Karim Khan, le procureur de la CPI, exhorte les juges à statuer d’urgence sur les mandats d’arrêt requis contre Nétanyahou et Sinouar

Publié le par FSC

Par Stéphanie Maupas
Le Monde du 25 août 2024

 

       Le procureur de la CPI, Karim Khan, s’exprime au palais législatif fédéral de Caracas, au Venezuela, le 22 avril 2024. LEONARDO FERNANDEZ VILORIA / REUTERS

« Tout retard injustifié dans ces procédures porte atteinte aux droits des victimes », estime le procureur de la Cour pénale internationale, qui réclame des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son ministre de la défense, Yoav Gallant, et le chef du Hamas, Yahya Sinouar.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a exhorté, vendredi 23 août dans la soirée, les juges de cette institution à statuer « avec la plus grande urgence » sur ses demandes de mandats d’arrêt déposées le 20 mai et visant le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son ministre de la défense, Yoav Gallant, et trois responsables du Hamas, dont son chef, Yahya Sinouar. « Tout retard injustifié dans ces procédures porte atteinte aux droits des victimes », écrit Karim Khan dans un mémoire déposé trois jours avant la date limite qui lui était impartie.


Le procureur y rappelle que l’examen de mandats d’arrêt est habituellement un tête-à-tête exclusif entre les juges et le procureur. Or, le 10 juin, le Royaume-Uni − qui s’oppose aux mandats d’arrêt requis contre les responsables israéliens, arguant que l’accord Oslo II (1995) rendrait la Cour juridiquement incompétente − a proposé d’intervenir en qualité d’amicus curiae (« ami de la cour ») pour apporter son expertise aux magistrats. Le nouveau gouvernement du travailliste Keir Starmer a décidé fin juillet d’y renoncer mais, entre-temps, les juges ont accepté et ouvert la procédure à d’autres, sans aucune sélection.


Plus d’une soixantaine de mémoires émanant de professeurs, d’avocats, d’Etats, de think tanks et d’individus pas toujours très experts ont été alors adressés aux juges. Puis les avocats de victimes israéliennes et palestiniennes ont été invités à leur tour à participer.


Dans une réplique claire et sans détour, le procureur a d’abord replacé la dernière guerre opposant Israël au Hamas dans le contexte plus large de l’occupation israélienne du territoire palestinien depuis 1967. « La présence continue d’Israël dans le territoire palestinien occupé est illégale », écrit Karim Khan, qui s’appuie sur l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice, la plus haute cour de l’ONU, le 19 juillet. « Israël a établi, maintenu et étendu ses colonies en violation du droit international », ajoute-t-il, rappelant que l’annexion de portions de territoires entrave le droit à l’autodétermination des Palestiniens.

Un rôle de prévention


Outre l’argument avancé par les Britanniques, les alliés de l’Etat hébreu dans cette procédure – Allemagne et Etats-Unis en première ligne – ont estimé qu’Israël peut juger à domicile. La Cour n’intervenant qu’en dernier recours, si un Etat ne peut ou ne veut pas engager de poursuites, elle n’aurait dès lors qu’à se désister. Dans cette optique, ils ont reproché au procureur de ne pas avoir formellement notifié à Israël l’ouverture d’une enquête.


Le procureur rappelle que l’enquête est ouverte depuis mars 2021. A l’époque, Israël avait bien été notifié. Karim Khan explique que l’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas dans le sud d’Israël et les représailles de l’Etat hébreu sur la bande de Gaza font bien partie de cette enquête. Enfin, le procureur observe n’avoir aucune information qui indiquerait que M. Nétanyahou et M. Gallant seraient l’objet de procédures pénales pour les mêmes faits, une condition pour obtenir le dessaisissement de la Cour.


Les mandats d’arrêt requis par le procureur portent sur des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, notamment le fait d’affamer la population, ou de commettre des homicides volontaires. Pour Karim Khan, les dénégations de l’avocate générale de l’armée israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi, démontrent au contraire qu’il n’y a pas d’enquête sur ces faits. En mai, elle avait notamment nié la responsabilité d’Israël dans la famine à Gaza et rejeté « l’affirmation selon laquelle Israël se livre au meurtre délibéré de civils et à la destruction systématique de biens est complètement déconnectée de la réalité ».


Pour conclure, le procureur dénonce la situation « catastrophique » à Gaza et juge qu’il faut « empêcher » les auteurs présumés de commettre des crimes. Il souligne que la Cour a un rôle de prévention évident, dans un contexte « où les victimes sont aux prises avec la mort, la faim et la maladie ».
 

 

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