UBER : le leure de l'indépendance ... CONTRE la perte des droits de salariés

Publié le par FSC

 

 Libération
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Arguments «bidon» et moins-disant social

En France, Uber ne recense que 150 salariés, mais réalise un chiffre d’affaires de 76,5 millions d’euros. Et compte aussi sur 30 000 chauffeurs autoentrepreneurs, dépourvus de protection sociale.

En novembre 2016, Uber sort barnum pliant, prospectus à foison et bus floqué du nom de l’entreprise. Une grande tournée se prépare dans les banlieues d’Ile-de-France. Poissy (Yvelines) le 16, Sarcelles (Val-d’Oise) le 23 ou encore Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 30. Le géant du VTC, qui va alors fêter ses cinq ans en France, lance une grande opération intitulée «70 000 entrepreneurs» visant à convaincre des jeunes défavorisés de commencer à travailler, en autoentreprise, pour la société.

Pandémie. Cinq ans plus tard, alors que le Consortium international des journalistes d’investigation sort une vaste enquête sur le lobbying et les manœuvres d’Uber, son modèle n’a pas changé. En France, la firme réalisait en 2020 un chiffre d’affaires de 76,5 millions d’euros en n’employant qu’environ 150 salariés. Sacrée performance pour une année marquée par la pandémie de Covid. Ceux qui la font rouler sont surtout les quelque 30 000 chauffeurs en activité sous statut d’autoentrepreneur. Dans une étude réalisée par Harris Interactive et publiée en novembre, la société estimait à 70 000 le nombre de chauffeurs ayant conduit pour elle en France. Son opération de communication de 2016 aura donc porté ses fruits…

A l’échelle mondiale, les chiffres sont encore plus faramineux. Dans ses résultats de février dernier, Uber totalisait 17,5 milliards de dollars de recettes sur l’année 2021. Et dégageait sur le seul quatrième trimestre un bénéfice net de 892 millions de dollars, ouvrant la voie vers une future rentabilité. Depuis sa création en 2009 à San Francisco, elle n’a jamais gagné d’argent sur une année complète. En outre, le Covid-19 a réorienté une partie de son activité puisque la livraison, dans laquelle elle s’est lancée en 2015 avec UberEats, pèse désormais plus lourd que les courses en VTC. «Uber sort renforcé de la pandémie», assure Dara Khosrowshahi, le PDG de l’entreprise, qui compterait 118 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde dont 5 millions en France (contre 14 000 en 2011 dans l’Hexagone).

Subordination. Toujours dans l’étude sur ses chauffeurs, Uber estime avoir eu «un impact positif» sur l’économie française. Son arrivée dans l’Hexagone aurait permis d’accroître les «dépenses liées à la consommation, aux sorties ainsi que le leasing de véhicules». L’entreprise se garde en revanche d’évoquer son impact social, étant visée depuis 2015 par une enquête de l’Urssaf pour «travail dissimulé», liée au statut d’indépendant des chauffeurs qui travaillent pour elle et ne profitent pas de la couverture sociale dont bénéficierait un salarié.

Dans de nombreux pays, les cours de justice somment les entreprises de VTC de requalifier leurs conducteurs en salariés. En France, la cour d’appel de Paris par exemple a prononcé plusieurs jugements reconnaissant l’existence d’un lien de subordination entre un chauffeur Uber qui demandait à être requalifié et la plateforme. En Californie, un procureur général a été jusqu’à estimer «bidon» les arguments de la firme.

Ceux-ci, qu’Uber réitère dans son enquête hexagonale, consistent à dire que les chauffeurs préfèrent rester indépendants pour pouvoir travailler aussi longtemps qu’ils le souhaitent. «80 % déclarent vouloir le rester», affirme l’étude, précisant que leur revenu net moyen était de 1 617 euros par mois pour 42 heures de travail par semaine en moyenne. Soit 200 euros de moins que le même temps de travail au smic horaire, sans compter la majoration des heures supplémentaires.

par  Arthur Quentin


     
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