Les aides à domicile manifestent samedi à Paris pour la reconnaissance de leur métier.

Publié le par FSC

 

SOURCE : L'Humanité

 

Après une première manifestation le 15 juillet qui avait regroupé les aides à domicile et auxiliaires de vie de 15 départements à Clermont-Ferrand, un collectif national créé au plus fort de l'épidémie de Covid, a appellé à une mobilisation nationale, samedi 12 septembre à 14 heures, devant la Maison de la Radio à Paris.

Durement éprouvées par la crise sanitaire, les aides à domicile dénoncent l'attitude de l'État qui refuse de reconnaître leurs compétences et de leur donner un statut commun. Entretien avec Cécilia Amand, membre fondatrice du collectif national des aides à domicile.

Qu'est-ce qui a évolué dans la situation des aides à domicile depuis votre première manifestation le 1 er juillet ?

Cécilia Amand

Après cette manifestation, M. Macron a rencontré une auxiliaire de vie lors d'un voyage dans le sud de la France, et il a fait un discours sur ce métier (à Toulon le 4 août, Macron a annoncé une prime de 1 000 euros pour les auxiliaires de vie, N.D.L.R.).

Dans cette opération, il y a beaucoup de choses qui ne nous plaisent pas. D'abord ce qu'il a dit des auxiliaires de vie et des aides à domicile ne représente pas le véritable métier que l'on fait. Il n'a pas parlé de l'accompagnement à la fin de vie, du côté psychologique de notre travail, alors que c'est la plus grande partie du métier. Le vrai métier n'est pas du tout mis en avant. Encore une fois, notre travail, c'est beaucoup plus que faire du ménage, faire des repas ou s'asseoir à côté d'une personne âgée. Notre métier est encore très mal représenté. On ne parle pas du glissement de tâches qui fait que les aides de vie font le travail des aides soignantes ou des infirmières. Si nous revendiquons le droit de dépendre du ministère de la santé, c'est parce que les auxiliaires de vie aujourd'hui font des soins médicaux. Et cet aspect-là de notre travail n'est pas mis en avant.

Est-ce qu'il y a eu des propositions concrètes faites aux aides à domiciles de la part du gouvernement à la suite du discours de Macron ?

Cécilia Amand

Il n'y a pas eu de propositions concrètes, à part une prime mais qui ne concerne pas les auxiliaires de vie qui sont embauchées directement par la personne âgée ou la personne en situation de handicap, et qui sont encore une fois oubliées. Je pense que face aux manifestations, M. Macron a été obligé de calmer la colère les auxiliaires de vie, mais ça ne marche pas. Ce n'est pas une prime qui va suffire à l'heure où la crise sanitaire a révélé que notre métier était indispensable. Ce que l'on veut aujourd'hui, c'est une vraie reconnaissance du métier, avec revalorisation des salaires, des indemnités kilométriques, et une convention commune parce qu'il y a beaucoup d'inégalités aujourd'hui entre les auxiliaires de vie, à tous les niveaux.

Quelles sont les préoccupations qui vous remontent des différentes régions ?

Cécilia Amand

Ce qui remonte, c'est de la colère d'abord. Beaucoup de nos collègues veulent démissionner. En juillet-août, il y a eu beaucoup d'arrêts maladie pour dépression ou pour burn-out parce que les auxiliaires de vie arrivent à bout, à cause des journées qui n'en finissent pas, de la fatigue. Tout cela vient du fait qu'on manque d'effectifs, que les filles sont fatiguées et que le métier n'est pas reconnu. La crise sanitaire a découragé beaucoup de personnes. L'État sait que notre métier est indispensable et que nous avons du mal à nous mettre en grève ou à faire des manifestations parce que nous faisons un travail humain et que c'est très compliqué de laisser les personnes âgées livrées à elles-mêmes si nous faisions grève.

Pour porter vos revendications, vous avez créé un collectif indépendant. Où en est la mobilisation au niveau national ?

Cécilia Amand

Je voudrais d'abord dire que nous avons eu énormément de mal à avoir des retours des syndicats que nous avons contactés, à part de la CGT. Philippe Martinez va nous recevoir pour qu'on parle de nos revendications communes, et pourquoi pas pour travailler ensemble. Nous très satisfaites de ce retour de la CGT. Pour la manifestation de samedi, beaucoup d'aides à domicile de toute la France vont se déplacer à Paris. Tous les aspects pratiques de la manifestation ont été bien préparés.

Est-ce que les autres métiers qui œuvrent dans la prise en charge des personnes âgées - les personnels des EHPAD ou les infirmières par exemple - s'intéressent à vos revendications et à votre mobilisation ?

Cécilia Amand

Il y a un peu de solidarité, des échanges, mais on ne peut pas dire aujourd'hui que l'on a beaucoup de soutien des milieux médicaux. En revanche, nous avons beaucoup d'encouragements de la part des personnes âgées dont nous nous occupons, et de leurs familles.

Au plus fort de la crise sanitaire, on a senti un courant de solidarité envers les personnels qui s'occupaient des personnes âgées. Est-ce que ce courant a laissé des traces ?

Cécilia Amand

J'ai l'impression quand même que ça s'évapore un peu. C'est sans doute différent pour les personnels médicaux qui font partie du Ségur de la santé (la consultation des acteurs du système de santé organisée par le ministère des solidarités et de la santé, du 25 mai au 10 juillet, N.D.L.R.), ce qui n'est pas notre cas. Quand il y a eu des manifestations des soignants, comme le 30 et le 16 juin, les auxiliaires de vie ont manifesté. Mais ensuite, nous sommes passées dans l'ombre. Les soignants sont beaucoup plus nombreux, ils ont beaucoup plus de visibilité. C'est pourquoi c'est important pour nous de faire une manifestation spécifique pour les auxiliaires de vie et les aides à domicile. Il faut que les gens comprennent que nous ne faisons pas que du ménage et des repas. Nous accompagnons à la fin de vie, dans les derniers moments de la personne âgée. Il y a tout un aspect psychologique dans notre travail. La personne âgée se confie beaucoup à nous, sur son passé, sur ses derniers moments. Cela arrange l'État de ne pas reconnaître que l'on fait du soin et que l'on doit dépendre du ministère de la santé. Notre vrai métier n'est pas mis en avant.

Est-ce que selon vous, la crise sanitaire a tout de même permis de changer le regard sur le grand âge ?

Cécilia Amand

Je pense que la vieillesse continue à faire peur aux gens, en général. L'État de son côté, n'est pas intéressé par cette question parce que les personnes âgées ne contribuent plus à l'économie du pays. Mais je pense tout de même que petit à petit, on arrive à éveiller les consciences sur le besoin de personnels pour accompagner les personnes âgées, parce que les EHPAD sont saturées, et que leurs prix sont trop élevés pour certaines personnes qui ont de petites retraites. Aujourd'hui, il y a énormément de personnes qui veulent vieillir à domicile, dans leur environnement, pour conserver leurs habitudes et leur confort. Notre métier est de plus en plus indispensable.

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B
Très bien vu Cecilia Amand !<br /> La question est d'ailleurs très complexe.<br /> >Il n'y a pas que l'Etat, dans le coup. Sans l'APA (versée par le département) le tarif horaire de la majorité des associations d'aide à domicile, serait hors de portée des personnes à bas revenu.<br /> > D'ailleurs il y a plus de sociétés privées que d'associations à but non lucratif sur le marché, et les sociétés privées sont hors de prix!<br /> > Il n'y a pas que des soins de santé et de ménage dans l'offre des sociétés privées. Il y a aussi du jardinage et du bricolage, et ce sont des hommes au chômage qui sont payés à la tâche qui font ce boulot..<br /> Quoiqu'il en soit, les salaires des AVS sont à peine plus importants que le SMIC, et si elle n'ont pas le diplôme, elles sont payées moins que le SMIC. Et leur formation existe dans les textes, mais pour en bénéficier c'est difficile.En outre ces formations concernent bien plus les tâches ménagères et les soins aux personnes, que des réfléxions psychologiques et sociétales sur la condition des personnes agées.
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