La taxation des riches, grande absente de la politique gouvernementale
L'attitude du pouvoir à l'égard de la fiscalité et de l'imposition des riches est le reflet de son attitude à l'égard du capital et de la primauté absolue qu'il accorde à sa défense.
Derrière la question de la fiscalité c'est la question de la propriété des moyens de production qui se profile et du rôle des travailleurs dans la gestion de ces moyens!
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SOURCE : L'Humanité

Pour le moment, le gouvernement n’a pas l’intention de changer de cap fiscal. « Attention aux fausses bonnes solutions qui, par le passé, ont contribué à creuser le chômage et à casser la confiance ! » assène, sans argumentation supplémentaire, le ministre Gérald Darmanin. Une façon de fermer la porte à tout débat sur la fiscalité et à un éventuel retour de l’ISF. Responsables politiques et syndicats pressent pourtant l’exécutif de revoir sa copie, ne serait-ce que faire participer l’ensemble de la société à « l’effort de guerre », pour reprendre la rhétorique martiale du chef de l’État.
Début avril, seize organisations et syndicats (parmi lesquels CGT, Attac, Solidaires, Greenpeace, etc.) lançaient une pétition réclamant notamment une « fiscalité plus juste et redistributive », incluant un « impôt sur les grandes fortunes, une taxe sur les transactions financières et une véritable lutte contre l’évasion fiscale ». Il y a quelques jours, Laurent Berger, patron de la CFDT, réclamait de son côté que le capital « soit soumis au barème de l’impôt sur le revenu », tout en proposant la création d’un impôt exceptionnel sur les entreprises dans des secteurs non impactés par la crise. « Il faut distribuer les richesses », concluait-il.
Un ISF européen rapporterait 1 % du PIB de l’Union
Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Pour tenter de penser cette question de solidarité à l’échelle européenne, trois économistes plaident pour la création d’un ISF européen. « 1 % des individus les plus riches détient entre 20 et 25 % de la richesse totale en France, en Allemagne, en Espagne et dans les pays scandinaves », notent Gabriel Zucman, Camille Landais et Emmanuel Saez (la Croix du 13 avril). Ils proposent de taxer le patrimoine net (total des actifs moins les dettes) de ces ultrariches selon un taux marginal progressif : 1 % au-delà de 2 millions d’euros, 2 % au-delà de 8 millions et 3 % au-delà d’un milliard. Selon les calculs des trois économistes, un tel impôt rapporterait environ 1 % du PIB de l’Union européenne, soit quelque 147 milliards d’euros en 2019. « Les plus touchés par le confinement sont les plus vulnérables, quand les plus aisés peuvent facilement amortir le choc », note Camille Landais (la Croix). La création d’un tel impôt supposerait, cela va sans dire, la création d’un nouveau rapport de forces politique européen, ce qui est loin d’être acquis…
Gare aux politiques d’austérité
Le risque serait que les mesures fiscales d’après-crise ne fassent que renforcer la spirale récessive. En 2010, les politiques d’austérité menées dans différents pays européens avaient contribué à assommer l’ensemble des ménages d’impôts supplémentaires (hausse de la TVA, notamment), au lieu de relancer la machine. Ces temps-ci, une idée fait son grand retour : il s’agirait de ponctionner l’épargne des contribuables, sans distinction de revenus. En 2013, le FMI suggérait aux États une idée similaire : « Les taux de taxation nécessaires pour ramener les ratios de dettes/PIB à leur niveau de fin 2007 nécessiteraient une imposition d’environ 10 % sur tous les ménages disposant d’une épargne nette positive. » Pour le moment, le gouvernement dément toute mesure de ce type.
Cyprien Boganda