Just Eat, le plan social qui en cachait un plus gros

Publié le par FSC

SOURCE : L'Humanité

Ubérisation La plateforme de livraison de repas vient d’annoncer aux syndicats qu’elle compte licencier plus de la moitié de ses salariés, pour se concentrer sur Paris.

Pierric Marissal

Un second coup de massue est tombé, lundi, sur les travailleurs de Just Eat. Un CSE extraordinaire s’est réuni, pour annoncer que le plan de licenciement économique en cours était annulé, mais remplacé par un nouveau d’une tout autre ampleur. En avril, la plateforme de livraison de repas annonçait son départ d’une vingtaine de villes françaises, et la mise à la porte de 300 salariés sur 800, dont 269 livreurs. Il restait près de 200 coursiers à licencier d’ici à la fin de l’été, mais Just Eat a décidé de quitter toutes les villes de France, sauf Paris. La multinationale néerlandaise entend licencier au moins 359 ouvriers – livreurs, sans compter une quarantaine de cadres et managers, et des dizaines de travailleurs supplémentaires dans sa filiale qui gère la plateforme numérique. Maigre consolation pour les livreurs qui devaient être mis à la porte le mois prochain : le délai pour la période d’information-consultation est passé au 26 novembre.

La promesse de Just Eat a fait long feu. Il y a dix-huit  mois, elle s’engageait à embaucher 4 500 personnes en France, et s’enorgueillissait de proposer un modèle de livraison de repas socialement responsable, avec des livreurs en CDI et rémunérés au moins au Smic, là où la moyenne des autoentrepreneurs d’Uber Eats et Deliveroo peine à toucher 600 euros mensuels, sans aucun droit ni protection.

Pour justifier son PSE, la plateforme met en avant ses difficultés économiques dans un marché français dominé par Uber Eats et dans une moindre mesure Deliveroo. Au cours du CSE, la direction a dénoncé le dumping social des autres plateformes, qui reposent sur l’exploitation d’autoentrepreneurs sous-payés. À mi-mot, les représentants français de la multinationale ont concédé avoir misé sur une régulation en France qui aurait mis fin à l’ubérisation. Si le gouvernement, ou au moins la justice, avait forcé les plateformes à requalifier tous leurs livreurs, Just Eat aurait été prête. La publication des Uber Files, ces documents montrant l’alliance objective entre la Macronie et Uber, quelques jours avant l’annonce de ce plan social, a dû doucher leurs derniers espoirs.

« Ce n’est pas aux travailleurs de faire les frais d’un changement de stratégie de l’entreprise un an après la création de ses filiales en France », déplore Ludovic Rioux, délégué CGT de l’entreprise. Just Eat appartient à la multinationale néerlandaise Takeaway, qui pèse plus de 3 milliards d’euros.« Quand on demande à la direction des données des informations, les transferts d’argent de filiale à filiale, ce qui lui permet de justifier économiquement ce plan de licenciement, on n’a pas de réponse »,regrette-t-il. Salarié à Lyon, il va lui aussi se retrouver concerné par le plan de licenciement économique.« L’ambiance est d’autant plus lourde que, mercredi dernier, Maël, un collègue, camarade CGT et ami, a eu un terrible accident du travail. Il s’est fait percuter par une voiture en livrant un repas, à Lyon. Il était entre la vie et la mort plusieurs jours, et lundi, à peine réveillé, il apprend qu’il va être viré »,soupire le cégétiste.

Just Eat peut s’attendre à de la résistance. Le 11 juillet, en mettant unilatéralement fin à une séance de négociations, l’entreprise avait échaudé ses travailleurs.

Résultat, vendredi soir dernier, plusieurs grèves ont éclaté.« On a bloqué une demi-douzaine de sites dans autant de villes différentes, c’est inédit »,relate le syndicaliste. Et c’est plutôt bon signe pour les mobilisations à venir, car la CGT ne compte pas rester les bras croisés et appelle d’ores et déjà les salariés à s’organiser.

par  Pierric Marissal ,
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