Selon l’ONG israélienne B’Tselem, les prisons israéliennes sont des « camps de torture »

Publié le par FSC

MAIS cela ne pose pas de problème au Comité International Olympique comme aux autorités françaises !

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Rachida El Azzouzi
Médiapart du 06 août 2024

La base de Sde Teiman, devenue synonyme de détention des Gazaouis, dans le désert du Néguev en Israël, le 31 mai 2024. © Photo Avishag Shaar-Yashuv / Rea

 

L’ONG israélienne de défense des droits humains dénonce dans un rapport accablant un usage de la torture « systémique et institutionnalisé » dans les prisons israéliennes où sont détenus des Palestiniens.

« Quand nous sommes descendus du bus, un soldat nous a dit : “Bienvenue en enfer.” » C’est par ce témoignage d’un ancien détenu palestinien, Fouad Hassan, originaire de Cisjordanie occupée, que l’ONG israélienne B’Tselem ouvre son rapport accablant sur les prisons en Israël où aucun observateur extérieur n’a pu accéder – pas même le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), interdit d’accès à toute prison israélienne depuis le 7 octobre 2023. 


Celles-ci sont devenues de véritables « camps de tortures », affirme l’organisation phare en Israël, dans le viseur des autorités depuis des décennies pour sa défense inlassable des droits humains. « Bienvenue en enfer » est même le titre donné au document qui décrit et dénonce, en une centaine de pages, « une politique institutionnelle et systémique centrée sur la torture et les abus continuels contre tous les prisonniers palestiniens détenus par Israël ».


Le rapport vient confirmer les nombreuses alarmes d’anciens détenus, de lanceurs d’alerte, d’ONG et les enquêtes journalistiques, dont celles de Mediapart, sur le sort réservé aux Palestiniens depuis le 7 octobre 2023 dans les geôles israéliennes, sous la garde de l’administration pénitentiaire ou de l’armée.
L’ONG a recueilli les témoignages de 55 Palestiniens aujourd’hui libérés, après avoir été incarcérés dans plus d’une dizaine de prisons et centres de détention israéliens (une trentaine de ceux-ci sont de Cisjordanie et de Jérusalem-Est ; une vingtaine de la bande de Gaza, et une poignée sont des citoyens israéliens).


La grande majorité d’entre eux a été emprisonnée sans inculpation ni procès, grâce à deux régimes de détention arbitraires : celui des « combattants illégaux » pour les Palestiniens de Gaza, celui de la détention administrative pour ceux de Cisjordanie ou encore de Jérusalem-Est.
Violences sexuelles, physiques et psychologiques, humiliations, punitions arbitraires, privation délibérée d’eau, de nourriture, de sommeil, de soins médicaux, conditions d’hygiène très dégradées, interdiction d’entrer en contact avec la famille, un avocat, confiscation de tous les biens… L’inventaire des abus et tortures est vertigineux.


« Les témoignages des prisonniers mettent à nu les résultats d’un processus précipité au cours duquel plus d’une douzaine d’établissements pénitentiaires israéliens, tant militaires que civils, ont été transformés en un réseau de camps dédiés à la maltraitance des détenus, écrit l’ONG. Ces espaces, dans lesquels chaque détenu est intentionnellement condamné à une douleur et une souffrance sévères et implacables, fonctionnent en fait comme des camps de torture. »


Depuis le 7 octobre,  les conditions de détention se sont aggravées comme jamais dans les prisons israéliennes, selon les récits d’anciens détenus, où la surpopulation est extrême. Pas moins de soixante détenus sont morts. Quarante-huit d’entre eux étaient originaires de la bande de Gaza.

Une déshumanisation continue


Avant la guerre, le nombre de Palestiniens incarcérés par Israël et classés comme « prisonniers de sécurité » était de 5 192, dont environ 1 319 retenus sous le régime de la détention administrative. Début juillet, ils étaient 9 623, dont 4 781 détenus sans procès, ni inculpation, ni accès au droit de se défendre.
Parmi les prisonniers, hommes et femmes, se trouvent des médecins, des universitaires, des avocats, des étudiants, des enfants, des dirigeants politiques. « Certains ont été emprisonnés simplement pour avoir exprimé leur sympathie pour les souffrances des Palestiniens, détaille l’ONG. D’autres ont été placés en détention pendant les opérations militaires dans la bande de Gaza, au seul motif qu’ils relevaient de la définition vague d’“hommes en âge de combattre”. D’autres encore ont été emprisonnés parce qu’on les soupçonnait, à tort ou à raison, d’être des agents ou des sympathisants d’organisations palestiniennes armées. »
Pour B’Tselem, qui rappelle combien la prison est un outil d’oppression et de domination de la population palestinienne depuis des décennies, la réalité décrite dans les témoignages des prisonniers ne peut s’expliquer que « comme le résultat de la déshumanisation continue du collectif palestinien dans la perception publique israélienne ».


Les récentes manifestations en soutien à neuf soldats israéliens soupçonnés de viol sur un détenu palestinien dans le camp militaire de Sde Teiman, le Guantanamo israélien, en sont l’une des démonstrations les plus criantes. Deux centres de détention ont été pris d’assaut la semaine dernière par des manifestants, réclamant la mise en liberté des soldats interpellés le 29 juillet. Parmi eux, le député ultranationaliste Zvi Sukkot.


D’autres manifestants, dont un député du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, Limor Son Har-Melech, ont fait irruption devant le domicile de l’avocate générale des armées, la générale de division Yifat Tomer-Yerushalmi, dans la ville de Ramat Hasharon. Ils l’ont traitée de « traîtresse », de « criminelle ». Pour eux, le soutien aux militaires doit être indéfectible. « Si le détenu appartient aux Nukhba [unités d’élite du Hamas – ndlr], tout est légitime. Tout », a déclaré, lors d’une audition parlementaire, Hanoch Milwidsky, un député du Likoud, parti de Benyamin Nétanyahou.


Il faut rappeler le rôle d’Itamar Ben Gvir, figure suprémaciste juive du gouvernement Nétanyahou, ministre de la sécurité nationale, chargé du système pénitentiaire, qui a donné le mot d’ordre après les attaques du Hamas : durcir au maximum les conditions de vie des Palestiniens derrière les barreaux.


Dans son rapport, l’ONG B’Tselem déplore que « les gardiens de la loi », tels que la Haute Cour de justice et le bureau du procureur général, « censés faire respecter l’État de droit et protéger les droits humains, courbent l’échine devant le programme de Ben Gvir, permettant aux abus et à la déshumanisation de devenir la logique directrice du système pénitentiaire ».
 

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P
Si un syndicaliste français de la CGT disait la même chose il se verrait traîner devant les tribunaux pour apologie du terrorisme
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