La hausse des prix, l’inflation, la dette… mais pour QUI ?
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Autre aspect lié cependant au contenu de l'article suivant :
La facture du "quoi qu'il en coûte" destiné prioritairement aux entreprises au plus fort de la pandémie va être présentée aux couches populaires conjuguée à l'argument diviseur de l'intérêt des jeunes et des générations à venir
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REPRIS du site de Danielle BLEITRACH :
En cette rentrée de septembre, s’il y a un vécu collectif français – mais nous ne sommes pas les seuls – c’est celui de l’augmentation des prix et la manière dont l’argent fond littéralement dans les mains, il y a inflation, c’était couru avec la dette et la prodigalité de nos gouvernants pour faire face au COVID, mais prodigalité à l’égard de qui? Si l’argent fond c’est que ce ne sont pas nos salaires, nos pensions qui en ont bénéficié… Les entreprises publiques privatisées sont les premières à augmenter leurs tarifs sans augmenter leurs salariés, mais pourquoi et surtout pour qui ?
… Nos lecteurs sont on le sait des “contributeurs” à ce blog et périodiquement je reprends les réflexions de l’un d’entre eux. Ici il s’agit de Franck Marsal qui à la fois s’interroge et répond partiellement à ses interrogations sur les relations entre l’État et la finance. Il ne s’agit pas seulement d’évasion fiscale, des capitalistes qui se conduiraient mal, il s’agit du mécanisme même de l’accumulation capitaliste qui par la finance peut même de plus en plus faire fi de la valeur et par rapport à cela du rôle de l’État capitaliste, de la dictature du capital auquel Marx voit un seul remède : la dictature du prolétariat. ..
(note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
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Franck Marsal
Nous manquons (mais peut-être suis-je passé à coté) cruellement d’une réflexion économique marxiste approfondie sur ces questions de finance et d’endettement des états. Les dernières crises ont montré encore plus nettement à quel point la dette d’état est un rouage actuel clé de l’économie capitaliste. Lorsque la croissance économique s’est effondrée, plusieurs grands états capitalistes ont emprunté pendant de longs mois de l’argent sur les marchés à des taux négatifs (c’est à dire que celui qui prête l’argent paye pour que l’état le lui emprunte).
Cela prouve que la dette d’état n’est pas seulement un moyen pour l’état de boucler ses fins de mois. C’est d’ailleurs absurde qu’un état, qui possède le pouvoir fiscal absolu, qui donc peut prendre tout l’argent dont il a besoin aux acteurs économiques de son choix sans rembourser, renonce à utiliser ce droit pour emprunter avec intérêts à ces mêmes acteurs ce même argent. D’autant plus absurde que l’état a à disposition une banque centrale qui lui appartient et qu’il pourrait donc – quand bien même voudrait-il emprunter – lui prêter l’argent qu’il souhaite.
Et ce n’est pas l’histoire de je ne sais quel complot. Les taux négatifs récents ont donné l’explication. La dette d’état n’est pas seulement, et même, j’aurai tendance à dire, pas fondamentalement, un service que les banques rendent à l’état qui pourrait parfaitement s’en passer. C’est en réalité surtout un service que l’état rend au système financier. en même temps qu’un outil puissant de pilotage de l’économie. Ce moyen de pilotage est tellement puissant que la grande bourgeoisie et les banques ont immédiatement exigé qu’il soit mis à l’abri de la démocratie, ce qu’ils ont joliment appelé “l’indépendance des banques centrales”.
Pourquoi la dette publique est-elle un service que l’état rend au système financier ? Parce que la dette publique sert de garantie de dernier ressort à tous les montages de financements, prêts bancaires, opérations financières diverses, ce que les financiers appellent le “collatéral”. Il est frappant de constater à quel point la montée de la dette publique coïncide chronologiquement avec l’essor des marchés financiers et des capitalisations boursières. Sans dette publique, pas de développement des marchés financiers, en tous cas, dans le système capitaliste actuel.
La Chine elle-même, pour financer un développement socialiste couplé à l’économie capitaliste mondiale a développé des marchés financiers compatibles et elle a une dette publique (300 % du Pib, mais avec un pib qui croît de 6 ou 7 % par an, ce n’est pas comparable à la situation française). La seule différence (mais elle est de taille) est que le parti communiste chinois et l’état suivent de très près le pilotage économique. Ils n’ont pas hésité à intervenir sévèrement pour interrompre l’ouverture du capital d’Ant Group quelques jours avant ce qui devait être la plus grosse introduction en bourse de l’histoire mondiale. Depuis, une vaste remise à plat des systèmes financiers est en cours en Chine et l’introduction progressive du Yuan électronique va complètement bouleverser l’organisation du système. Chacun aura directement accès à la banque centrale qui supervisera directement l’ensemble du système de paiement.
(Si on en juge par les difficultés en cours du groupe immobilier Evergrande, il était temps que le système financier soit repris en main en effet. )
Quid de la France et de l’Europe ? des états capitalistes en général ?
D’abord, depuis la grande crise financière de 2008, il est clair que l’instabilité du système financier mondial n’a fait que s’accroître. Les banques centrales traitent cette instabilité comme les japonais traitent les coriums fondus de la centrale nucléaire de Fukushima : en versant d’énormes quantité d’eau dessus, en l’occurrence, de grandes quantités de monnaie. Comme l’eau contaminée s’accumule à Fukushima, les créances douteuses s’accumulent dans les bilans des banques centrales. Nous allons au devant de 3 crises qui se combinent et montent en puissance simultanément : crise écologique, crise sociale et politique, crise financière et économique.
Comme la finance est un ensemble de relations sociales et que la production elle-même est aussi un ensemble mondial de relations de co-productions (on le mesure bien avec les ruptures de chaînes d’approvisionnement actuelles) en interaction permanente avec la planète et les systèmes naturels, nous savons que nous sommes devant un changement social de très grande ampleur.
La France est un pays très intégré à l’économie mondiale et européenne. Cela risque donc d’être à partir d’un certain moment très difficile pour nous tant qu’un système démocratique mondial équilibré de pilotage du développement économique ne sera pas mis en place (donc, ce sera très difficile jusqu’à la fin de cette crise).
Dans ces circonstances, la préservation des outils de production et des chaînes d’approvisionnement devient progressivement une nécessité vitale. Fabien Roussel rappelle régulièrement que seuls les travailleurs sont en situation d’assurer la protection des outils de travail (notamment face aux dérèglements des marchés) et qu’ils doivent être autorisés et encouragés à s’organiser pour le faire. Xi Jinping n’a cessé d’alerter depuis plusieurs années sur le risque de rupture des chaînes d’approvisionnement, nous en vivons les conséquences concrètes de manière croissante et nous devons l’expliquer plus clairement.
Le système financier étant en dysfonctionnement désormais profond, cela signifie que le bon sens social, scientifique, technique et politique doit être considéré comme collectivement plus sûr que les critères actuels de rentabilité financière, Il y a beaucoup de conséquences à tirer de cela en sachant qu’il faudra du temps pour redonner sens à un système global. Il nous faut sortir de l’illusion que toute la complexité des relations de co-production se résume dans le résultat financier, qu’il faut juste – comme disent les américains – regarder la ligne du bas de la page.
Afin de garantir la stabilité du système, l’Etat doit avoir les moyens de comprendre et d’intervenir avec puissance et à bon escient. Avec puissance, notamment sur le plan financier, cela signifie que l’Etat doit se redonner des moyens financiers stables et indépendants des marchés. Continuer à emprunter massivement,, c’est accroitre l’instabilité des marchés financiers.
Il faut revenir en arrière que la défiscalisation des revenus et du capital, c’est évident. Mais je crois que cela ne suffit pas. Je pense qu’il faut envisager qu’une partie de la création monétaire annuelle soit placée d’emblée sous le contrôle de l’Etat, dans son budget. En lien avec un système de monnaie publique numérique, il y a là une base pour réorganiser l’ensemble du système bancaire et financier.
Enfin (et cela les chinois sont également en train de le faire) il faut inverser la relation entre les entreprises et l’état. L’aide d’état n’est pas un dû, ni un don gracieux. Lorsque la collectivité (quelque niveau que ce soit) accorde une aide à une entreprise, c’est reconnaître que l’entreprise à un rôle et une valeur pour la collectivité. Donc, la collectivité et les travailleurs ont un droit de participation et de veto sur les décisions de l’entreprise du fait de l’aide qui a été accordée.
Les banques, en particulier, sont des délégataires du service public de la monnaie. Elles exercent sous le contrôle de l’état et sous sa supervision. Il y a donc pléthore de moyens d’action pour l’État, mais aujourd’hui, ils ne sont pas réellement utilisés et l’état se laisse dicter sa politique par les conseils d’administration des grandes banques.
L’État que nous voulons n’est pas l’état administratif et bureaucratique que nous connaissons aujourd’hui. Quand bien même il essaierait d’intervenir, il ne saurait pas le faire à bon escient, car au fond, les hauts fonctionnaires ne sont pas socialement si différents des “hauts-politiques” (à l’exception des communistes dont les dirigeants passent leur temps à sillonner le terrain, à rencontrer des syndicalistes, …); Ils connaissent mal la réalité du pays et n’entretiennent que peu de relations avec ceux qui font tourner réellement l’économie. Ils n’ont été ni choisis, ni formés pour cela et ils sont peu nombreux en réalité par rapport à l’immensité du système productif et d’échange.
C’est tout le sens de la reconstruction d’un grand parti communiste populaire, d’une grande organisation syndicale (unie) et de masse et d’un lien fort entre les institutions et ces organisations. Nous devons pouvoir acquérir une vision fine de chaque rouage, et dans une culture globale, collective de notre société et de son fonctionnement afin de prendre les bonnes orientations collectivement … et aussi bien sûr les faire appliquer. Un système électif seul, surtout biaisé par des médias racoleurs et partiaux ne permet pas cela.