La contre-réforme sur l'indemnisation du chômage a du plomb dans l'aile

Publié le par FSC

 

 

Cécile Rousseau

À la suite d’un recours de la CGT, Solidaires, FO et la CFE-CGC, la juridiction a notamment jugé illégal le mode de calcul du salaire journalier de référence. Un revers pour l'exécutif, qui va devoir revoir sa copie.


Un premier pas vers l’annulation totale. Mercredi, le Conseil d’État a tranché : l’essentiel de la réforme de l’assurance-chômage imposée par décret en juillet 2019 est illégal. Une décision qui fait suite à la saisie de cette instance par la CGT, Solidaires, FO et la CFE-CGC au motif que ces nouveaux paramètres d’indemnisation allaient gravement impacter les droits des privés d’emploi et, pour certains, les exclure du système. Dans un contexte de progression du chômage depuis le début de la crise sanitaire, avec un bond de 1,9 point au troisième trimestre 2020 selon l’Insee, les juges portent ainsi un coup magistral à ces dispositions ultrarépressives.

Au premier rang des mesures contestées : le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) servant à établir le montant de l’allocation. Les juges n’ont pas manqué de relever la rupture d’égalité induite entre les chômeurs ayant travaillé le même nombre d’heures à salaire égal : « Du fait des règles qui ont été retenues (toute la période de référence compte pour calculer l’allocation, et non plus les seuls jours travaillés – NDLR), le montant du salaire journalier de référence peut désormais, pour un même nombre d’heures, varier du simple au quadruple, en fonction de la répartition des périodes d’emploi au cours de la période de référence d’affiliation de 24 mois. » Le Conseil d’État conclut : « Il en résulte (…) une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi. »

Attaqué aussi par le Medef, le texte se fissure de toutes parts
Le gouvernement va donc être contraint de revoir ce point phare de son texte, plus grand poste d’économies (1,5 milliard d’euros) et générateur de baisses drastiques des allocations pour les précaires alternant travail et chômage. Pour Denis Gravouil, en charge des questions d’emploi à la CGT, « c’est une première victoire qui doit donner la pêche à tout le monde. Sur la question du SJR, c’est exactement ce que nous dénonçons depuis le début ». Le Medef, qui avait contesté devant cette juridiction la seule mesure qui touchait les employeurs, celle du bonus-malus, soit la modulation des cotisations patronales en fonction du nombre de contrats précaires dans les secteurs les plus pourvoyeurs, a également obtenu gain de cause pour un problème de forme. Comme le constate Michel Beaugas, représentant de FO, satisfait : « Ce sont les deux points d’équilibre de cette réforme, présentés ainsi par le gouvernement, qui viennent de s’effondrer. » De son côté, l’Union syndicale Solidaires enfonce le clou : « Le gouvernement vient de subir un revers politique majeur et va donc devoir revoir sa copie. »

Si le recul de 4 à 6 mois travaillés pour entrer dans l’assurance-chômage n’a pas été jugé discriminant sur le plan juridique, la plus haute juridiction administrative souligne que l’exigence d’une durée minimale d’affiliation « est susceptible de désavantager les salariés les plus jeunes ». Il y a quinze jours, la ministre du Travail avait reçu les organisations syndicales et patronales et concédé des aménagements marginaux à ces règles répressives. Sur les 3,4 milliards d’euros d’économies initialement prévus, seul 1 milliard passerait à la trappe lors de l’entrée en vigueur de la réforme reportée à janvier puis avril 2021.

Il est temps d’ouvrir de nouvelles négociations

Avec cette décision du Conseil d’État, les syndicats se voient confortés dans leur revendication d’une annulation pure et simple de ce texte. Si, dans un communiqué, Élisabeth Borne estime que les concertations en cours pour tenir compte de la crise « permettront de proposer des solutions conformes à la décision du juge », pour Michel Beaugas, il est maintenant temps de rouvrir de nouvelles négociations : « Il faut nous laisser faire. Ça sera toujours mieux que ce que propose le gouvernement ! En attendant, on peut aussi remettre en place la convention de 2017 qui courait jusqu’au 31 décembre 2020. » Alors que l’Unédic estime à 840 000 le nombre de nouveaux entrants qui toucheraient une allocation plus faible, la CGT appelle d’ores et déjà à manifester le 5 décembre, lors d’une journée d’action contre le chômage et la précarité, et pour exiger sans plus tarder l’abrogation de cette réforme.

 

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