L'OTAN en position d'accusé !

Publié le par FSC

 

 

L’Otan doit faire face à ses premières poursuites en Serbie pour l’usage de munitions à uranium appauvri lors des bombardements effectués en 1999 durant la guerre du Kosovo. Pour Nikola Mirković, cofondateur de Solidarité Kosovo, c’est une étape essentielle qui pourra contribuer à ne plus utiliser cette «sale arme».

L’affaire des bombardements à l’uranium appauvri menés par l’Otan en 1999 lors de la guerre du Kosovo pourrait bientôt connaître une nouvelle étape cruciale. Pour la première fois, une équipe de juristes menés par l’avocat serbe Srdjan Aleksic a déposé plainte le 20 janvier contre l’Alliance au tribunal supérieur de Belgrade, indique un média russe. 

​D’autres devraient suivre dans tout le pays. Le but? Faire condamner l’Otan à indemniser pour un montant d’au moins 300.000 euros chaque victime serbe ayant développé une grave maladie à cause de l’uranium appauvri.

«Il a été établi que certaines zones de Serbie avaient un taux de radioactivité supérieur à ce que l’on peut trouver dans les pays voisins. Même chose concernant les cancers, avortements spontanés et autres maladies. Plusieurs scientifiques font un lien avec les bombardements de l’Otan en 1999 à l’aide de munitions à uranium appauvri», explique au micro de Sputnik Nikola Mirković, cofondateur de l’ONG Solidarité Kosovo.

En 1999, alors qu’un conflit faisait rage entre l’armée yougoslave et l’armée de libération du Kosovo (UCK), l’Otan lançait son opération Force alliée. Pendant presque trois mois, les avions de l’Alliance ont bombardé sans relâche la République fédérale de Yougoslavie, employant notamment des munitions à uranium appauvri. Des soldats américains, italiens ou français étaient impliqués dans l’opération, et en ont aussi été victimes.

«Nous parlons des Cours supérieures, dans lesquels nous intenterons cinq procès. Les victimes sont des individus, des soldats et des policiers –décédés et atteints de maladies– de la République fédérale de Yougoslavie, qui se trouvaient au Kosovo en 1999. Nous voulons qu’à la première étape, ce soient des cas identiques à ceux de l’armée italienne», a déclaré Srdjan Aleksic au micro de Sputnik Serbie.

Comme l’explique le site Sortirdunucléaire.org, «au contact de sa cible, l’uranium s’enflamme, relâchant en grande quantité de minuscules particules radioactives«Transportées par le vent, ces particules peuvent se retrouver dans l’eau, le sol, les nappes phréatiques… contaminant tout l’environnement», poursuit l’association antinucléaire.

C’est cette radioactivité qui a été à la base d’une hausse du nombre de maladies graves chez les soldats et civils exposés, selon les avocats serbes. D’après Sortirdunucléaire.org, quinze tonnes d’uranium appauvri ont été projetées sur la Serbie et vingt tonnes sur le Kosovo.

«Très attendu par le peuple serbe»

«Nous avons plus de 3.000 pages de documents, y compris des verdicts, opinions d’experts, documents d’une commission gouvernementale spéciale d’Italie. Nous avons rassemblé suffisamment de preuves pour que la décision des cours de Serbie soit en notre faveur», a assuré, confiant, Srdjan Aleksic au micro de Sputnik Serbie.

«La démarche serbe est importante, car si elle était couronnée de succès, l’Otan serait reconnue coupable de ce crime, au moins, et cela est très attendu par le peuple serbe», assure Nikola Mirković.

«Cela aura pris beaucoup de temps. Il faut souligner que c’est une initiative civile de citoyens serbes représentés par des avocats. Ce n’est pas l’État serbe», poursuit-il.

 

Pourquoi un tel délai? Pour Nikola Mirković, les raisons sont politiques: «une partie des dirigeants serbes souhaite un rapprochement avec l’Union européenne. Ils considèrent que s’en prendre à certaines nations de l’UE faisant partie de l’Otan et ayant bombardé la Serbie n’est pas la meilleure des manœuvres. Ils ont eu tendance à mettre l’affaire sous le tapis. Au contraire, d’autres responsables politiques, ainsi que la majorité de la population, réclame justice pour les crimes commis par l’Otan contre le peuple serbe.»

D’après notre interlocuteur, également essayiste et auteur de Le Martyre du Kosovo (Éd. Jean Picollec, 2013), c’est ce conflit entre deux visions de l’avenir de la Serbie qui a fait que pendant longtemps, «on n’attaquait pas l’Otan», même si l’organisation transatlantique n’est guère appréciée dans le pays. Toutefois, Nikola Mirković estime que «les victoires qu’ont enregistré des victimes en Italie et en France ont joué le rôle d’accélérateur»:

«Les Serbes se sont dit que si même des pays membres de l’Otan donnaient raison aux victimes, ils avaient toutes leurs chances.»

L’affaire de l’uranium appauvri utilisé au Kosovo a fait plusieurs fois la Une des journaux italiens ces dernières années. C’est notamment le cas du Corriere della Serra, quotidien le plus diffusé du pays, qui rappelait en mars 2017 que plusieurs familles italiennes se battaient pour faire reconnaître le rôle de l’utilisation de l’uranium appauvri dans le déclenchement de maladies graves.

Une victoire judiciaire en France

L’équipe juridique menée par Srdjan Aleksic a d’ailleurs reçu le soutien d’Angelo Fiore Tartaglia. Cet avocat italien a obtenu de précieux succès devant les tribunaux dans le cadre de cette affaire. «Il a 181 décisions de justice qui sont déjà entrées en vigueur en Europe. Il sera membre de mon équipe d’experts juridiques», s’est réjoui Srdjan Aleksic.

En France, l’affaire est moins connue. Selon Dusan Gujanicic, chercheur à l’Institut des études politiques de Belgrade, les soldats transalpins ont été davantage concernés que leurs homologues français, car ils stationnaient à Metohija, à la frontière avec l’Albanie, la région la plus touchée par les bombardements à l’uranium appauvri. Reste que les militaires français n’ont pas tous été épargnés.

Le capitaine de gendarmerie Henri Friconneau, décédé en 2015 des suites d’une exposition à l’uranium appauvri au Kosovo en 2000, a été déclaré «Mort pour la France» en 2020. Avant cela, la justice française avait donné raison à sa veuve, opposée dans une bataille judiciaire à l’armée. Elle avait réussi à faire reconnaître que l’exposition à l’uranium appauvri était la cause du cancer qui a emporté son mari.

Selon Nikola Mirković, la victoire juridique de l’initiative menée par Srdjan Aleksic est «indispensable» afin de montrer que l’uranium appauvri doit absolument être banni. L’essayiste rappelle que ce type de munition n’est toujours pas formellement interdit et qu’il a également été utilisé en Irak et sur d’autres théâtres d’opérations dans le monde. En dehors des terribles conséquences pour la santé, Nikola Mirković souligne aussi le rôle néfaste de l’uranium appauvri sur l’environnement:

«Les générations futures en Serbie continueront de payer le prix des bombardements, notamment à cause de la pollution des sols. La guerre est toujours une sale affaire, mais l’uranium appauvri est réellement une sale arme. Et elle doit être proscrite.»

En attendant, après réception de la demande de Srdjan Aleksic et son équipe, la Haute Cour de Belgrade devrait soumettre une notification formelle au siège de l’Otan dans les six mois. Ensuite, ce dernier devra y répondre dans les 30 jours. Le combat ne fait que commencer.

 
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