25 avril 1974 : la Révolution des œillets au PORTUGAL

Publié le par FSC

REPRISE du site d'Antoine MANESSIS :

REVOLUTION DES OEILLETS

 

 

Depuis 1926 le Portugal vivait sous la botte d'une dictature fasciste dont les piliers sont le capital, l'armée, la PIDE (la police politique) et l'appui des Etats-Unis. Le dictateur Salazar dirige le pays jusqu'en 1968 et c'est Caetano qui lui succède. Le pays vit dans la misère, les Portugais émigrent pour survivre, un conservatisme obtus pèse sur la population. Enfin des guerres coloniales  (Angola, Mozambique, Cap-Vert, Guinée-Bissau) dépourvues de sens et totalement anachroniques se poursuivent, sanglantes, minent l'armée. Dès 1972 des dissensions s'expriment au sein de l'armée concernant la question coloniale. En 1973 des officiers subalternes fondent le MFA (mouvement des forces armées). Parallèlement la haute hiérarchie militaire autour du général Spinola prend ses distances avec le pouvoir. Tandis que le MFA s'organise avec l'objectif d'un coup d'Etat pour renverser le gouvernement.

Enfin le 25 avril 1974 le MFA lance les opérations la diffusion par la radio de Grandola, Vila Morena, chanson de Zeca Afonso, interdite par le régime, donne le signal. Rapidement les soldats s'emparent des lieux stratégiques de pouvoir. Le dictateur négocie son départ pour le Brésil. Seule la PIDE résiste mais est anéantie rapidement. Une Junte de Salut National avec Spinola s'empare du pouvoir promettant le retour à la démocratie et la décolonisation.

Mais le fait le plus marquant c'est qu'en dépit des appels radiophoniques des militaires, le peuple portugais intervient massivement dans les événements en cours en descendant par milliers dans les rues, entourant les soldats et leur offrant des œillets qui deviendront le symbole de la révolution. Le 30 avril le secrétaire général du Parti communiste portugais rentre d'exil. C'est le début d'une longue, complexe et intense période où un processus révolutionnaire se met en branle au Portugal. Il aboutira à l'adoption d'une Constitution qui entre en vigueur le 25 avril 1976 et qui représente un compromis entre les forces sociales et politiques qui s'affrontent durant ces deux années mais qui porte la marque et l'influence du mouvement ouvrier et populaire. Quant aux colonies elle deviennent rapidement indépendantes, après que le droit à l'autodétermination soit reconnu le 10 juillet 1974 par le Portugal.

Cette période est d'une grande importance historique car elle est la dernière tentative de mener un processus révolutionnaire à son terme en Europe occidentale, processus où le PCP joua un rôle moteur. Comme il joua le rôle principal pendant des décennies de la résistance antifasciste contre le régime salazariste. Les 36 membres du CC du PCP au sortir de la clandestinité totalisent plus de 300 ans de prison réunis. En 1975 une tentative putschiste de droite stoppée grâce en grande partie au PCP. Le processus révolutionnaire s'oriente alors clairement à gauche, en particulier le MFA se radicalise, et conduit à la nationalisation des principaux secteurs de l'économie : banques, transports, métallurgie, industrie minière et communications, notamment. Le pays est alors dirigé par Vasco Gonçalves , un membre de la junte militaire proche du PCP. Ce dernier soutient pleinement les nationalisations, ainsi que la réforme agraire. Dans le sud du pays le PCP obtient dans certaines régions plus de 50% des voix aux élections. En 1975 aux premières élections démocratiques à la Constituante, le PCP obtient 12,5% mais son prestige est tel qu'il obtient l'inscription dans la Constitution de plusieurs références au socialisme ainsi qu'à une société sans classe. Cela étant la droite et le PS sont majoritaires même si l'aile gauche du MFA sous-estime ce rapport de forces politique.De rudes combats politiques émaillent cette période. La droite et le PS de Mario Soares, appuyé par l'Internationale socialiste, Mitterrand et les SPD allemand et les Etats-Unis, jouent la stratégie de la tension, attaquant les sièges du PCP (600 locaux furent attaqués et incendiés) en particulier au nord du pays où le PCP était plus faible et où patronat et église catholique s'investirent et financèrent le combat contre le PCP et l'aile la plus progressiste du MFA. Un véritable climat de guerre civile se répandit dans le pays, le PS, le droite et les anciens fascistes étant unis par anticommunisme. Le départ de Gonçalves de la tête du gouvernement fut le tournant  En 1976 le PCP obtient 14,5% des voix ce qui montre sa résistance aux attaques convergentes de la droite, de la social-démocratie et des gauchistes, dont certains sont manipulés par la CIA. Le PCP dénombra encore en 1976 214 attaques contre ses militants ou ses locaux. Un prêtre progressiste fut assassiné avec la femme qui l'accompagnait. Lors de son 8e congrès il insiste sur la nécessité de défendre les conquêtes d'Avril remises en cause par le PS et la droite comme la réforme agraire, droite et PS gouvernant ensemble.

En fait la menace de guerre civile avec un rapport de force interne et international ne permettait plus au processus révolutionnaire de se poursuivre. Comme le dit cyniquement Mario Soares "Le croiseur Aurore ne passera pas le Tage". Cela étant le recul en bon ordre des forces de gauche et du PCP permit de continuer le combat politique, cette fois pour défendre les "Valeurs d'Avril" comme le dit le PCP. Combat que poursuit le Parti communiste et son secrétaire général Geronimo de Sousa, un ancien ouvrier d'une usine de sidérurgie, dans un contexte difficile où il doit faire preuve d'une grande souplesse tactique, agissant sur le gouvernement PS par les luttes mais la possibilité de faire tomber le gouvernement . Et sans non plus laisser l'impression d'une alliance avec le PS qui reste ce qu'il est. Reste le soucis de préserver le cadre constitutionnel issu d'Avril, sans cesse attaqué par la droite, et la préservation d'une espace de gauche au Portugal. L'absence d'allié, comme le fut en 1974 l'aile progressiste du MFA, restant une question pour la mise en oeuvre d'une" politique de gauche et patriotique" au Portugal.

 

Antoine Manessis.

 

Ecouter la chanson qui donna le signal de la Révolution Grândola, Vila Morena :

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