Pour stopper le plan Hercule grève ce 14 janvier : entretien avec R. Henry, délégué CGT Énergie à Marseille.

Publié le par FSC

REPRIS du site Initiative Communiste

 

 

Ce 14 janvier,

 

les travailleurs de l’Énergie seront de nouveau en grève pour défendre le bien commun des travailleurs, le service public de l’Énergie. Courageusement les travailleurs du secteur de l’énergie, dans la production à EDF et l’ex-GDF, la CNR et la SHEM, mais également dans la distribution à ENEDIS, ERDF et GRDF, ont engagé un puissant mouvement de résistance contre le plan Hercule de démantèlement d’EDF et du service public de distribution de l’énergie en France. Un plan qui est directement dicté par la Commission européenne au gouvernement français, qui, avec le patronat d’EDF, est bien décidé à l’appliquer avec zèle. Un plan qui vient parachever le démantèlement au profit de la privatisation du service public de l’Énergie. Il faut rappeler que c’est bien l’Union Européenne qui a imposé la libéralisation du secteur de l’Énergie: la transcription des différentes directives européennes du paquet énergie se sont traduites de la façon suivante au cours des 20 dernières années :

 

  • EDF-GDF, entreprises publiques à statut d’EPIC, transformées en société anonyme sous Sarkozy en 2004.
     
  • EDF entre en bourse / 15% de son capital est privatisé.
     
  • GDF est bradé en 2006, depuis transformé en ENGIE, contre la promesse faite par Sarkozy… 
     
  • la Loi NOME impose en 2010 à EDF de vendre à prix bradé son électricité électronucléaire  pour que les concurrents privés d’EDF puissent s’implanter sur le marché français…. en vendant l’électricité produite par EDF.
     
  • En 2018, le gouvernement Macron met en concurrence les concessions des barrages hydroélectriques dont l’essentiel est à EDF.
     
  • Le plan Hercule-Clamadieu prévoit de scinder EDF en 3 entités: EDF Bleu (les centrales nucléaires), EDF Vert (distribution et les énergies recouvrables hors hydroélectricité) et EDF Azur (les barrages et centrales hydrauliques), dont la Commission Européenne a imposé qu’elles soient mises en concurrence.


Renault Henry, leader du syndicat CGT de l’Énergie à Marseille a accepté de répondre aux questions d’Initiative Communiste pour expliquer la lutte engagée et ses revendications, ainsi que les propositions portées par la CGT Énergie

Peux-tu te présenter ainsi que ton syndicat ?


Renault Henry

Je m’appelle Renault Henry, je suis secrétaire général du syndicat « Énergie Marseille », je représente l’ensemble des personnels qui sont à GRDF, EDF… On représente l’ensemble des salariés du secteur de l’énergie, statutaires ou non, sur le territoire de Marseille.

Les travailleurs des Industries électrique et gazière, notamment à EDF, ENEDIS ou GRDF ont massivement participé aux journées d’action le 26 novembre et 10 décembre. Quelle est la raison principale de cette grève ?

 


Renault Henry

Actuellement on est focalisé sur 3 sujets : le dossier HERCULE au niveau d’EDF et d’Enedis, le projet de la RE 2020 et l’avenir de la centrale de Gardanne (lire ici), en tant que collègue des industries électriques, ce sont des personnels statutaires qui vont être victimes de licenciements.

Comment est-ce que vous luttez à votre niveau ?

 


Renault Henry

À notre niveau, cela va des rassemblements devant des institutions comme la préfecture, la mairie, la région comme en décembre. On essaye de faire aussi des actions médiatiques comme sur les autoroutes, ou on va au contact avec les usagers : l’impact est fort, car ils sont directement concernés.

Ce plan HERCULE  n’est pas une surprise  mais c’est bien la conclusion planifiée de longue date des ordres donnés par l’Union Européenne.
En tant que syndicaliste sur le terrain, quelle est ta vision de tout ce processus ?

Ces 10 dernières années, on a vu le processus de l’intérieur, depuis qu’EDF- GDF a explosé en plein d’entreprises, on a vu la dégradation au quotidien, que ce soit sur la priorisation du service rendu à l’usager, que ce soit sur l’investissement sur le réseau pour acheminer le gaz/électricité. Concrètement pendant 65 ans, on a vu une entreprise nationalisée, qui est devenue une des plus grandes entreprises au monde, par exemple le pack nucléaire a été développé en France, le réseau électrique aussi, les technologies françaises étaient exportées vers l’étranger. Tout cela s’est arrêté il y a 15 ans, au profit de l’économie et du profit.

Personnellement, j’ai été embauché en 2000, à la fin d’EDF/GDF, et je me rappelle d’être entré dans une entreprise où le service public était imprégné dans tout le personnel, pour le bien du consommateur, pour que l’électricité et le gaz soient bien acheminés dans tous les foyers français.
Aujourd’hui la priorité c’est de faire du profit. Tous les services techniques que l’on connaissait au service du consommateur ont disparu, cela a été externalisé ! Aujourd’hui c’est une entreprise portugaise qui vient raccorder l’électricité entre les maisons et les poteaux électriques par exemple. On se sert de la misère des autres pays, avec des salariés précaires, pour faire le travail. Il n’y a que la mise en service qui est faite par ENEDIS /GRDF, ainsi que des petits travaux mineurs.

Pareil pour EDF, il faut voir ce qu’est devenu le fournisseur : à Marseille il y a EDF commerce, ce sont des centres d’appels où les agents des IEG du service public doivent vendre n’importe quoi, comme des assurances, des services… Cela a été complètement dénaturalisé. Le personnel a perdu ses repères et ce travail n’est pas celui d’un agent EDF : c’est une catastrophe, il n’y a pas un seul secteur qui a été épargné. De plus, entre 2000 et 2020, on a perdu 20.000 emplois, l’électricité a augmenté de 30% en prix, le gaz de 8% alors que les services pour les usagers se sont dégradés.

On est donc passé d’une entreprise intégrée qui vendait de l’énergie au meilleur prix d’Europe, avec un réseau optimal reconnu et envié dans le monde entier à un éclatement en plus 150 entreprises. Sous couvert d’écologie on fait passer toutes les réformes capitalistes, qui ne sont pas écologiques et qui détruisent de l’emploi et du savoir faire.

Est-ce que pour les consommateurs, cette ouverture à la concurrence, s’est traduite par une baisse des prix ? Par une amélioration du service ?

Absolument pas, c’est complètement l’inverse. Les usagers payent plus et ont moins. Pour prendre un exemple, avant, en cas de fuite de gaz, GDF intervenait en moins de 30 minutes dans 75% des cas. Aujourd’hui ce sont plusieurs entreprises qui imposent des chiffres et dans 95% des cas l’intervention est faite dans le double de temps : 1 heure.
Les zones d’intervention ont largement été agrandies, les agents mettent beaucoup plus de temps pour intervenir. Alors que le prix du gaz a largement augmenté.

La colère était déjà très forte avec une grève historique de plus de 10 semaines et 150 sites occupés en 2018 (lire ici notre reportage sur le site des calanques à Marseille. Pour les travailleurs des IEG (industries électriques et gazières), qu’est- ce que cela signifie en termes de condition de travail ? En terme de rémunération et de suppression d’emplois ? En terme de risque pour le statut des personnels des IEG ?

On se base déjà sur la suppression de 20.000 emplois que l’on a subi. Encore 800 emplois vont être supprimés dans les 3 ans et dans d’autres boites aussi. Les suppressions de postes vont continuer et progressivement on va être dans la mouise. Les employés qui vont partir à la retraite ne seront pas remplacés. Notre régime des retraites est bénéficiaire, et nous cotisons aussi pour le privé. On est une des plus grosses caisses de retraite de France. Demain, si on n’est plus que 50.000 à travailler et qu’on a 200.000 camarades à la retraite, nos caisses vont devenir déficitaires et on va nous supprimer encore plus de postes, comme cela a été le cas avec les cheminots. Il faut donc lutter pour stopper le carnage.     


La CGT FNME revendique un “service public unifié de l’énergie”, avec une renationalisation  complète et une structuration en EPIC. Est-ce bien cela ? Pouvez-vous l’expliquez ?

La CGT veut revenir à un programme progressiste de l’Énergie que l’on a appelé PPE, on veut un retour à la nationalisation de l’énergie, car pour nous c’est un bien commun. Sans énergie on revient à la bougie, sans compter l’importance de l’énergie dans l’écologie actuelle.
Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, l’énergie est indissociable de l’écologie, car c’est l’énergie qui pollue la planète. L’énergie provoque le CO2, s’il y a une maitrise publique, on pourra efficacement agir pour être efficace en terme d’écologie. On revendique donc le retour d’un service public, des moyens de production, de distribution, des centrales hydrauliques mais également de la vente. Et on inclut là dedans tout ce qui touche l’écologie, comme les parcs d’éoliennes par exemple. Aujourd’hui on vend l’énergie comme on vend des packs de bière en grande surface, et nous on est contre ça, tout simplement.


Le modèle de l’entreprise publique assurant le service public de l’énergie est interdit par l’Union Européenne. On voit pour la SNCF avec le paquet ferroviaire et la réforme ferroviaire de Macron en 2018, pareil pour les PTT avec  France Telecom qui a été privatisée ainsi que l’actuelle privatisation de La Poste. Mêmes ordres, même causes, mêmes effets. N’est-il pas urgent de briser les chaines de l’Union Européenne pour sauver et reconstruire nos services publics avec un Frexit progressiste au service de tous les travailleurs, à l’opposé total de la “concurrence libre et non faussé” inscrite dans le marbre du traité de Rome instituant l’Union Européenne ?

 


Renault Henry

C’est une question compliquée qui me dépasse un peu, mais c’est bien à cause de la Commission européenne que l’on en est là. Aujourd’hui il y a 2 solutions : soit on change l’Union Européenne soit on en sort. Pourquoi pas l’Europe, mais si les peuples sont dans la dèche et l’énergie une marchandise comme une autre, c’est pas bon. Pour la sortie de l’Europe, ce n’est pas mon domaine, mais en tant qu’être humain, je suis contre l’Europe tel que l’on la connaît aujourd’hui, ce n’est une Europe qu’orientée vers le capitalisme et non vers les peuples. On n’est pas contre les autres pays, mais contre le fonctionnement de l’Union Européenne.

Un entretien réalisé par JBC BC D Vlador, illustration Initiative Communiste

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