À Pau dans les Pyrénées-Atlantiques, la coupe est pleine pour les 350 salariés du réseau de transports en commun. La CGT de la Stap a listé leurs griefs : « Dégradation des conditions de travail », « amplification du manque d’attractivité pour le métier de conducteur », « très grande difficulté à maintenir un effectif suffisant à la hauteur du service public »… Le syndicat vient donc de lancer un préavis de grève à compter du jeudi 1er septembre.
Des métiers dépréciés
Deux jours plus tard, leurs homologues de l’agglomération de Lille (Nord) devraient entrer à leur tour dans la lutte, à l’appel de la CGT, de la CFDT et de la CFTC. Eux aussi souffrent des mêmes maux : salaires faibles, conditions de travail détériorées, sous-effectif chronique.
À Nantes (Loire-Atlantique), la CGT, SUD et FO ont émis une alerte sociale, coup de semonce avant une mobilisation d’ampleur des travailleurs de la Semitan, si la direction de cette société d’exploitation du réseau de transports publics ne propose pas du consistant lors de la négociation de ce lundi sur les niveaux de salaires, les conditions de travail et sa désorganisation, les effectifs…
Les transports scolaires ne sont pas seuls dans la panade. Derrière l’expression valise de « pénurie de personnel », c’est l’ensemble des transports publics qui est en train de craquer. « Voilà des années que le métier de conducteur est déprécié. Auparavant, travailler tous les jours de la semaine et en horaires décalés était valorisé car il y avait des compensations : salaires, primes, accès à des logements réservés… Tout cela est fini et de moins en moins de personnes sont prêtes à travailler dans ces conditions », décrit Ronan Gilbert.
Pour le secrétaire de la CGT Semitan, l’explication tient en trois mots : mise en concurrence. « Les renégociations régulières des délégations de service public des transports en commun ont eu pour effet de comprimer les rémunérations, la masse salariale étant l’élément le plus simple à toucher pour faire des offres toujours moins chères aux collectivités. »
Une pénurie de chauffeurs
Les sociétés gagnantes de ces appels d’offres ont le chic pour trouver des économies chocs. À Pau, un système de double grille salariale fait que les nouveaux conducteurs sont moins payés que ceux déjà présents.
À Lille, c’est la parodie de négociation annuelle sur les salaires de juin et le petit + 2,25 % d’augmentation collective qui soulèvent la colère, d’autant que le contrat qui lie Keolis à l’autorité organisatrice des mobilités assure une subvention forfaitaire à l’exploitation qui tient compte de l’inflation (actuellement à 7 %).
« La direction n’a même pas à puiser dans ses fonds propres pour que nos salaires ne soient plus diminués par le coût de la vie ! s’indigne Mohamed Farhi, de la CGT Ilévia, société exploitante du réseau, propriété de Keolis. Cet argent public devrait revenir aux salariés. Ce que fait Keolis est immoral. Les décideurs politiques ne peuvent plus fermer les yeux sur la politique sociale de l’entreprise, qui a pour conséquence un taux d’absentéisme de 18 %. »
Certaines sociétés de transport public ont élevé la pause de rustines au rang d’art. À Nantes, la Semitan récupère deux lignes qu’un sous-traitant ne peut plus tenir, puisqu’il a transféré ses chauffeurs pour renforcer l’offre de transport scolaire.
À Bordeaux (Gironde), Keolis diminue la cadence des tramways et bus de la TBM pour masquer la pénurie de chauffeurs. Et certaines sociétés sont passées maîtres dans l’emploi d’intérimaires en cas de lutte sociale.