La recolonisation de Gaza, projet messianique d’une partie du gouvernement israélien

Publié le par FSC

REPRIS de : https://assawra.blogspot.com/2024/01/la-recolonisation-de-gaza-projet.html

SOURCE : Par Louis Imbert
Le Monde du 29 janvier 2024

Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité nationale israélien, à la conférence appelant à la réinstallation des colonies juives à Gaza, à Jérusalem, le 28 janvier 2024. LUCIEN LUNG/RIVA PRESS POUR « LE MONDE »

Onze ministres du gouvernement de Benyamin Nétanyahou ont participé, dimanche, à un rassemblement de plusieurs milliers de personnes, prônant le « transfert » des Palestiniens hors de la bande de Gaza.
Jamais depuis les attaques du Hamas, le 7 octobre, un évènement si festif, si ostensiblement joyeux n’avait eu lieu en Israël. Des familles nombreuses, des étudiants d’écoles religieuses et d’académies de préparation au service militaire se pressent, dimanche 28 janvier, dans un hall de conférence du quartier des ministères de Jérusalem. Dans une ferveur toute messianique, l’extrême droite religieuse a rassemblé plusieurs milliers de personnes pour demander la recolonisation de l’enclave palestinienne de Gaza, à la faveur d’une guerre qu’ils vivent comme le fruit de la volonté divine.
Des portraits de fondateurs laïques de l’Etat juif sont suspendus dans le hall, censés rappeler qu’il n’y a pas de différence entre les kibboutz socialistes des origines et les colonies qui se créent encore en Cisjordanie occupée, discrètement, à la faveur de la guerre. De jeunes filles distribuent des vues en trois dimensions des futures potentielles implantations à Gaza, sous une immense carte de l’enclave. Y figurent les anciennes colonies du Goush Katif, qui comptaient, jusqu’à leur évacuation en 2005, 5 600 habitants, et une nouvelle, que les organisateurs imaginent en lieu et place de la ville de Gaza, métropole palestinienne d’un million d’habitants, aujourd’hui largement détruite.
Cette réunion est l’œuvre d’un chef de collectivités locales en Cisjordanie occupée, Yossi Dagan, et de l’organisation Nahala de Daniella Weiss, pasionaria des colons, dont le « Bloc de la foi » bâtit les premières implantations après la guerre du Kippour de 1973. Cette dernière assure que « les Palestiniens ont perdu le droit de vivre à Gaza » le 7 octobre, et souhaite un nettoyage ethnique de l’enclave.
Mme Weiss s’active dans le hall auprès d’un fils du rabbin Levinger, feu son maître à penser. Elle salue Avi Farhan, ancien paysan à Gaza, au visage buriné de soleil, qui incarna la peine des colons évacués en 2005, sur les plateaux de télévision. Uzi Sharbag, le premier orateur, sur scène, fut membre dans les années 1980 de la Résistance juive, qui planifiait la destruction du Dôme du rocher sur l’esplanade des mosquées, à Jérusalem.

Influence des fondamentalistes
Cette soirée témoigne de l’influence de ces fondamentalistes au sein de la droite au pouvoir. En tout, 11 ministres et 15 parlementaires sont présents, dont la plupart des représentants de l’extrême droite religieuse au gouvernement, et sept ministres et élus du Likoud de Benyamin Nétanyahou, parti déboussolé, qui assume sa porosité à l’idéologie suprémaciste. Plusieurs ont affirmé la nécessité d’un « transfert » des Palestiniens hors de Gaza, sous la contrainte.
Leur guerre n’est pas celle que vivent la plupart des Israéliens. Sur scène, le sort de la centaine d’otages encore en vie (et au moins 30 morts) détenus par les factions palestiniennes à Gaza y a peu droit de cité, tout comme un éventuel accord avec le Hamas afin de les libérer. Nulle crainte ici d’un enlisement de l’armée. Bezalel Smotrich, ministre des finances et ministre de tutelle de la Cisjordanie au sein de la défense, exalte la mémoire des quelque 220 soldats tombés à Gaza, notamment ceux issus du sionisme religieux, très investis dans les unités de combat, qui paient un lourd tribut.


Les applaudissements les plus nourris accompagnent les projections de vidéos tournées par des soldats eux-mêmes dans Gaza, affirmant qu’« il n’y a pas de civils innocents » et promettant la reconquête de l’enclave. Certaines de ces images ont été projetées début janvier dans la salle d’audience de la Cour internationale de justice de La Haye, par les avocats de l’Afrique du Sud à l’appui de leur plaidoirie, accusant Israël de commettre un génocide à Gaza.


Dans la journée de dimanche, M. Nétanyahou avait affirmé que les élus et ministres participant à cette rencontre avaient « droit à leurs opinions. » Dès novembre, le premier ministre avait jugé le projet des colons « irréaliste » et repoussé toute discussion sur le « jour d’après » la guerre lors d’un conseil de sécurité. Sa coalition s’accorde sur la nécessité de préserver une emprise maximale de l’armée israélienne à Gaza, et s’oppose à ce qu’elle soit administrée par une entité politique palestinienne autonome, quelle qu’elle soit

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