POGROM en Cisjordanie

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 16 août 2024

 

 

« Pogrom », le terme a été employé par le président israélien, Isaac Herzog après qu'une centaine de colons a déferlé dans le village de Jit entre Naplouse et Qalqiliya, incendiant des maisons et des voitures. Un jeune Palestinien de 23 a été tué dans l'attaque. Le monde condamne mais les exactions se poursuivent. Entre le 7 octobre et le 12 août, l’ONU a recensé 1.250 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens.
L’attaque menée par une centaine de colons contre le village de Jit en Cisjordanie occupée, entre les grandes villes de Naplouse et Qalqiliya, montre l’impunité totale dans laquelle ils évoluent. Nombre d’entre eux portaient des masques et des treillis quand ils ont déferlé dans la petite localité dans la nuit du 15 au 16 août.


« Ils venaient pour brûler, tuer et détruire », a expliqué à l’AFP Hassan Arman, un habitant dont la voiture a été incendiée. Il assure n’avoir « jamais vu ça ici ». Un peu plus loin, Mouawiya al-Sada fait visiter ce qui reste de son salon. Les volets portent aussi les stigmates des engins incendiaires jetés par les vitres cassées. « Ils ont d’abord incendié la maison d’à côté, puis sont venus ici, ont allumé des cocktails Motolov et les ont jetés à l’intérieur », raconte-t-il à l’AFPTV.


« Une centaine de colons ont débarqué, tous habillés pareil, ils avaient des couteaux, des armes à feu », raconte Hassan Arman. « Ils ont brûlé une maison puis sont venus vers la nôtre », renchérit Mouawiya al-Sada. « Ils ont encore incendié d’autres maisons. Ensuite, on a entendu qu’un jeune était mort après qu’ils lui ont tiré dessus », poursuit-il. Le ministère palestinien de la Santé a confirmé qu’un Palestinien avait été tué et un autre grièvement blessé par des tirs de colons. Il s’agit de Mahmoud Abdel Qader Sadda, âgé de 23 ans. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des voitures et des maisons en feu après les attaques.

Du « terrorisme d’État organisé » ?


La Commission de résistance au Mur et à la colonisation de Jit précise que « quatre maisons et six voitures ont été incendiées », et accuse « l’armée israélienne d’avoir protégé les colons et tiré des balles et des grenades assourdissantes et lacrymogènes sur les habitants du village ». Pour l’Autorité palestinienne, c’est du « terrorisme d’État organisé ».


Un certain nombre de chancelleries occidentales poussent des cris d’orfraies. La Maison-Blanche a déclaré jeudi que les attaques des colons contre les civils palestiniens en Cisjordanie étaient « inacceptables et doivent cesser », ajoutant que « les autorités israéliennes doivent prendre des mesures pour protéger toutes les communautés contre le mal, ce qui inclut intervenir pour mettre fin à cette violence et tenir tous les auteurs de ces violences responsables ».


Dans la foulée, Paris, Londres, Berlin ont, entre autres, condamné ce que même le président israélien, Isaac Herzog, a qualifié de « pogrom ». Ce même président qui était venu apposer sa signature sur des roquettes que son armée allait lancer sur la population civile de la bande de Gaza il y a encore quelques semaines.

Tous les moyens sont bons


Les États-Unis et un certain nombre de pays européens ont effectivement imposé des sanctions contre quelques colons considérés comme violents. Comme si la colonisation en elle-même n’était pas une violence. Entre le 7 octobre et le 12 août, l’ONU a recensé 1 250 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens, dont 120 ayant fait des victimes palestiniennes et 1 000 ayant provoqué des dégâts matériels.


Depuis le 7 octobre près de 700 Palestiniens ont été tués par l’armée ou les colons israéliens. Ces dernières semaines la violence a été décuplée. Le cabinet de Benyamin Netanyahou peut bien affirmer qu’il considérait l’incident avec « la plus grande sévérité » et prévenir que « les responsables de toute infraction seront appréhendés et jugés », en réalité les colons s’intègrent parfaitement dans les plans du premier ministre et plus largement dans la politique sioniste menée dans les territoires palestiniens.


Les colons, armés et entraînés, servent de supplétifs à l’armée. Ils sont devenus une milice dont la mission est d’empêcher toute vie palestinienne en Cisjordanie. Ils empêchent les paysans de cultiver leurs champs ou de récolter leurs productions, ils s’attaquent aux éleveurs, pénètrent dans les villages pour effrayer la population, mélangent les troupeaux pour mieux léser les Palestiniens… Et ce, en toute impunité.

40 000 Palestiniens morts et des milliers sous les décombres


À terme, il s’agit bien d’un nettoyage ethnique qui est en cours. C’est particulièrement vrai dans la vallée du Jourdain. Quant à Gaza, même la Cour internationale de justice (CIJ) parle de « risque de génocide ». C’était en décembre dernier. Toutes les infrastructures de l’enclave palestinienne, les hôpitaux, les écoles, les universités et même plus de 60 % des habitations ont été détruites. 40 000 Palestiniens sont morts et des milliers d’autres sont encore sous les décombres. Quelle sera la vie, demain, après la guerre ?


Les colons sont encouragés par la politique de leur gouvernement et par les provocations de certains de ses membres dont celles de Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité qui vient encore de se rendre sur l’esplanade des mosquées pour y prier, contrairement aux accords passés en 1967 et au statu quo en vigueur sur ce lieu saint.
« C’était horrible », a dénoncé la porte-parole du haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani, au d’une conférence de presse à Genève au lendemain de l’attaque contre le village palestinien, le 15 août. « Ce qui est frappant (…), c’est que le meurtre d’hier à Jit n’est pas une attaque isolée et qu’il est la conséquence directe de la politique d’Israël de colonisation en Cisjordanie ».

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