MANIFESTE POUR une reconquête de l'hôpital public

Publié le par FSC

Une perspective FACE à la politique de casse de l'hôpital qui se poursuit !

 

« Nous avons écrit ce manifeste dans un élan de résistance vital, un entre-deux, en attendant de nous retrouver à Marseille, là où nous avons choisi de tenir notre seconde rencontre publique « en chair et en os », depuis que nous avons lancé notre Appel à la tenue d’Ateliers pour la refondation du service public hospitalier. Cet Appel a été initié à l’orée de l’été 2020 par cinq collectifs : le Collectif Inter-Urgences, les Économistes atterrés, le Collectif Inter-hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, les Ateliers travail et démocratie. Il a été suivi par de nombreux collectifs et signataires individuels.

Nous avons lancé notre Appel au moment où le «Ségur de la santé » s’achevait sur une note très amère. Nous souhaitions alors engager une réflexion collective sous forme d’ateliers ouverts à toutes et tous, pour recueillir la parole de celles et ceux qui ont traversé la crise sanitaire, soignant·es, soigné·es, usager·es et à partir de cette parole travailler ensemble à la refondation du service public hospitalier avec deux principales préoccupations : investir la question des collectifs de soin et à partir d’eux réfléchir à des formes de gouvernance fondées sur le soin, plus autonomes, plus horizontales et démocratiques. »

En introduction, Fabienne Orsi parle d’urgence, de sortir l’hôpital de ses murs, de réflexion collective, d’affaire commune, de réappropriation collective…

Quelques éléments choisis subjectivement dans les articles et les témoignages.

« Nous appelons à faire collectif pour nous réapproprier notre liberté de penser ; nous appelons à travailler ensemble et faire « naître de tout bois » la démocratie réelle, celle du débat, dans notre pratique de tous les jours »

Les auteurs et autrices discutent d’une res publica du soin, des murs à briser, du mouvement des personnels soignants, des effets sociaux des confinements, des reports dans la prise en charge de pathologies, de rupture d’égalité d’accès aux soins, de carcan managérial et financier, « A plus d’un endroit le carcan managérial et financier a sauté, craqué, frappé de son inutilité », du contrôle exercé à l’hôpital, du pouvoir des citoyen·nes actifs/actives, de rencontres, de lieux accueillants, d’écoute et de compréhension, « c’est sortir de ses balaises de pratiques et de pensée, c’est accepter la discorde, accepter de douter, de s’interroger, de se livrer aussi », de frontières trop étanches, de paroles, « faire advenir la parole de celles et ceux qui ne parlent pas, que l’on entend pas, que l’on n’autorise pas, qui ne s’autorisent pas »…

Il faut mettre « en pièces la langue machine », refaire langage commun, détruire la novlangue du nouveau management public (en complément possible, Alain Bihr : La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitalisteevidences-non-fondees-fausses-banalites-pour-un-morbide-cafe-du-commerce/), en finir avec « la pollution du dire », la langue truffée « d’acronymes, d’inversion de sens, de glissements sémantiques, de néologismes », la langue-machine colonisatrice des pratiques de soins, « Ne rien laisse passer du non-sens établi par évidence », refuser l’écrasement des mots et leur redonner le pouvoir d’émancipation…

Sont aussi discutés, le manque de considération des paroles des patient·es et de leurs familles, les collectifs de soin, les niveaux de connaissance commune, la dégradation du travail, les expériences et initiatives « parfois dans la clandestinité et la désobéissance », la destruction de la psychiatrie publique, les nécessaires « hors les murs », le soin dans la cité, « Pour rendre cette bifurcation crédible, il est nécessaire d’imaginer une forme d’indépendance décisionnelle afin de pouvoir investir massivement dans le prendre soin sans le chantage habituel à la dette ou aux desiderata des marches financiers »…

Les témoignages me semblent particulièrement importants, tant par les sujets soulevés que par la volonté de dépasser – par l’action démocratique de toustes – les impuissances et les contraintes. « D’une certaine façon, avec cette sélection, il s’agit de lever une partie du voile sur la richesse et la complexité de ce qui se joue dans et hors l’enceinte de l’hôpital, dans la quête du soin de l’autre »

Je souligne, les maisons de santé, l’adossement des centres de soins à une structure hospitalière, l’accueil, la prévention, les réponses aux soins légers, le travail en binôme, la psychiatrie humaine, le rappel que « le soin sous contrainte » n’est pas du soin, la psychothérapie institutionnelle, la grève du codage, les déterminants de la santé, la permanence des soins, l’urgence comme « temps hors du temps », les silences et les souffrances…

« Des mots pour le dire, des mots pour vivre, des mots pour hisser haut la reconquête de l’hôpital public ». Les auteurs et autrices proposent aussi un glossaire polyphonique (Aller vers. Biens communs. Bifurcation. Cabinet de conseil. Carcan managérial et financier. Cellule de crise. Club thérapeutique. Collectifs de soin. Communs. Continuité des soins. Corps. Décloisonner. Démocratie sanitaire. Désobéir. Geste. Gouvernance. Hospitalité. Institution. Loi Hôpital Patients Santé. Territoire (HPST). Maillage. Néolibéralisme. Nouveau Management Public. Novlangue managériale. Patient. Perte de chance. Plan blanc. Prendre soin. Psychothérapie institutionnelle. Psychiatrie de secteur. Reconquête. Res publica(e). Santé. Ségur de la santé. Service public. Soin. Soins ambulatoires. Syndémie. T2A. Travail. Usager.) Je m’étonne cependant de l’absence de la notion d’autogestion.

 

 

Un livre de réflexion et de témoignages d’une très urgente utilité.

Ouvrage collectif  : 

Les furtifs. Coordonné par Fabienne Orsi : Soigner

Manifeste pour une reconquête de l’hôpital public et du soin

C&F Editions, Caen 2021, 126 pages, 15 euros

https://cfeditions.com/soigner/

Didier Epsztajn

 

Interview de Fabienne Orsi,
coordinatrice de l’ouvrage

La crise sanitaire a accentué celle de l’ensemble des milieux du soin. Vous avez réussi à faire coopérer les diverses professions de santé et les usagers dans cet ouvrage. Quelles ont été les étapes ?

C’est une belle histoire, une étincelle au plus profond de la pandémie, qui est issue de la démarche que nous avions initiée quelques mois plus tôt en lançant les ateliers pour la refondation du service public hospitalier. S’écouter, prendre le

temps de se comprendre, accepter de douter, sortir de ses certitudes. En fait les furtifs, sont aussi pour la plupart ceux qui sont à l’origine de la conception des ateliers de Montreuil (2020) et de Marseille (2021). Nous avions prévu l’atelier de Marseille pour le mois de janvier, tout était prêt et puis nous avons dû reporter à une date inconnue à cause de la pandémie. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire, nous aurions perdu le lien et le souffle qui nous unissaient. Alors nous avons décidé d’écrire, écrire dans un élan vital, écrire pour resister er rester unis, malgré tout.

Comment s’est déroulée l’écriture de ce manifeste ?

Mon idée était de proposer un texte appelant à la rencontre, à la reconquête de notre désir, de notre pouvoir d’imagination créatrice. À plusieurs, nous avons proposé une première architecture qui a suscitée l’enthousiasme. Des groupes se sont ensuite constitués pour écrire.

J’ai organisé la mise en cohérence des différentes parties du texte, nous nous sommes réunis en visio à plusieurs reprises jusqu’à obtenir notre manifeste. Nous voulions un texte court et percutant, accessible à tous et toutes.

Nous y avons ajouté un glossaire des termes utiles pour éclairer notre propos. J’ai beaucoup apprécié cette expérience d’écriture collective avec des personnes aussi différentes et venant de multiples univers. Bien sûr nous avons connu des moments de tension et de désaccord, mais c’est le propre de la rencontre et de la création.

Un nouvel atelier va se tenir à Marseille en juillet 2021. Comment faire progresser l’idée d’un changement radical des politiques du soin et de la santé ?

L’idée ne pourra progresser que si le plus grand nombre s’en empare. Ce changement radical est à construire. Pour cela il est important d’inventer des espaces et des lieux où l’on peut apprendre les uns des autres, débattre, prendre le temps d’élaborer une connaissance et un langage communs.

Du soin, de la santé et de l’hôpital public, beaucoup en ont une expérience, une pratique ou un savoir spécifiques mais pas une connaissance d’ensemble. Si bien qu’on peut avoir tendance à laisser aux « experts » la tâche de proposer des solutions… ou pas. Il faut que la « chose publique » redeviennent l’affaire de tous.

Nous voulons oeuvrer dans ce sens et c’est l’objet de nos ateliers : se réapproprier collectivement la santé publique, créer des ponts, du débat, à partir de nos pratiques, expériences et savoirs de soignants, de chercheurs, de patients, d’usagers, d’aidants.

La santé en commun signifie une implication de toutes et tous, depuis les actions de prévention jusqu’à l’inclusion dans le soin. Pourquoi les communs sont-ils une opportunité pour redéfinir les politiques de santé ?

Je préfère parler d’une approche par les communs, c’est-à-dire faire en sorte de créer du lien et des échanges entre personnes qui, jusque-là, ne se parlaient pas. Mettre en commun des savoirs et des pratiques et construire à partir d’eux.

Lors de la préparation de nos ateliers et pendant notre écriture collective, nous avons beaucoup appris les uns des autres. Cela nous inspire pour avancer des pistes de travail comme celle de réinvestir la médecine sociale qui oblige à prendre en compte les milieux de vie ou encore en mobilisant les principes fondateurs de la psychiatrie de secteur, pourtant très fortement attaquée par les gouvernements successifs. Cette « démarche en commun » nous aide à repenser les notions de soin, de collectifs de soin, du rapport à l’autre.

C’est également un moyen de réfléchir à la notion d’hôpital dans et hors ses murs, la place que nous avons envie de lui donner dans la cité. Le champ de la santé est très cloisonné et très hiérarchique, les frontières sont étanches en son sein même mais aussi avec le champ du social. Ceci relève de l’histoire longue. Le pouvoir est concentré, les pratiques démocratiques et horizontales quasi inexistantes.

Nous sommes donc aux antipodes de la logique des communs.

Dès lors décider de partir de cette approche par les communs pour repenser la santé et le soin signifie s’engager dans un renversement radical de la manière de penser et de faire. Le chemin sera long, mais c’est un chemin porteur de possibles.

Les furtifs sont un collectif d’auteurs et d’autrices, pour la plupart engagés dans l’organisation des Ateliers pour la refondation du service public hospitalier. L’Appel fondateur de ces ateliers a été initié à l’orée de l’été 2020 par : le Collectif Inter-Urgences, les Économistes atterrés, le Collectif Inter-hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, les Ateliers travail et démocratie, puis repris par de nombreux collectifs et signataires individuels. Une seconde session aura lieu à Marseille les 3 et 4 juillet 2021.

« L’hôpital public est malade. Enserré dans un étau budgétaire, son fonctionnement, ses règles administratives, la place qu’il occupe dans la politique de santé ont petit à petit conduit à marginaliser le soin dans les décisions. Il est temps qu’au côté du personnel de santé, la société dans son ensemble travaille à remettre en chemin ce navire en déroute. »

https://blogs.mediapart.fr/julien-vernaudon/blog/150621/soigner-manifeste-pour-une-reconquete-de-lhopital-public-et-du-soin


En complément possible :

Création d’un réseau de résistance internationale des soignant.es !

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/06/06/creation-dun-reseau-de-resistance-
internationale-des-soignant-es/

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