Certes un pacte antifasciste est nécessaire ... en s'écartant enfin des tambouilles électorales de circonstances auxquelles notre peuple ne croit pas

Publié le par FSC

Histoire et société

Nous, qui malgré le calvaire que fut cette campagne, avons voté “gauche unie” nous pouvons nous féliciter d’être restés communistes, que faire maintenant ? par Danielle Bleitrach
 

 

D’abord bien mesurer la situation et ce qu’exige le combat contre ce raz de marée de l’extrême-droite avec ce nouveau coup d’éclat d’un président capricieux qui nous lance dans le chaos d’élections législatives. Une initiative qui dit la légèreté criminelle de ce pouvoir dans un pays tourneboulé – avec le grotesque de Jeux Olympiques qui se produisent déjà dans un contexte d’insécurité et de désordre caricaturaux, Macron et les siens donnent le spectacle de la provocation de la politique comme la garden party des nantis contre un peuple déboussolé et malheureux. Il y a d’un côté ceux qui s’attribuent tous les droits, ceux qui sont leur propre spectacle et les autres à qui on impose ces foucades. Et on revient à ce qui s’est passé ce 6 juin, à cette parodie comment ne pas voir que cette élection et cette dissolution relèvent de la même logique.. Ne pas se contenter de ce diagnostic mais n’analyser nos erreurs que comme un moyen de lutte et de résistance contre le fascisme et la guerre, son visage actuel, celui de toujours, celui d’une classe impérialiste qui conçoit la démocratie comme le caprice sans limite des exploiteurs sur les exploités et mobilise pour cela tous les conservatismes, les haines raciales… Un ventre toujours fécond…

 

Certes ce n’est pas la seule dimension de ce terrible résultat qui nous mène au triomphe de l’extrême-droite avec le clou de la folie macronienne la dissolution de l’Assemblée Nationale mais la question de la paix a pesé lourdement. La guerre est le vol de nos vies et celle de nos enfants, le vol par la mort mais aussi par les sommes folles consacrées à la mort alors même que l’on prétend nous appauvrir chaque jour davantage, ce sont les mêmes qui en souffrent et qui en meurent. Ce 6 juin a été décidé l’engagement dans la guerre et l’Assemblée Nationale française a été invitée à applaudir ce choix de la guerre sans que jamais ne soit sollicitée son opinion, l’Assemblée est devenue la grande muette… sa dissolution est dans la logique puisque le peuple a déplu aux maitres du monde, il faut changer le peuple.. ou du moins ses représentants impuissants. Le seul qui a timidement noté le viol de la démocratie que représentait ce discours mensonger de Zelensky a été Deffontaines dont la voix a été couverte par la présence et les applaudissements des rares députés et de l’autofélicitation sur la célébration de ce débarquement.

Pourtant même à ce niveau d’inconséquence, malgré cette juste volonté de reconquête des couches populaires à partir de leurs difficultés (devenue un peu tard le cri unanime d’une gauche qui les a divisés, a joué le clientélisme, le mépris même) nous n’avons pas su aller jusqu’au bout. Notre candidat a payé ce qui a été créé depuis des décennies en France, ce consensus atlantiste qui a culminé ce 6 juin. Ce jeune homme a hérité d’une situation qui depuis trente ans au minimum a détruit le parti communiste et la gauche. L’absence de formation, l’aliénation au plan international sur les Védrine, ce qui a été imposé au PCF et ce jeune homme a injustement payé pour ces années d’abandon, de liquidation. Mais nous avons aussi à mesurer l’incohérence de certaines alliances, d’une position qui prétendait défendre la paix en montrant une véritable haine pour la Russie, voire la Chine dont il n’était question que pour dénoncer la fabrication des casquettes. Il a été impossible dans un tel contexte de faire fructifier le nouveau. Soyons clairs, le résultat de la liste “gauche unie” non seulement ne m’a pas déçue mais je craignais pire parce que sur ce qui devenait l’essentiel le parti était profondément divisé et que quand il y a plusieurs lignes on perd de partout à la fois. Mais ce qui est un handicap électoral peut aussi devenir une richesse, une accélération de la prise de conscience.

Ne nous frappons pas la coulpe inutilement, il n’y a pas eu une seule force politique plus lucide que nous dans ce domaine au contraire, c’est toute la gauche qui depuis des années y compris l’ère Mitterrand a accompli une telle dérive et a fait du Front National devenu rassemblement un repoussoir mais aussi un éclaireur. Haïe par ceux qui étaient eux-même chaque jour plus méprisants, caricaturaux, l’extrême-droite est apparue comme la seule opposition, comme l’a dit très justement Deffontaines, elle a trafiqué l’espérance d’une alternative sociale tout en jouant sans état d’âme le capital et le patronat. Mais elle a pu le faire parce que dans la question de la paix et de la guerre elle est apparue comme la plus cohérente. Ce consensus atlantiste était difficile à remonter dans une campagne électorale où on utilise le terrain mais on le refait avec difficulté, la résistible ascension de l’extrême-droite ne date pas d’aujourd’hui, les vannes ont été ouvertes d’abord dans l’UE avec la monstrueuse équivalence communisme-fascisme, Staline-Mao-Hitler…

Nous n’avons pas su nous unir pour affronter ce négationnisme, reconquérir le parti communiste, nous n’avons su que nous diviser, nous donner bonne conscience dans ces divisions et ces abandons, mais la réalité du fascisme, de la guerre nous a rattrapés et nos silences, nos ambiguïtés ont été une note plus lourde que pour quiconque… La grossière caricature de “l’adversaire” a de moins en moins convaincu face à la réalité de l’inflation, de la note de nos paysans, du coût de la guerre et des mensonges évidents.

Résultat, le Rassemblement National et même l’immonde reconquête étaient selon Macron les marionnettes de Poutine, ça a été son seul argument face à ceux dont il ne craignait pas d’adopter les errances en matière d’immigration, dans ce domaine d’ailleurs comme prévu il a été talonné par le trafiquant d’armes qu’est Glucksmann. Ce qui va peser sur le “pacte” antifasciste c’est ce qu’est ce retour de la gauche de Hollande, ceux qui ont en alternance avec la droite de Sarkozy nourri ce fascisme. Préserver nos élus et faire la clarté devient de plus en plus la quadrature du cercle mais il y a aussi quelque chose qui est né partout et qu’il faut considérer comme notre bien le plus précieux, pour ceux qui ont repris pied.

Il faut comprendre la stratégie du capital qui ne met pas tous ces œufs dans le même panier, d’un côté il soutient partout le fascisme et contribue à sa respectabilité par sa puissance médiatique mais de l’autre il a aussi son alternative sur le mode “démocrate” avec déjà le nouveau Macron qu’est Glucksmann qui a dit clairement son projet : s’allier avec les verts mode Cohn bendit, ceux de l’Allemagne avec une vision totalement belliciste anticommuniste qui prendra la suite de Macron, celle de ces festivités avec Biden qui se parent de l’antifascisme pour mieux reprendre à leur compte l’opération de la ruée vers l’est et au-delà contre la Chine. L’état réel de notre monde politique ne peut pas être ignoré et il est atterrant.

Étrange situation où la défense de la paix, la sécurité par excellence a été assumée par l’extrême droite tandis que la gauche se reconnaissait dans cette caricature du 6 juin et osait envoyer des représentants applaudir celui qui avait vendu son pays, l’individu le plus corrompu pour engager notre pays dans la guerre, nous étions un certain nombre à le percevoir il faut partir de là.

De ce point de vue que dire sinon que je me félicite malgré le calvaire qu’a été cette campagne derrière l’immonde Zelensky et les forfaitures du 6 juin derrière Biden, d’avoir voté pour la liste “gauche unie” – comme ont été niés ceux qui n’ont cessé de supplier les porteurs de cocarde, les liquidateurs de toujours d’arrêter leurs atlantisme, nous avons su garder raison et nous abstenir ou voter pour des listes de diversion,- ceux qui ont agi comme nous et qui ont su voir les potentialités de ce PCF issu du 38e congrès, de ce qui représente son projet de retour aux couches populaires comme le montre un score qui malgré un vote plus massif ne perd pas pied par rapport à celui de Iann Brossat et Fabien Roussel reste dans les mêmes eaux. devient le slogan de tous ceux qui à gauche ont fait exactement le contraire.

Sur qui peut-on aujourd’hui compter pour faire barrage au fascisme ? Nous avons publié ici deux textes l’appel de Landini et celui de Ziouganov, il faut partir de là et pas de ravaudages auxquels personne ne croira. Fabien Roussel a parlé d’un pacte pour la gauche oui mais quel contenu sinon celui qui met à jour le rôle du capital, des marchands d’armes et des marchés financiers dans ce retour de la bête immonde. Oui le 6 juin et le choix de reconstituer de fait les objectifs du nazisme tout en feignant de célébrer la victoire sur celui-ci rappelle ce que faisaient les nazis quand ils tentaient de récupérer le V de la victoire en le parodiant comme ils avaient parodié le socialisme. Oui nous avons besoin d’un pacte mais celui-ci a besoin de désigner clairement les enjeux, les ennemis réels et les véritables alliés. Pour cela nous avons besoin dans le calme et la réflexion, sans procès, d’ouvrir enfin entre nous un débat qui devra assumer mais aussi dépasser les échéances électorales que le pouvoir multiplie pour achever de nous leurrer.

Nous avons souffert de l’incapacité à percevoir le contexte géopolitique mais nous n’avons pas trahi et nous qui tout en dénonçant l’alignement sur l’OTAN, nous avons choisi de voter pour cette renaissance du parti communiste, nous sommes plus nombreux que ce que l’on croit mais nous sommes isolés, combattus parfois par des directions fédérales et nationales, nous ne portons aucune responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui. Ou notre direction nationale est capable de s’ouvrir à ce débat nécessaire, ou il faut l’imposer, il faut continuer dans un temps où tout est perdu à commencer par l’honneur de notre histoire.

Nous allons vivre de terribles moments et la malheureuse France aura besoin de ce que représente un parti communiste. Allons-nous avoir la force d’enfin nous écouter sans procès, sans chercher des responsables en considérant que ce qui importe dépasse les règlements de compte mais nécessite que s’arrête ce qui se pratique depuis plus de trente ans ces mises à l’index, cette censure systématique qui ne fait que reproduire ce qui se pratique en France et qui nous conduit au désastre global de cette situation où un petit joueur clôture sa mégalomanie belliciste, son mépris du peuple, par un “coup”, celui d’une dissolution capricieuse qui livre le pays comme a pu le faire Hindenburg à ceux qui frisent la majorité mais ne l’atteignent pas…

Sommes-nous toujours les communistes ? ou n’avons-nous plus que les ruses de l’électoralisme ? Sommes-nous capables de nous parler, de nous entendre, d’enfin construire au lieu d’exclure ?

Oui un pacte antifasciste est nécessaire mais le peuple français ne croira jamais à des unions de circonstances il faut que nous allions au fond sans tabou, avec la volonté de réussir en allant au fond de nos atouts et des obstacles face à l’adversaire, nous avons tous notre part de responsabilité et il faut les assumer pour enfin construire la seule force capable hier comme aujourd’hui de lutter contre le fascisme.

Je dis “nous” alors que c’est de “vous”, ceux qui êtes réellement par votre âge, votre engagement en situation d’agir dont tout dépend. Nous qui sommes en train de disparaître il nous reste le seul contentement de n’avoir jamais trahi même si nous avons dû sans doute faire beaucoup d’erreurs pour que la situation soit ce qu’elle est mais nous savons qu’il est impossible d’abandonner et vous ne le pouvez pas plus que nous…

UN DERNIER MOT ET NON DES MOINDRES. L’histoire ne se répète jamais, la première fois c’est une tragédie et la deuxième une comédie, cela se vérifie aujourd’hui.

Il y a une chose qui risque de nous duper dans notre soif d’analogies historiques : nous ne somme pas en 1938, ni en mai 68 ou en 1991, nous sommes en 2024, avec un impérialisme occidental entré en crise profonde… Et s’exclamer “plutôt Hitler que le Front populaire!” risque d’être un raccourci illusoire parce que la vérité est que cette “célébration” de cette bande de pitres le 6 juin que nous analysons par ailleurs est à l’image du “sommet de Genève” ou encore des élections futures aux USA, une comédie grotesque de l’impuissance qui tente de rejouer l’immense tragédie des guerres impérialistes mais dans un monde où ils n’ont déjà plus le pouvoir… C’est de cette situation dont il faut partir et pas de rejouer un scénario dans lequel les protagonistes n’arrivent même plus à tenir leur rôle.

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