La France s'honnorerait d'accorder l'asile au prisonnier politique Julian ASSANGE !
SOURCE : L'Humanité du 04 février 2022
Les députés français débattent, ce vendredi, d’une résolution qui invite le gouvernement à accorder l’asile politique au journaliste australien, fondateur de WikiLeaks, toujours en prison.
Le combat pour la libération de Julian Assange entre dans une nouvelle phase. La victoire obtenue le 24 janvier, en Grande-Bretagne, marque un premier tournant. La Haute Cour de justice de Londres avait finalement autorisé le journaliste australien à contester, devant la Cour suprême, son extradition vers les États-Unis. Le fondateur de WikiLeaks y reste toujours poursuivi pour « espionnage », « conspiration » et 15 autres chefs d’accusation qui le menacent de 175 années de prison.
Une nouvelle bataille pour l’asile politique de Julian Assange débute en France, à l’Assemblée nationale. La proposition de résolution parlementaire invitant le gouvernement à lui accorder ce statut et faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers sera examinée ce vendredi soir. Tous groupes confondus, une soixantaine de députés – dont Cédric Villani, Jennifer de Temmerman, Jean Lassalle, François Ruffin, Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Marie-George Buffet, Hubert Julien-Laferrière, Jean-Paul Lecoq – ont déjà signé le texte qui sera discuté lors de la « niche parlementaire » du groupe Libertés et Territoires (LT).
Aucun doute, « C’est un prisonnier politique »
Ce texte sera-t-il adopté ? La députée Jennifer de Temmerman (LT) y croit : « La majorité ne serait pas crédible si elle refusait notre proposition. Elle a porté la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, défendue par le député et vice-président de l’Assemblée Sylvain Waserman. Elle l’a approuvée mardi matin en commission mixte paritaire (entre députés et sénateurs). Et Sylvain Waserman l’a même défendue au niveau de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. On ne peut pas donner des leçons à nos collègues européens un jour et dire “ça ne marche pas pour Julian Assange”, le jour d’après », explique l’élue de la 15e circonscription du Nord.
Cette adoption est espérée par Julian Assange et ses soutiens, qui s’inquiètent pour sa santé. Âgé de 50 ans, le citoyen australien est incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres, depuis trois ans. Il ne peut sortir que deux heures par jour de sa cellule extrêmement réduite. À tel point que Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, qui a pu lui rendre visite en 2019, avec une équipe médicale spécialisée, a constaté « des symptômes typiques d’une exposition prolongée à la torture psychologique ». Pour lui, c’est clair, il s’agit bien de « la conséquence directe d’une décennie de violation délibérée et systématique de ses droits humains les plus fondamentaux par les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suède et de l’Équateur ».
En attendant l’issue du jugement en appel, ou un geste du président des États-Unis, Joe Biden, le fondateur de WikiLeaks reste sous la menace d’une extradition vers les États-Unis pour la diffusion, en 2010, de plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines. Il avait révélé à l’époque des crimes de guerre en Irak et en Afghanistan des soldats états-uniens. Aucun doute pour Marie-George Buffet (PCF), « Julian Assange est un prisonnier politique ». La députée de Seine-Saint-Denis qui prendra la parole dans l’Hémicycle pour le groupe la Gauche démocrate et républicaine (GDR) explique : « Cela fait plus de douze ans qu’il est traqué, privé de liberté, torturé et incarcéré dans une prison de haute sécurité. Son “crime” est d’avoir révélé ceux commis par des États et des institutions, notamment américaines, en Irak et en Afghanistan. Il faut que cela cesse, et la France doit lui accorder l’asile. Le gouvernement démontrerait ainsi son attachement à la démocratie et à l’importance d es lanceurs d’alerte. Enfreindre les règles pour révéler des fraudes fiscales, des crimes de guerre et des actes de torture, cela renforce notre vie démocratique et il faut que nous les protégions. »
Pour son père, « une première victoire »
De son côté, John Shipton, le père de Julian Assange, salue l’espoir que suscite une telle résolution pour « sauver la vie de (s)on fils ». À 78 ans, il parcourt le monde pour alerter sur le sort du fondateur de WikiLeaks, confiant que « l’initiative des parlementaires français est très importante pour (s)on fils et sa libération. Il est traité comme un criminel. Malgré son état de santé préoccupant, il continue de se battre. La récente décision judiciaire qui l’autorise à faire appel devant la Cour suprême du Royaume-Uni est déjà une première victoire. Il en attend désormais une autre ».
Parmi les premiers signataires de cette résolution, François Ruffin, qui milite depuis plusieurs années pour la libération de Julian Assange, estime qu’il s’agit d’une « question d’honneur pour la France ». Le député la France insoumise de la Somme rappelle que « le journaliste australien a permis avec WikiLeaks de révéler, en 2015, l’ampleur des écoutes téléphoniques entre 2006 et 2012 de la part des États-Unis à l’égard de la France, un pays allié. La NSA a espionné trois présidents français : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ce serait la moindre des choses, en retour, que de lui accorder l’asile pour service rendu ».
Dans ce combat médiatique et politique, Cédric Villani appelle « la France à lui accorder l’asile pour mettre un terme à sa persécution politique ». Le député de l’Essonne, ex-LaREM, qui a désormais rejoint l’équipe de Yannick Jadot, appelle le président Emmanuel Macron à respecter sa promesse de 2019 de « protéger toutes les libertés, la liberté de la presse, mais la liberté des individus aussi ». « Pour Julian Assange, ces libertés sont bafouées. Il est temps de mettre en actes la loi sur la protection des lanceurs d’alerte », juge le mathématicien. Avec d’autres députés, ils ne se limitent pas à cette seule action. « Pourquoi ne pas aller rendre visite à Julian Assange en prison ou manifester devant celle-ci ? »