Marcel Paul, une vie engagée au service public
SOURCE : L'Humanité
L’ouvrage dresse le portrait du militant communiste, syndicaliste CGT, survivant des camps de la mort, devenu ministre fondateur du statut des énergéticiens.
Il est des hommes dont la notoriété n’équivaut pas à leur trace dans l’histoire. Marcel Paul (1900-1982) est de ceux-là. Même si 228 mairies ont donné son nom à des voiries, il y a peu de risque à penser qu’en dehors de cercles militants ou du monde des énergéticiens, électriciens et gaziers, rares sont nos concitoyens capables de l’identifier.
Au demeurant, cet enfant de l’Assistance publique né en 1900 a trouvé peu de biographes. Jusque-là, l’historiographie se limitait à la Vie d’un « pitau » retracée par Pierre Durand, compagnon de déportation de Marcel Paul, et à la notice de René Gaudy pourle Maitron. L’ouvrage de Nicolas Chevassus-au-Louis et Alexandre Courban est donc le bienvenu. D’autant qu’il s’appuie sur une parfaite connaissance de la littérature, une lecture attentive de la presse et le dépouillement d’archives parfois inédites.
Trois grands engagements scandent l’itinéraire de Marcel Paul. Le syndicalisme d’abord, son fil rouge. Après avoir été garçon de ferme, puis embarqué dans la marine, il devient électricien et se syndique à la fédération CGTU de l’éclairage. En 1937, il est élu secrétaire général de la fédération CGT réunifiée. Hormis les parenthèses de la guerre et de son expérience gouvernementale, il reste le principal dirigeant de son organisation jusqu’au début des années 1960.
Ensuite, selon l’écosystème formé par la CGTU/CGT et le PCF, il s’engage dans le militantisme communiste. Il est élu au conseil municipal de Paris en 1935, puis député de la Haute-Vienne après la Libération. Figure montante du PCF, légitimée par la Résistance et la déportation, il est nommé ministre en novembre 1945. De là, il fait voter la loi du 8 avril 1946 de nationalisation des entreprises d’électricité et de gaz, complétée le 22 juin par un décret instituant un statut du personnel d’une exceptionnelle qualité. En 1947, il devient d’ailleurs le premier président du Conseil central des œuvres sociales de l’énergie.
Enfin, troisième grand engagement, celui contre l’occupant et le système concentrationnaire nazi. Il est un « pionnier de la Résistance » et, tant en détention en France que déporté à Buchenwald, sa combativité ne connaît aucun répit. Dans ce camp, il est une figure de proue de l’organisation clandestine qui sauve des vies. Jusqu’à son décès en 1982, il milite à la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes, dont il est un temps président et devenue un peu son refuge une fois quittée la tête de son syndicat.
La forte personnalité parfois rude de cet archétype de la « génération glorieuse », selon l’expression de François Duteil dans sa préface, ne va pas sans susciter polémiques et controverses, voire calomnies. Les pires visent son action à Buchenwald : une frange de la droite l’accuse à tort d’avoir privilégié les vies communistes, au détriment des autres. L’exemple de Marcel Paul fait ressortir le potentiel d’efficacité de l’articulation entre engagements politique et syndical, mais aussi la difficulté à les équilibrer. Il est « unmilitantforméausyndicalismeplusqu’àlapolitique », ce qui lui vaudra des tensions avec la direction de son parti, malgré sa fidélité. Se pose en outre la question de la succession d’un tel dirigeant, à l’existence confondue avec ses engagements, pour celui dont la devise était « quandonn’apastoutdonné,onn’ariendonné ».
par Stéphane Sirot ,