TRAPPES : Retour sur l’expérience de syndicats cheminots CGT avec la FSM , avec l'activité internationale
REPRIS du site de la Fédération Syndicale Mondiale
SOURCE : Le site de Unité CGT
https://magazine.unitecgt.fr/mars2021/retour-sur-l-experience-de-syndicats-cheminots-cgt-avec-la-fsm
Comment organiser une activité syndicale internationale de classe, en actes concrets, utiles aux luttes du monde du travail ?
Récit, sous forme de témoignage et de retour d'expérience, sur les liens tissés par le syndicat cheminot de Trappes avec la Fédération Syndicale Mondiale
Depuis 2012, la question des affiliations internationales de la CGT et de ses organisations (confédération, fédérations, unions départementales etc.) est discutée dans les différents congrès.
Ceci reflète une prise en compte croissante de cet aspect de l’activité syndicale par plusieurs organisations de la CGT, dont les débats sur la question en recoupent d’autres sur la nature même de l’activité syndicale, le rapport aux institutions patronales et gouvernementales, le danger de « l’institutionnalisation » des syndicats ouvriers voulus par le patronat et les gouvernements. Sans se résumer à cela, ces débats reflètent en grande partie les divergences d’approches qui peuvent exister entre militants ouvriers CGT sur la manière de mener à bien la « double besogne » du syndicalisme CGT.
D’une part, l'œuvre revendicative quotidienne dans les entreprises et administrations contre le patronat, d’autre part, la préparation par ces mêmes luttes - par le contenu qu’on leur donne et les objectifs qu’on leur fixe – de l'émancipation intégrale du monde du travail de la société capitaliste. De ce dernier objectif découle un constat, la nécessité de s’organiser y compris au niveau international face à un capitalisme qui s’est doté, au fil du temps, d’organisations internationales politiques, économiques et militaires pour assoir sa domination à l’échelle de la planète.
Plusieurs organisations de la CGT ont ainsi mis en débat l’affiliation de la CGT à la Confédération européenne des syndicats, « partenaire social » des organes de pouvoir de l’Union Européenne – présidée actuellement par Laurent Berger, premier dirigeant de la CFDT - et de la Confédération Syndicale Internationale. Ce débat se répercute également à des degrés divers dans les fédérations et les Unions départementales de la CGT.
C’est dans ce contexte que plusieurs organisations de la CGT (Fédérations, Unions Départementales, syndicats locaux) se sont rapprochés ou affiliés à la Fédération Syndicale Mondiale, dont la CGT s’était désaffiliée en 1995 pour pouvoir intégrer la CES et la CSI. C’est donc également à la lumière de ces éléments et de ces débats que le dernier congrès confédéral CGT de 2019 à Dijon a inscrit dans son document d’orientation
“Pour la CGT, il s’agit de rechercher constamment l’échange et l’unité avec toutes les organisations syndicales possibles, affiliées ou non à la CES, à la CSI et à la FSM”.
L’expérience acquise au cours des années qui ont suivi la mise en débat, puis l’affiliation à la FSM, dans des syndicats cheminots nous ont conduit aux réflexions suivantes :
Ne pas faire des questions internationales une affaire d’initiés et d’experts !
Les militants et syndiqués sont bien souvent majoritairement accaparés par les préoccupations quotidiennes immédiates dans l’entreprise ; la formulation d’une politique internationaliste peut paraître aux yeux de nombreux camarades de travail, comme une préoccupation au mieux lointaine, au pire, hors sol.
Le danger qui en découle est donc que cet aspect de l’activité syndicale se retrouve sans lien avec l’activité syndicale quotidienne dans l’entreprise.
Il faut donc ancrer l’activité internationale dans l’activité syndicale sur le terrain
Parce que nous étions conscients du risque de transformer l’affiliation en simple « totem » , des syndicats CGT cheminots, en particulier en région parisienne (Versailles, Trappes), ont ainsi tenté de mettre en œuvre une politique depuis 2013 ancrée dans les luttes et organes de décision locaux de leurs syndicats. C’est ainsi que des liens ont été noués avec les cheminots grecs du PAME, puis ceux du RMT britannique, au travers de la FSM dès 2013, après une première visite officielle au siège de la FSM à Athènes, en Grèce.
Retour sur la grève ferroviaire de 2014
Après que le gouvernement Hollande ait lancé la première étape de la contre-réforme du secteur ferroviaire, les syndicats CGT Cheminots de Trappes et de Versailles, après avoir visité leurs camarades grecs et britanniques, ont organisés la visite de délégations de cheminots grecs et britanniques directement sur le lieu de travail des cheminots de leur périmètre en France.
C’est ainsi que ces cheminots, flanqués de camarades traducteurs, ont tournés dans les chantiers et à l’intérieur des ateliers, ont participé aux heures d’information syndicale, ont animé des meetings publics, ont participé à des commissions exécutives, pour expliquer en détail les conséquences pratiques sur leurs conditions de travail, de rémunération, sur la qualité du service rendu des contre-réformes qui leur avaient été imposés dans leur pays respectifs.
Cela a été un élément qui a permis au syndicat d’approfondir le niveau de compréhension des cheminots de son périmètre face au réel contenu des attaques lancées par le pouvoir (qui promettait alors que « rien n’allait changer ») contre les cheminots. Ces visites, fortement et largement appréciées par les cheminots, ont permis de renforcer le rayonnement du syndicat, la perception par les cheminots de ses capacités d’organisation et de son utilité. Ainsi imbriquée avec la construction des luttes que nous avons engagés sur notre territoire en 2013 et en 2014, l’utilité de cette activité s’est faite sentir de façon concrète.
Retour sur la grève de 2016
A partir de la réussite de cette première expérience, les liens se sont renforcés et étendus, y compris avec d’autres organisations professionnelles du secteur des transports de la FSM. C’est ainsi que des liens ont été noués avec les camarades cheminots de la CGTP IN du Portugal ou encore des syndicats des transports terrestres et maritimes chypriotes du PEO. De même, des liens avec le syndicat USB Italien ont été noués, puis le syndicat Naklyiat IS du DISK en Turquie, ainsi qu’avec le syndicat du transport maritime libanais.
Des visites de délégation mutuelles se sont organisées dans le même esprit pour les luttes de 2016 avec participation aux tournées préparatoires du conflit de 2016, participation aux heures d’informations syndicales dans les ateliers et chantiers et invitation à venir participer aux manifestations nationales et actions organisées par la CGT pour se mélanger avec les camarades.
Cette fois ci, nous avons pu augmenter d’un cran l’activité par rapport à 2014. C’est ainsi que nous avons pu coordonner un début de riposte, évidemment très modeste et à hauteur de nos moyens de syndicats CGT locaux et de liens naissants dans le cadre de la grève de 2016.
Nos camarades de l’USB Italien ont ainsi bloqué les départs des TGV internationaux de Milan vers Paris sur une journée, les camarades grecs du PAME et turcs de Nakliya DISK ont effectués des actions devant les missions diplomatiques françaises en soutien à notre grève. A l’occasion de cette grève, les liens ont débouché sur des premières collectes organisées par ces organisations pour alimenter nos caisses de grève locales, avec envoi de motion de soutien.
Retour sur le Congrès de la FSM à Durban en Afrique du Sud
Le congrès de Durban en Afrique du Sud de la Fédération Syndicale Mondiale fut l’occasion de multiplier les contacts avec des organisations des 5 continents, y compris parfois avec des militants d’organisations non formellement affiliés à la FSM et dont les liens se sont relevés très fructueux pour la suite.
Retour sur la grève de 2018
Une visite de camarades du Brésil qui ont participés à des rassemblements contre la répression syndicale et des envahissements de directions SNCF, ont permis d’appréhender les enjeux auxquels sont confrontés les camarades brésiliens depuis le coup d’Eat qui a débouché sur la destitution de Dilma Roussef, puis l’emprisonnement de Lula, suivi ultérieurement par l’ascension au pouvoir du fasciste Jair Bolsonaro.
De plus, des camarades cheminots suédois rencontrés lors du congrès de la FSM à Durban se sont déployés en tournée et meetings dans plusieurs sites cheminots – au-delà du périmètre des seuls syndicats cheminots affiliés à la FSM – pour expliquer « de première main » le processus de libéralisation du rail suédois, pourtant unanimement décriée en Suède y compris par les voyageurs et qui sert de référence au pouvoir macronien dans le cadre du « Pacte ferroviaire ».
Retour sur la grève de 2019-2020
Les grèves de décembre 2019 et janvier 2020 furent quant-à-elles précédée par la visite de camarades indiens et vénézuéliens dans nos syndicats. Occasion donc d’aborder, pour ce qui concerne les vénézuéliens, la situation sociale, économique et politique du Venezuela et le « processus bolivarien ».
Les nombreux liens tissés au fil des années précédentes avec les autres organisations ont permis la tenue de véritable campagne de popularisation de nos luttes, y compris médiatiquement, avec la tenue de meetings et de collectes significatives pour alimenter nos caisses de grève locales, marquant la un saut quantitatif important. C’est ainsi que plusieurs milliers d’euros furent récoltés en Suède au profit des grévistes cheminots de notre périmètre, parmi d’autres exemples.
Un premier bilan et des perspectives
Ces liens ont donc permis, à notre modeste échelle locale, de renforcer de façon pratique et concrète nos luttes. De même, la dynamique de renforcement conséquent en matière d’adhésion de nos syndicats, le renforcement au niveau local de la participation aux grèves et actions, ont démontré qu’une activité syndicale internationale peut être menée de front, en prise directe, et en articulation, avec les préoccupations des camarades sur le terrain.
Ces échanges et initiatives, s’ils sont tournés en premier lieu vers les luttes que nous engageons, sont autant d’occasions de mener les discussions politiques avec les camarades sur la situation sociale et politique mondiale et de formuler des réponses politiques grâce à cette expérience et à ces liens que nous cherchons à renforcer.
Bien sûr, l’expérience ici partagée est celle de syndicats locaux et non pas de fédérations et encore moins d’une confédération. Il convient donc d’en relativiser la portée et la prendre pour ce qu’elle est : une expérience prometteuse, mais à petite échelle. Le tout est d’arriver à la multiplier.
Dans ce monde plongé en plein chaos économique et politique, où la guerre fait rage dans de nombreux pays, il appartient aux organisations de notre classe d’essayer de se regrouper autour d’un programme condensant les principes et les acquis pratiques de nos organisations sur nos 5 continents, avec pour objectif de pouvoir mener jusqu’au bout une politique révolutionnaire qui sera nécessairement internationale.
Une organisation qui arrive à faire le lien entre les luttes quotidiennes des travailleurs du monde entier en l’inscrivant dans le combat pour la prise du pouvoir, capable de s’exprimer et formuler une politique sur l’ensemble des sujets qui embrasent la société. Le chemin pour y parvenir s’annonce long. Il s’appuie néanmoins sur la conviction que en l’empruntant
« la classe ouvrière prendra conscience de cette
vérité que, si elle veut vivre, le capitalisme doit
mourir. »