UKRAINE : la démolition du code du travail par Kiev !
Une nouvelle preuve du caractère réactionnaire et pro-capital du régime de Kiev est faite!
Ce seul fait devrait alerter les syndicats français, la CGT et les retenir de suivre aveuglément, comme c'est le cas encore à l'heure actuelle, le récit de l'OTAN!
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Quatre mois après le début de l’invasion, l’économie ukrainienne est en ruine. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de procéder à une destruction méthodique du code du travail.
3 juillet 2022
L’homme est membre de l’ONG Mouvement social, une organisation basée à Kyiv (Kiev) qui assure des aides juridiques pour les travailleurs et travailleuses en lutte. « Nous sommes en guerre et nous comprenons que des mesures d’urgence doivent être prises pour maintenir l’économie à flot, mais l’exécutif est train de détruire le code du travail. Il profite de la situation pour faire passer des textes au Parlement sans débat ni consultation. »
Deux nouvelles lois sont particulièrement dénoncées par les organisations syndicales : la « réglementation des relations au travail pendant la loi martiale », votée le 15 mars dernier, et surtout le projet de loi 5371 « visant à simplifier la réglementation des relations de travail dans les petites et moyennes entreprises et à réduire les charges administratives ». Le texte a été validé en première lecture le 12 mai, et devrait prochainement repasser devant les député·es.
Depuis le début de l’offensive russe du 24 février, les travailleurs et travailleuses ukrainiennes subissent une immense pression. En effet, l’économie du pays est fortement ébranlée par la guerre, après l’annexion d’environ 20 % du territoire national, après les destructions partielles ou totales de grands centres industriels comme Kharkiv et Marioupol, et après le blocage des marchandises qui transitaient par les ports de la mer Noire, notamment les céréales.
Début avril dernier, la Banque mondiale estimait ainsi que le PIB ukrainien devrait se contracter de 45 % en 2022, et les prévisions se font chaque jour plus pessimistes, alors qu’aucune issue au conflit n’est pour l’heure envisageable.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), cinq millions d’emplois avaient déjà été perdus début mai, sur les 17,5 millions que comptait le pays à la fin de l’année 2021, alors que 6,5 millions de personnes ont quitté le territoire national depuis février et que plus de 7 millions se seraient déplacées à l’intérieur même de l’Ukraine. Au 8 juin, la Kyiv School of Economics, chargée par le gouvernement d’évaluer les dégâts financiers causés par les combats, estimait que « le montant total des préjudices directs causés à l’économie ukrainienne par les dommages et la destruction de bâtiments et d’infrastructures résidentiels et non résidentiels s’élevait à 103,9 milliards de dollars ».
Une loi sur le travail en temps de guerre
À ces destructions considérables viennent donc s’ajouter plusieurs textes achevant la déréglementation du marché du travail, notamment celui sur la réglementation des relations de travail. Il prévoit que les employeurs peuvent, entre autres, augmenter le temps de travail de 40 à 60 heures hebdomadaires durant le conflit. Les entreprises n’étant pas en mesure de fonctionner peuvent au contraire licencier leurs salarié·es dans un délai de dix jours.
Toutes les sociétés du pays ont également la possibilité de suspendre temporairement les contrats de travail de leurs personnels. Ceux-ci sont toujours formellement employés mais ne reçoivent plus leurs salaires, le paiement des arriérés devant, à la fin de la guerre, être assuré en vertu d’hypothétiques compensations versées par « l’État qui commet l’agression militaire », c’est-à-dire la Russie. Une mesure dont les conséquences sociales devraient être catastrophiques, alors que le programme des Nations unies pour le développement (Pnud) rappelle qu’un conflit prolongé pourrait faire basculer « plus de neuf Ukrainiens sur dix dans la pauvreté ou la quasi-pauvreté ».
« Nous avons accepté les dispositions de cette loi d’urgence, car pouvoir conserver son travail en temps de guerre est déjà une bonne chose », explique Vasyl Andreyev, responsable du Syndicat ukrainien des travailleurs de la construction et des matériaux de construction (PROFBUD), qui compte plus de 50 000 membres.
« Le problème de ces dispositions est que l’on ne sait selon quel critère un salarié doit continuer de toucher un salaire et quel autre doit s’en passer », nuance de son côté Veniamin Timochenko, président de l’Association des syndicats indépendants des travailleurs de l’aviation. « L’aéroport de Kyiv-Boryspil emploie 3 200 personnes en temps normal, mais tous les bâtiments sont fermés depuis le 24 février et sont protégés par l’armée. La direction ne précise pas quels sont les employés qui continuent d’être payés. Bien sûr, les syndicalistes ne reçoivent plus aucun salaire. »
La destruction du droit du travail
Le projet de loi a été adopté par le Parlement ukrainien sans être examiné ni discuté par les député·es, mais ses dispositions « peuvent être nécessaires pour des entreprises détruites par les combats ou situées sur la ligne de front, comme l’usine Azovstal à Marioupol, ou les brasseries de Lyssytchansk », reconnaît George Sandul, un avocat de l’ONG Initiatives syndicales, créée après la révolution de 2014 et qui organise des formations juridiques pour les syndicats et les travailleurs et travailleuses en lutte.
« Ce qui est en revanche dramatique, c’est que ce texte préfigure le projet de loi 5371, qui n’a pas vocation à être suspendu à la fin des combats, et qui achève de détruire le code du travail ukrainien, en profitant de l’interdiction des grèves et des manifestations durant la loi martiale. Ce texte n’est d’ailleurs pas conforme aux normes européennes que l’Ukraine va devoir respecter si elle souhaite intégrer l’Union. »
Ce projet de loi concerne les entreprises de moins de 250 salarié·es, qui emploient 70 % des travailleurs et travailleuses ukrainiennes. Il permet aux employeurs et aux employé·es de négocier directement des contrats sans être tenu·es de respecter le code du travail ukrainien.
En d’autres termes, toutes les règles sur les embauches et les licenciements, le montant des salaires et des indemnités, les horaires de travail et de repos, pourront être librement fixées, « par consentement mutuel des deux parties ».
« Avec ce nouveau texte, on va pouvoir littéralement inscrire tout et n’importe quoi sur les contrats des employés. Par exemple, des motifs farfelus de licenciement, ou même une semaine de travail de 100 heures, et tout cela à la tête du client, continue George Sandul. Mais comment un salarié pourrait-il négocier d’égal à égal avec son patron ? Comment imposer ses conditions à de richissimes oligarques comme Rinat Akhmetov ou Ihor Kolomoïsky, qui emploient des centaines de milliers de personnes ? »
« Nous sommes dans l’un des pays les plus corrompus d’Europe, et le droit du travail était l’une des dernières choses qui protégeaient les plus pauvres, souligne le syndicaliste. Dans un contexte de crise comme celui que nous traversons, cette loi transforme les travailleurs en esclaves. »
Selon le gouvernement, le projet de loi 5371 devrait simplement dynamiser l’économie ukrainienne et simplifier la réglementation du travail. Il assure que cette dernière est toujours régie par le Code soviétique de 1971, même si ce dernier a depuis été amendé plus de deux cents fois.
Pour ses promoteurs, ce texte devrait aussi faire revenir dans le secteur légal une bonne partie des trois millions de personnes qui travaillent au noir dans le pays.
Le président Zelensky avait dès son arrivée à la présidence en 2019 expliqué son souhait de « modifier le Code du travail en faveur du business », mais le projet de loi 5371, qui avait été initialement présenté en avril 2021, n’est finalement passé au vote des député·es que le 12 mai dernier.