Stéphane SIROT : "Que sont-ils devenus ? La trajectoire d'ex-dirigeants confédéraux (CGT-CFDT-FO)"
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Pour terminer mes épisodes sur le sujet, je livre l'avant-propos de ce travail. Forcément lapidaire puisqu'avant-propos, malgré tout explicite sur le contenu de la quarantaine de pages qui suit.
Avant-propos
Le présent opus était en gestation depuis longtemps. Au regard du devenir immédiat d’après-mandat des derniers secrétaires généraux des grandes confédérations, tel que répercuté dans les médias, la réalité concrète de la dimension de contre-pouvoir du syndicalisme m’a paru de plus en plus discutable, tout au moins dans ses récentes incarnations nationales. Parallèlement, j’ai pu constater comme tout un chacun que ces dernières années, l’hégémonie des grandes confédérations de travailleurs sur les mouvements sociaux a eu tendance à se déliter, l’épisode des Gilets jaunes étant évidemment le plus spectaculaire en la matière. Or, de mon point de vue, la prise de distance manifestement croissante d’une partie des milieux populaires vis-à-vis des syndicats n’est pas sans aucun lien avec l’image offerte par la reconversion des figures dirigeantes les plus connues du grand public, qui peut les faire apparaître d’instinct comme participant d’une vaste sphère institutionnelle, elle-même de plus en plus massivement honnie.
Ces ressentis citoyens se télescopaient presque étrangement avec mon interprétation d’historien des transformations de longue durée du syndicalisme français. Ne pouvait donc que naître l’envie de prendre une mesure plus précise de l’éventuel degré d’intégration des responsables militants de plus haut niveau, par définition les plus repérables, à l’ordre dominant. Ce qui, pour moi, n’a rien d’anecdotique, dans la mesure où ces cadres nationaux sont issus d’un processus de sélection à l’intérieur de leurs organisations et représentent ainsi bien davantage qu’eux-mêmes. Or, leur devenir fait écho, tout en jouant le rôle de miroir grossissant, à des évolutions et des conceptions parfois communes, mais aussi clairement différenciées du syndicalisme et peut interroger a posteriori sur le sens de leur positionnement.
Toutefois, avant d’aller plus loin, le lecteur ne doit pas se méprendre sur les intentions de l’auteur. Il n’est ici nullement question de nourrir un quelconque discrédit à l’égard de l’engagement syndical. Je connais personnellement l’investissement des militants de terrain, que je rencontre notamment lorsque je suis invité à venir débattre avec eux. Leurs convictions m’impressionnent souvent, les sacrifices qu’ils consentent volontiers forcent toujours mon respect. J’ai aussi admiré et j’admire encore d’anciens dirigeants qu’il m’a été donné de côtoyer. Ainsi le regretté Pierre Delplanque, qui a œuvré pour le bien commun et en parfait désintéressement personnel aux côtés de Marcel Paul, ou encore François Duteil, qui sait faire partie de cette brochure et dont la cohérence du parcours personnel aussi bien que la constance et la finesse intellectuelle lui valent mon indéfectible fidélité. Sans parler de Georges Séguy, avec qui j’ai eu la chance de pouvoir parler à une ou deux reprises, bien trop vite à mon goût, et que je regardais comme le monument historique qu’il était.
Bref, si certains esprits se sentent pour les uns heurtés ou fort marris, pour les autres confortés par les constations qui suivent, celles-ci ne m’appartiennent pas et ne sont que le fruit des choix opérés par les acteurs concernés. A chacun, donc, d’en tirer les enseignements personnels ou collectifs qu’il voudra, le présent et l’avenir du syndicalisme étant évolutif et appartenant à celles et ceux, dont je ne me cache pas de faire partie, qui croient encore que celui-ci demeure un instrument essentiel et incontournable de la conquête du progrès social.