GAZA : le carnage ! STOP ! STOP !

Publié le par FSC

Magali Jauffret
L'Humanité du 16 septembre 2024

 

Après une frappe israélienne sur une maison du quartier d’Al-Sabra, dans le centre de la ville, des blessés sont transportés à l’hôpital Al-Shifa, Gaza, 11 octobre 2023. Cette photo de Loay Ayyoub, photojournaliste gazaoui de 29 ans, réfugié en Égypte, est lauréate du Visa d’or de la ville de Perpignan-Rémi Ochlik 2024 pour sa couverture, dans le Washington Post, de « la tragédie de Gaza ». © Loay Ayyoub pour The Washington Post

 

Les reporters, qui couvrent la guerre depuis la bande de Gaza, raflent les récompenses les plus prestigieuses. Sur les cimaises, les différentes étapes du conflit israélo-palestinien marquent de très nombreux reportages.


La 36e édition du festival Visa pour l’image a donné une large place aux femmes photojournalistes. Le public, toujours aussi nombreux, est venu chercher, dans 25 expositions, une information plus contextualisée. Au-delà des reportages sur la guerre en Ukraine, des chocs du 7 octobre en Israël, du martyr du peuple gazaoui, du terrible sort des femmes afghanes, des murs de plus en plus nombreux érigés dans le monde, on trouve les images de Jean-Louis Fernandez sur la Comédie-Française, ou le portrait coloré du quartier de Venice, à Los Angeles, par Karen Ballard. Huit visas d’or, 4 bourses et 6 prix d’une valeur de 93 000 euros ont récompensé 18 lauréats.

« J’espère que les photos que nous prenons disent au monde que cette guerre et les souffrances doivent prendre fin »


À quoi pensaient la jeune photographe palestinienne Samar Abu Elouf, Visa d’or 2024 de la presse quotidienne Goksin Sipahioglu by Sipa Press, en prenant, le 7 octobre, dans la bande de Gaza, quelques heures après l’attaque du Hamas qui a fait 1 198 victimes israéliennes, l’une des premières images de sa série pour le New York Times ? Ce jour-là, elle montre des enfants stoppant leur jeu pour lever les yeux vers le ciel lorsque passe un avion de chasse de Tsahal et qu’une première explosion ébranle le quartier.
Lorsqu’il apprend, au Quatar, où il est réfugié, qu’il reçoit le prix le plus prestigieux, le Visa d’or News 2024, pour son terrible témoignage sur la destruction de Gaza, le photographe palestinien Mahmud Hams, 44 ans, confie, lui, à Jean-François Leroy, directeur de Visa pour l’image : « J’espère que les photos que nous prenons disent au monde que cette guerre et les souffrances doivent prendre fin. »


Loay Ayyoub, photojournaliste gazaoui de 29 ans, réfugié en Égypte, est lui, lauréat du Visa d’or de la ville de Perpignan-Rémi Ochlik 2024 pour sa couverture, dans le Washington Post, de « la tragédie de Gaza ». Mais rien ne lui est épargné : le consulat de France ne lui délivre pas de papiers. Puis le maire RN de Perpignan, Louis Aliot, se présentant en bouclier des juifs comme tente de le faire croire son parti, refuse de lui remettre ce prix car il « aurait préféré récompenser un journaliste totalement indépendant du Hamas ».


« Dont acte, répond Jean-François Leroy, fondateur et directeur de Visa pour l’image. Je regrette cette décision, mais ça n’est aussi qu’une question de protocole, dont je me fous un peu dans la mesure où, en revanche, la ville s’est bien engagée à donner au lauréat la somme de 8 000 euros qui correspond à la récompense. Par ailleurs, il faut savoir qu’on évoque ici le conflit armé le plus verrouillé qui ait jamais existé, dans lequel il est naturellement impensable que Loay Ayyoub ait pu travailler à l’insu du Hamas, de même que, côté israélien, un photographe ne pourrait évoluer sur le terrain sans que Tsahal le sache. Mais, une fois de plus, je suis ravi du choix de Loay Ayyoub, qui a été adoubé par un jury international constitué d’une quinzaine de directeurs de la photographie. »

Des destructions de Gaza à celles de Cisjordanie


On est frappé, passant d’une exposition à l’autre, de voir que, préfigurant la guerre à Gaza, le conflit israélo-palestinien occupe de nombreuses cimaises : les rétrospectives de photographes chevronnés, qui l’ont couvert depuis des lustres, fourmillent de témoignages visuels éclairant les racines de cette guerre.


C’est le cas de l’Iranien Alfred Yaghobzadeh. Il filme, en 1988, un père palestinien prêt à offrir sa montre à un soldat de Tsahal en échange de la libération de son fils prisonnier d’Israël. La même année, il fixe sur pellicule la montée du Hamas, dont des membres encagoulés prêtent serment sur le Coran. En 1994, il est encore là lorsque Yasser Arafat revient à Jéricho, après vingt-sept années d’exil. En 2005, puis 2919, il fixe des scènes d’intifada.
L’Américaine Paula Bronstein, elle, rallie Gaza en mai 2018. C’est à la clôture, construite depuis, et où il manifestait qu’elle capte l’image d’un Palestinien blessé par balle.
Le Néerlandais Ad Van Denderen fréquente les territoires occupés depuis 1993. En 1994, il filme les jeunes de Gaza qui se soulèvent. En 1996, il restitue une scène montrant un soldat israélien qui empêche le représentant de l’Autorité palestinienne de s’exprimer.
En 2013, il illustre le chaos provoqué par les combats à la frontière, tous les vendredis, après la prière. Et, chance du photographe, il est là, en noir et blanc, lorsqu’en Cisjordanie, en 1993, des colons plantent leur drapeau à l’endroit où ils veulent créer une colonie illégale. Vingt après, il est là pour filmer, en couleurs, la colonie Neve Daniel créée autour de son château d’eau, construit à l’emplacement du drapeau !


Quant à Sergey Ponomarev, son récent travail sur le paysage cisjordanien abîmé prend du recul et se concentre sur « la violence décuplée, décomplexée des colons » qui multiplient les blocages, interdictions, barrières empêchant les Palestiniens de circuler, travailler, prier. Nul doute que le statut de ce photojournaliste russe, empêché de rentrer chez lui après avoir pris position contre la guerre en Ukraine, le rend particulièrement sensible au sort des Palestiniens chassés de chez eux…



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Visa pour l’image. Jusqu’au 20 septembre et du 23 au 27 septembre à Perpignan, les expositions sont ouvertes aux groupes scolaires. Elles sont aussi visibles jusqu’à la fin du mois sur le site du festival https://www.visapourlimage.com/

 

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