GAZA et plan de paix : les pirouettes électorales de Biden
Pierre Barbancey
L'Humanité du 03 juin 2024
Derrière les récentes propositions du président des États-Unis et son plan en trois phases pour arriver à un cessez-le-feu, se cache en réalité une volonté de sortir du dilemme où il se trouve depuis plusieurs mois entre son empathie sioniste et ses électeurs pro-Palestiniens.
Cinq jours après l’intervention surprise de Joe Biden avançant de nouvelles propositions pour arrêter la guerre menée à Gaza, de nombreuses questions demeurent. Le président américain a présenté ce plan comme émanant de la partie israélienne. Pourquoi alors est-ce lui qui l’a rendu public et non pas le premier ministre israélien ?
Une prime aux bombardements
Tous les médias se perdent en conjectures. Certains assurent que c’était une proposition secrète israélienne, d’autres affirment que les États-Unis ont poussé à la roue pour mettre le gouvernement de Tel-Aviv devant le fait accompli et provoquer ainsi une fissure au sein de la coalition dirigée par Netanyahou. Ce qui est certain, c’est que, quelques heures après le discours à la Maison-Blanche, ce même Netanyahou a reçu une invitation officielle des partis démocrate et républicain à prononcer un discours devant le Congrès. Une prime aux bombardements.
Une tentative de faire exploser la coalition gouvernementale israélienne ?
Ce plan comprend trois phases pour un cessez-le-feu à Gaza en échange de la libération des otages israéliens. « Il est temps que cette guerre prenne fin et que le jour d’après commence », a expliqué le président américain en insistant sur le fait que « le Hamas n’a plus les capacités de conduire une attaque comme celle du 7 octobre ». Il a également rappelé à la population israélienne que le conflit épuise les « ressources économiques, militaires et humaines d’Israël et renforce (son) isolement dans le monde ». De quoi gagner les opposants à ses propositions.
Le Hamas, de son côté, a immédiatement fait savoir que « si l’occupation met fin à sa guerre et à son agression contre notre peuple à Gaza, nous sommes (sommes) prêts à parvenir à un accord complet qui comprend un accord d’échange global ». Or, Joe Biden, à aucun moment, n’a évoqué la moindre pression à exercer sur Israël. Ce qui laisse à penser que l’intention de Biden est sans doute autre.
Le président des États-Unis, sioniste autoproclamé, est divisé entre son amour inconditionnel pour Israël et l’élection de la mi-novembre. Son positionnement, critiqué par de nombreux jeunes Américains – qui le surnomment « Genocide Joe » dans les manifestations –, pourrait le mettre en péril. Il cherche donc une porte de sortie. Son plan apparaît davantage comme un moyen de faire exploser la coalition gouvernementale israélienne.
Biden mise sur Benny Gantz
L’extrême droite de Smotrich et Ben-Gvir ne veut pas entendre parler d’un arrêt de la guerre et veut réoccuper la bande de Gaza. Pour Washington, il convient donc de miser sur Benny Gantz, un des chefs de l’opposition, du parti de l’Union nationale, qui participe au cabinet de guerre. Il a déjà dit qu’il démissionnerait le 8 juin si aucun plan stratégique n’est mis en place et son parti a déposé un projet de loi pour dissoudre le gouvernement et tenir des élections anticipées avant le mois d’octobre.
Netanyahou accepte ce plan – qui ne serait donc pas de lui ! – du bout des lèvres. Il a répété que la destruction totale du Hamas restait le but, avec la libération des Israéliens capturés. Ce que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a, contre toute attente, traduit comme une volonté d’Israël de conclure l’accord et, dans une menace à peine voilée, a fait savoir que le Hamas devait faire de même « sans délai ».
Surtout, le département d’État a souligné que « la proposition ferait progresser les intérêts sécuritaires à long terme d’Israël, y compris en permettant la possibilité d’une intégration plus poussée dans la région ». Une façon de remettre sur les rails le processus de normalisation avec l’Arabie saoudite, interrompu le 7 octobre.