Le courage du Donbass !
Ioulia est une native de la ville martyre d’Avdeyevka, elle est née dans le Donbass, ses origines sont de la région mais aussi de Russie, et elle se sent comme elle le dit depuis toujours Russe. Cette femme courageuse exerçait le métier d’urgentiste avant la guerre, d’un père professeur et d’une mère ingénieur, et bien qu’elle ne s’intéressait pas vraiment à la politique, avait compris de longue date que les deux révolutions du Maïdan étaient un danger diffus pour le Donbass, et tous les Russes ethniques d’Ukraine. Née durant l’Union soviétique, elle ne refusait pas l’idée de l’Ukraine et avant l’escalade des événements de l’hiver 2013-2014, exerçait un métier difficile demandant une grande force morale. C’est probablement ce qui lui a permis ensuite de trouver les ressources et l’énergie pour accomplir un parcours remarquable, celui d’une femme de conviction, d’intelligence mais aussi de plume. L’insurrection du Donbass l’a jeta bientôt corps et âme dans cette cause, d’abord modestement dans le service de presse de l’Université Nationale de Donetsk, puis véritablement comme auteur et reporter pour les plus grands médias de Russie, la Komsomolskaya Pravda, Roccia Cevodnia ou encre Sputnik. Depuis elle a fait du chemin et quel chemin ! Arpentant sans relâche le front du Donbass, elle s’est aussi épanouie dans la photographie, révélant un sens inné de l’image et nous livre aujourd’hui son histoire.
Dans l’Ukraine agitée de révolutions manipulées
Après avoir terminé des études brillantes, sa carrière d’urgentiste fut une vocation qui se confirma au fil du temps, malgré les terribles situations qu’elle vivait presque quotidiennement. C’est dans ce métier de contacts et au plus profond de la misère humaine qu’elle construisit sa vie, mariée, mère de famille et fortement engagée dans ce métier d’abnégation au service de la population. Elle raconte :
« Je suis quelqu’un qui aime les gens, c’était un métier très dur moralement, car j’étais amenée à me trouver en présence des pires situations de vie, drames des accidents de la route, des accidents domestiques, suicides, blessures d’une extrême gravité, cela m’a réellement forgée mais j’aimais ce métier. Je vivais une vie paisible dans la ville d’Avdeevka, dont je suis originaire, j’ai fondé une famille et mes proches et parents vivaient autour de moi. J’ai regardé le premier Maïdan, la Révolution Orange de 2004, avec beaucoup de suspicions. Dès l’arrivée du Président Ioutchenko, nous avons vu que les plus jeunes étaient la cible d’une propagande basse et mensongère. Nous avons vu arriver de nouveaux livres d’histoires, des brochures, des parutions où la Russie était déjà montrée comme une ennemie. C’était déjà la propagation de la russophobie dans tout le pays. Il était question de l’Holodomor, de Bandera, des « héros de l’UPA », tout était réécrit, révisé, transformé.
Les plus jeunes furent dès cette époque assiégés, tout cela venait en particulier du Canada et de la propagande de la diaspora ukrainienne de ce pays et des États-Unis. J’étais vraiment choquée, la division qui se profilait était si dangereuse, aussi en 2010, comme beaucoup j’ai voté pour Ianoukovitch, car il affirmait vouloir tendre la main à la Russie, et mettre fin à cette folie. Car pour moi, l’intégration à l’Union européenne ne voulait rien dire, dans l’Ouest peut-être, mais pour ma part je dois dire que je n’y ai jamais mis les pieds. Nous avions pas mal d’espoir à ce moment, et quand le second Maïdan a commencé à Kiev dans l’hiver 2013-2014, alors j’ai compris que nous allions vers quelque chose de plus mauvais encore. A la télévision on pouvait voir les pillages, les casseurs, les bandéristes, les policiers blessés et certains qui brûlaient comme des torches après les jets de cocktails Molotov, c’était terrible. Nous étions scandalisés et à la fin de février, quand tout fut consommé, j’ai compris comme beaucoup ici que nous devions réagir ».
Sous les obus et les roquettes de l’armée ukrainienne et des bataillons de représailles
Ioulia poursuit son récit sur le commencement des événements tragiques en Ukraine, le massacre d’Odessa fut un autre choc terrible (2 mai 2014), alors que tout l’Est du pays était dans une ébullition incroyable. Elle poursuit :
« Au départ j’ai cru assez naïvement que pour le Donbass, cela se passerait comme pour la Crimée. Nous étions tellement heureux de quitter l’Ukraine pour rejoindre la Russie ! Nous étions Russes depuis toujours. Je n’avais pas et je n’ai pas de haine contre les Ukrainiens, nous n’avons ici dans le Donbass pas lutté contre la culture ukrainienne, ou les symboles et monuments, comme vous avez pu le constater vous-même à votre arrivée en 2015. Nous étions si confiants, et je me suis engagée très vite dans l’organisation du référendum pour nous séparer de l’Ukraine et la création de la République populaire de Donetsk.
Je me trouvais première adjointe pour l’organisation et le bon déroulement du référendum, qui se tînt partout le 11 mai 2014. Nous pensions que peut-être il y aurait des provocations des ultranationalistes, notre service d’ordre n’était composé que de quelques garçons avec des bâtons, nous n’avions pas d’armes, et en réalité ce fut une vraie fête populaire. Vous auriez vu ce monde et cette joie ! Seule une grand-mère est venue tenter de crier son soutien au Maïdan et à l’Ukraine, tout le monde en fait était ravi, c’était incroyable. Jamais je n’aurais cru cependant ce qui allait se passer par la suite. Lorsque les Ukrainiens sont arrivés dans la région, nous savions déjà que cela se passait mal à Slaviansk et dans l’Ouest du Donbass, mais lorsqu’ils ont tiré sur la ville avec des canons et des lance-roquettes multiples Grad, je ne pouvais en croire mes yeux. J’ai vraiment cru que dans toute l’Ukraine la population réagirait fortement, protesterait, mais je n’ai pas pris la mesure des répressions qui se profilaient. Les gens étaient là, dans l’incompréhension, nous nous affairions dans les rues comme à l’ordinaire, c’était surréaliste.
Et puis nous avons entendu les premiers combats pour l’aéroport, moi-même j’étais sur le point de partir me reposer sur les rives de la Mer d’Azov avec ma famille, ma dernière fille n’avait que 4 ans. Nous étions en juillet, il faisait très chaud et les bombardements furent terribles. Nous avons vécu plusieurs jours dans une grande cave, il y avait plus de 90 personnes, des enfants, des personnes âgées et même une femme enceinte jusqu’au cou. Elle respirait difficilement et souffrait de la chaleur, sans parler du stress des obus qui s’abattaient partout. Nous n’avions rien, les conditions étaient terribles, notamment pour faire ses besoins, vous imaginez cette foule apeurée dans l’angoisse… A la première occasion nous avons pu partir, et nous nous sommes rendus comme prévu en vacances sur les bords la Mer Azov. Je n’ai jamais pensé que les Ukrainiens pourraient nous vaincre, nos garçons n’auraient pas laissé faire, et ce fut le cas, mais la situation était terrible, aussi nous sommes restés relativement à l’abri dans notre lieu de vacances jusqu’en septembre, et puis nous avons du revenir, jamais je n’avais eu l’intention de fuir et de quitter mon pays.
Le front était perméable, nous sommes rentrés quelques jours à Avdeyevka, les bataillons de représailles étaient là, j’avais conscience du danger et nous avons évité tout contact avec eux, et puis j’ai eu une proposition d’entrer au service de presse de l’Université Nationale de Donetsk, alors nous sommes partis nous avons déménagé, et ma vie a totalement changé, la ville était magnifique, il y avait les drapeaux de la RPD, c’était admirable. Mais j’ai laissé mes parents côté ukrainien, ils sont divorcés, j’ai pu revoir ma mère à plusieurs reprises, mais voilà 8 ans maintenant que je n’ai pas pu revoir mon père, c’est une grande douleur, j’espère que cela sera bientôt fini. Ils sont pas loin d’Avdeyevka, à la campagne, j’espère qu’ils seront bientôt libérés, car je peux vous dire que tout le monde dans la région attend d’être libéré ! ».
Au service de la vérité et des populations civiles du Donbass
Après cet épisode terrible, Ioulia intégra donc l’Université Nationale, et travailla consciencieusement jusqu’en 2016 à ce poste. Témoin privilégié, elle eut bientôt l’envie d’écrire cette vérité, ayant de toute façon déjà le goût de l’écriture, de la poésie. C’est ainsi qu’elle commença à écrire pour la Komsomolskaya Pravda et fut propulsée sur le front de l’information. Elle continue :
« J’ai commencé à écrire en racontant la vie des gens du Donbass, pour moi c’était le plus important, montrer notre peuple, montrer les petites gens, les oubliés, les simples, pour expliquer ce qui se passait derrière la ligne de front, nos réalisations, nos succès, nos souffrances aussi. Très vite j’ai aussi travaillé sur le front de l’humanitaire, accompagnant diverses personnalités dans tout le Donbass, sur le front, dans les villages, les écoles, au contact de tous en fait. Et j’ai continué jusqu’à ce jour avec foi et convictions. Dans les moments difficiles qui défilèrent durant toutes ces années, je pensais pour ma part que la Russie avait fait une erreur de ne pas lancer une opération dès 2014.
Pour moi les accords de Minsk n’étaient pas bons, mais peut-être que la Russie avait besoin de temps pour se préparer. Ce fut long cette attente, nous avons pensé un court moment que l’élection du Président Zelensky changerait quelque chose en 2019. C’était au contraire de Porochenko un homme éduqué, de langue russe maternelle, ayant étudié à Moscou, et l’espace d’un instant nous avons cru que cela changerait la donne. Mais rien n’a changé, et je pense même qu’il est bien pire, à ce que l’on voit maintenant, il est clair que c’est juste une marionnette. Je n’attendais même plus l’intervention de la Fédération de Russie, aussi quand elle est arrivée, je peux vous dire que nous étions tous dans une joie extrême. Quel bonheur ! Pour moi il serait bien que nous puissions libérer toute la Nouvelle Russie, le Donbass, Kharkov, Odessa, Zaporojie, Dniepropetrovsk et même Kiev. Contrairement à ce que l’on peut penser beaucoup de gens nous attendent là-bas, j’ai des amis qui sont dans cette attente. Mais je sais que cela sera long, pour moi pas moins de deux années. L’après guerre sera difficile, dans les régions libérées, il y aura assurément des bandéristes qui continueront longtemps des actions terroristes. Mais je n’ai pas de haine vous savez contre les Ukrainiens, ils sont manipulés, surtout les plus jeunes, ils ne comprennent pas ce qu’ils font, disent et pensent.
Des zombies, et notre devoir sera de tenter de les réinformer, d’agir puissamment à l’école pour que les enfants ne soient plus contaminés par cette idéologie de mort. Je ne comprends pas ces gens en Ukraine qui ahanent la haine des Russes, de la Russie, toute cette violence et ces crimes. C’est effarant. Le reste de l’Ukraine deviendra ce qu’elle pourra, Pologne, Union européenne, ce ne sera plus notre affaire, mais je pense que nous ne devrons pas aller plus loin que la Nouvelle Russie. Là bas ce sont d’autres gens et le cœur et centre meurtriers de toute cette folie. Je n’attends rien non plus des Européens, ils ont montré tout le mal qu’ils nous veulent, les gouvernements fournissant tellement d’armes et d’argent à l’armée ukrainienne, il n’y a rien à attendre de ce côté là. A la paix nous reconstruirons notre pays, je pense que la Russie investira massivement dans la région, pour en faire aussi un symbole, comme ce fut le cas à Grozny par exemple. Je ne souhaite pas la survivance des deux républiques, à mon avis l’intégration totale dans la Fédération de Russie sera préférable, c’est mon espoir. Les deux républiques n’avaient de justification que dans la lutte pour la liberté, quoi qu’il en soit je voterais encore une fois lors du prochain référendum et ce sera pour la Russie ! ».
Je raccompagne un bout de chemin Ioulia, qui me promet de m’emmener au contact d’autres gens du Donbass, de Donetsk. Avant que nos chemins se séparent, elle me conduisit sur la rue Artiom, dans le cinéma… Tarass Chevtchenko, le plus grand poète et écrivain ukrainien. Dans le Donbass les gens n’ont pas lutté ni contre la culture ukrainienne, ni contre la littérature, la musique, l’histoire ou quoi que ce soit qui est rattachée à l’Ukraine. Ils ont combattu pour leur liberté, simplement leur liberté.
Et cela fait toute la différence, un tel peuple n’aurait jamais pu être vaincu par l’Ukraine. Une Ukraine qui s’est déshonorée de longue date, une Ukraine qui en réalité s’est suicidée et qui dès le mois de novembre 2013 avait perdu cette guerre. On ne peut vaincre un peuple dans son bon droit et agressé.
Les Américains se sont cassés les dents sur le peuple vietnamien au siècle dernier, et le gouvernement français aurait du se souvenir du plus grand stratège de tous les temps, Napoléon. Ce dernier lança son armée sur les peuples espagnols et portugais et ceux-ci résistèrent de toutes leurs forces, faisant de la péninsule, l’un des tombeaux de la Grande Armée. Ioulia, digne représentante du peuple du Donbass peut s’enorgueillir d’avoir participé à sa manière, à une victoire, qui sera aussi l’une des défaites les plus cuisantes des Anglo-saxons et des Occidentaux, qui sera bientôt inscrite dans tous les livres d’histoire.