose!

Oui monsieur Legrand, mesdames et messieurs de France Inter, les faits sont les faits, leur traitement exige rigueur et honnêteté mais vous ne pouvez pas désigner votre traitement des faits comme neutre quand en permanence les commentaires qui les accompagne, leur présentation, la hiérarchie qui les organise entre eux relèvent d'une lecture favorable à l'ordre existant de domination d'une classe et d'un pouvoir dont au final vous êtes les débiteurs.

Et dont vous partagez l'idéologie derrière les précautions d'une distance calculée de surface en couverture d'un accord plus fondamental.

Tandis que la lucidité du peuple progresse considérablement dans les combats collectifs du présent, et que de plus en plus de nos concitoyens s'aperçoivent de votre fonction de chien de garde.

Et que progresse l'exigence de médias débarrassés de l'hégémonie de leurs propriétaires milliardaires dans le privé et de l'emprise du pouvoir politique et idéologique dans les médias publics.

Signe des temps ne vous en déplaise !

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Pour la critique des médias se reporter à l'excellent site d'ACRIMED :

https://www.acrimed.org/

 

 

 

 

 

 

 

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* C'est son film de l'intervention musclée d'Alexandre Benalla le 1er mai 2018 qui est à l'origine de ce qui est devenue l'affaire Benalla.

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