TOULOUSE ; pour un nouvel hôpital au nord de la ville
SOURCE : actu.fr
Julien Terrié et la CGT plaident pour un meilleur maillage de l’offre de santé à Toulouse, qui passe notamment par la création d’un nouvel hôpital au nord de la Ville rose (©Illustration / Adobe Stock)
« Cette crise sanitaire ne doit pas rester sans suite ». À quelques jours du déconfinement et d’une première mobilisation syndicale devant les hôpitaux de la Ville rose, lundi 11 mai 2020, le secrétaire de la CGT au CHU de Toulouse Julien Terrié appelle à rabattre les cartes de la santé publique, au sortir de la crise, pour en finir, dit-il, avec « la loi du marché qui règne sur l’hôpital ». Un big bang qu’il appelle de ses vœux, qui passe d’abord par des recrutements massifs, des augmentations de salaires, mais aussi « un meilleur maillage » du territoire, dans l’agglomération qui gagne le plus d’habitants en France, et où – même hors période de crise -, les hôpitaux sont saturés…
« Dans une épidémie, on se fout de la rentabilité »
« Emmanuel Macron dit qu’il faut sortir l’hôpital d’une logique marchande… Il le dit, mais est-il sincère ? » Malgré la promesse fin mars de la mise en place d’un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » pour l’hôpital, une fois la crise du coronavirus passée, Julien Terrié doute que le chef de l’État – et au-delà, la pyramide décisionnaire de la filière du soin, du ministère de la Santé à la direction du CHU, via l’ARS Occitanie -, ne tiennent cet engagement.
Mais les syndicats – qui ont déposé un préavis de « grève illimitée » à compter du 11 mai – entendent bien marteler leurs revendications, et plaider pour une nouvelle gouvernance de la santé publique. Car pour Julien Terrié, il y a urgence : « Il faut arrêter, une bonne fois pour toutes, de caler l’organisation hospitalière sur la loi du marché, de réfléchir en taux d’occupation de lits, en rentabilité… ». En 20 ans, la France a fermé 100 000 lits d’hôpital, et elle en paie aujourd’hui le prix, gage le syndicat, qui estime que la pandémie de Covid-19 a montré les limites de la manœuvre :
Dans une épidémie, on s’en fout de la rentabilité. Il faut au contraire sortir de cette logique, et avoir des lits disponibles, pour subvenir aux besoins actuels et potentiels.
Pour un big-bang des moyens hospitaliers
« Si les patients stagnent davantage aux urgences, c’est parce qu’il n’y a pas assez de lits à l’extérieur, dans les autres services », rempile Julien Terrié. Outre ces lits supplémentaires, la CGT, mais aussi le syndicat Sud, réclament 1 500 recrutements immédiats sur le CHU de Toulouse, « le minimum pour combler les sous-effectifs, et préparer l’après-crise sanitaire ». Il schématise :
Des lits supplémentaires et du personnel en plus, pour être en mesure de faire face aux besoins éventuels, c’est ça, l’hôpital public. Tant que tout va bien, nos devons être plus nombreux que ce qu’il faut pour faire fonctionner le service, afin de pouvoir faire de la recherche et de l’enseignement. Et quand ça va mal, on rabat tout le monde pour gérer la crise. Car le problème, c’est qu’il n’y a plus de personnel dédié à la recherche et à l’enseignement. Depuis 20 ans, tout cela a été gratté dans les hôpitaux…
Dans un pays qui se gargarise d’avoir le meilleur système de santé du monde, cet épisode du Covid-19 est symptomatique, aux yeux du syndicaliste : « On est dans une crise où on a dû arrêter tout le reste pour gérer la crise ! C’est catastrophique. Si l’hôpital remplissait son rôle, on aurait pu gérer la crise et assurer l’activité habituelle ». Sauf que, là, toute activité « non urgente » a été reportée… Tant de leçons que la CGT espère bien tirer de cette crise sanitaire.
Pour « un nouveau hôpital au nord » de Toulouse
À l’aune de cette crise sanitaire, les syndicats planchent aussi sur « le problème de maillage du territoire sur le bassin de Toulouse ». Avec une revendication phare dans l’escarcelle, pour le nord de l’agglomération, où la démographie a le plus augmenté ces dernières années, et qui est « trop éloigné » de l’hôpital public, témoigne Julien Terrié :
Il est temps de créer un nouvel hôpital au nord de Toulouse. Il y a beaucoup de cliniques privées qui s’y installent, car c’est un désert médical, mais il y faut une autre structure, publique.
Un institut d’infectiologie, comme à Marseille ?
Ce nouvel hôpital au nord de la ville permettrait d’assurer davantage de soins de proximité, voire des urgences, « mais nous pensons qu’il faut axer cet établissement sur la prévention des maladies chroniques et sur l’infectiologie ». La CGT prend en exemple l’IHU de la cité phocéenne, qui a beaucoup fait parler de lui, autour du fameux professeur Didier Raoult :
Il faut créer un institut d’infectiologie à Toulouse, pour la recherche et prévention, comme à Marseille. Mais cet établissement serait aussi basé sur la prévention des maladies chroniques sous ALD, pour recevoir les patients souffrant du diabète par exemple.
Julien Terrié appelle aussi à un maillage optimal des services d’urgence, car « s’il n’y avait pas eu AZF, il n’y aurait plus qu’un seul service d’urgences à Toulouse. Celui de Rangueil devait être supprimé. C’est la France : il faut des scandales ou des catastrophes pour que les choses changent ! »
En somme, le syndicaliste en est convaincu : « Il faut un hôpital public au nord de Toulouse, à moins que le gouvernement ne décide de nationaliser les cliniques, on serait d’accord ! Car toutes ces cliniques, bien que privées, sont entièrement financées par de l’argent public, celui de la Sécu, la seule différence, c’est qu’elles font du business avec… »
Des maisons de santé partout dans l’agglo
Outre cet hôpital au nord de Toulouse, la CGT invoque également « la création de maisons de santé dans les quartiers », ce qui permettrait de « désengorger les services des urgences » :
Il existe des maisons de santé libérales, mais celles-ci seraient liées à l’hôpital, un peu comme des centres médico-psychologiques pour la psychiatrie. Ces maisons de santé seraient pluridisciplinaires, et publiques, avec des fonctionnaires hospitaliers, en lien avec la recherche. L’idée, c’est de rapprocher au mieux le soin de la population. Cela aurait des effets sur la Sécurité sociale, puisqu’il y aurait moins de pathologies.
Accélérer sur la création d’un « grand hôpital des enfants »
La CGT appelle enfin à mettre les bouchées double pour l’agrandissement de l’Hôpital des Enfants, à Purpan. Lui-même manipulateur radio sur ce site, Julien Terrié reconnaît que son extension « figure dans le projet de l’établissement pour les cinq prochaines années ». Mais malgré cela, le syndicaliste est perplexe sur la faisabilité du projet : « Le projet d’établissement prévoit de le rénover et de construire un autre bâtiment à côté, pour aménager un plateau technique et libérer de la place. L’hôpital des enfants est en effet régulièrement saturé et il faut absolument l’agrandir. Sauf que cela ne se fera pas. Personne n’investit dans l’hôpital, à part les banques privées, capitalistes, qui demandent des taux d’intérêt de 3 à 5 % ». Alors là aussi, la CGT appelle à inverser la vapeur :
Il faut que l’investissement soit inclus dans le budget des Hôpitaux, c’est à la Sécurité sociale d’investir. Car sinon, on finira par le payer, puisqu’on rembourse la dette et les intérêts. C’est une usine à gaz totale, qui nous empêche de bien travailler.
Le syndicat hisse parmi les priorités la création de ce « grand hôpital des enfants », car comme l’explique Julien Terrié :
De plus en plus de familles viennent vivre sur Toulouse, du fait de l’attractivité industrielle, et elles doivent pouvoir être soignées. Il y a un grand besoin pour la région toulousaine d’agrandir l’hôpital des enfants. Toulouse est la 2e ville de France où il y a le plus d’accouchements après Paris, car il n’y a pas beaucoup de maternités de proximité dans la région, et beaucoup de cliniques privées à Toulouse.
Une nouvelle gouvernance ?
Au-delà de ces revendications structurelles, la CGT plaide, comme nombre d’autres organisations syndicales, pour une nouvelle gouvernance des établissements de santé. Julien Terrié est persuadé :
Les syndicats doivent avoir plus de place dans la gestion des hôpitaux, dont le contrôle doit être assuré par un conseil de surveillance, dirigé par des représentants hospitaliers élus, qui auraient un pouvoir contraignant sur les directions. La gestion de cette crise du Covid-19 nous l’a montré : ce n’est plus possible de les laisser faire en roue libre !
Pour le syndicaliste, « le manque de moyens de protection, et de prévention » lors de l’épidémie reflète de « leur incapacité à gérer les soignants ». Et d’asséner : « De nombreux collègues ont été contaminés. C’est intolérable, de nombreux responsables devront être jugés. On leur en veut énormément ».
Avec ou sans les propositions de la CGT, la crise sanitaire née de l’épidémie de coronavirus aboutira-t-elle sur un plan Marshall pour l’hôpital ? Affaire à suivre.