Pas de limite à la bêtise russophobe !
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HUILES SUR LE FEU : EDGAR DEGAS DOIT REVOIR SES "DANSEUSES RUSSES"
Au moment de la défection française lors de la deuxième guerre du Golfe, on se souvient que les "French Fries" - les frites, dans la langue de Shakespeare - avaient été rageusement renommées aux Etats-Unis "Liberty Fries". A l'époque, la soif de pureté des croisés s'acharnait surtout sur les patates. Aujourd'hui, pourquoi bouder son plaisir quand l'hystérie est telle qu'on peut s'en prendre aux grands maîtres?
Les "danseuses russes", peintes par Degas, étaient en réalité des danseuses ukrainiennes. C'est l'exploit conceptuel accompli par la National Galery de Londres, qui vient d'annoncer fièrement avoir rectifié son erreur. Le tableau n'était pas exposé ; il restait et reste toujours dans les tiroirs. Mais il était certainement plus urgent de le renommer que de le montrer.
En effet, "mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur au monde", disait Camus, philosophe pour classes terminales et médias macroniens. Ce n'est néanmoins peut-être pas nous faire nager dans le bonheur que de traquer l'ethnicité jusque dans un passé lointain, en ramenant à tout bout de champ cette hyperesthésie identitaire qui préside aux destinées de l'Ukraine post-Euromaïdan.
Nous autres, en Occident, avons attisé une guerre civile en Ukraine depuis huit ans, voire depuis la chute de l'URSS. Une guerre civile entre anciens Soviétiques et, au sein même de l'Ukraine, une guerre civile entre russophones et ukrainophones. La "guerre civile" qui avait suivi la Révolution russe avait déjà vu en réalité la présence, sur le sol soviétique, de quatorze armées étrangères, dont la française. Aujourd'hui l'annonce de livraison de tanks, canons et systèmes de missile longue portée vient d'être faite par les USA et la Grande-Bretagne ; en parallèle, un premier bombardement d'ampleur a eu lieu en Russie, tandis que les grandes manœuvres d'intox de type Timisoara, armes de destruction massive, plan Fer à cheval, se mettent peu à peu en place. Faut-il donc mobiliser l'arrière et envoyer aussi le bataillon des conservateurs de musée ?
A part ça, je constate que ces rectifications tatillonnes qui s'appliquent rétrospectivement dans le passé sont surtout bonnes pour les autres. Nos récents manuels d'histoire, par exemple, nous dissolvent au contraire dans un macro-ensemble improbable, décrit sous le terme d'"histoire de l'Europe", de Charlemagne à Ursula von der Leyen, avec des péripéties malencontreuses comme l'apparition de la Nation française. Là, il ne s'agit plus de préciser qui vient d'où : nous sommes, disent-ils, tous Européens. Sauf les Russes, bien entendu.
Aymeric Monville, 4 avril 2022.