LIBAN : une violation du droit international
Pierre Barbancey
L'Humanité du 18 septembre 2024
Les responsables de l’attaque meurtrière « devront rendre des comptes », a averti, mercredi, le haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme, Volker Türk. © Fadel ITANI / AFP |
Les explosions de bipeurs qui ont fait 12 morts et des milliers de blessés au pays du Cèdre pourraient être le fait des services de renseignements extérieurs israéliens. De quoi déclencher une guerre régionale.
« Jetez vos smartphones, enterrez-les, mettez-les dans une boîte de métal et éloignez-les ! » Dans un discours daté du mois de février, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, préconisait d’éloigner les téléphones portables pour se protéger de l’espionnage d’Israël. « Le smartphone est un appareil d’espionnage ! Il entend tout ce que vous faites, dites, envoyez et prenez en photo. Votre localisation, votre maison… Israël n’a pas besoin de plus que cela », prévenait-il alors.
Cet espionnage d’Israël était sans doute plus profond encore que ce que pensait le dirigeant du mouvement libanais. Beaucoup de membres du Hezbollah, mais pas seulement, avaient en effet pris l’habitude de se servir de bipeurs pour éviter justement d’être écoutés en utilisant des smartphones.
Jusqu’à ce que, mardi, l’impensable se produise. L’explosion simultanée à travers le Liban de ces bipeurs a fait 12 morts (dont 2 enfants) et près de 2 800 blessés. De quoi déclencher une guerre que recherche avec persévérance Benyamin Netanyahou. Trois autres personnes ont trouvé la mort et 15 autres ont été blessées par des explosions similaires, ce mercredi.
Infiltration dans la chaîne d’approvisionnement ?
« D’après les enregistrements vidéo (…) un petit explosif de type plastic a certainement été dissimulé à côté de la batterie (des bipeurs) pour un déclenchement à distance via l’envoi d’un message », a estimé sur X Charles Lister, expert au Middle East Institute (MEI). Ce qui signifie pour lui que « le Mossad (service secret extérieur israélien, NDLR) a infiltré la chaîne d’approvisionnement ». Selon le New York Times, un message apparaissant comme venant de la direction du Hezbollah a fait biper l’appareil, mardi, pendant plusieurs secondes avant de déclencher l’explosif.
Le groupe taïwanais Gold Apollo, dont la marque figure sur les bipeurs qui ont explosé, a rejeté, mercredi, toute responsabilité dans leur fabrication sur son partenaire hongrois BAC, qui affirme lui-même n’être qu’un intermédiaire. Fondée en 2022, la compagnie BAC Consulting est enregistrée à Budapest, dans un bâtiment de deux étages situé en périphérie de la capitale hongroise appartenant à une entreprise qui fournit des adresses de domiciliation, selon l’AFP. Sur son site Internet, désormais inaccessible, BAC dit « œuvrer à l’échelle internationale en tant qu’acteur de changement avec un réseau de consultants ».
Pour l’heure, le mystère reste entier, mais que la piste mène à la Hongrie, dont le chef du gouvernement, Viktor Orban, est un grand ami politique de Benyamin Netanyahou, ne manque pas de piquant. Même si le gouvernement hongrois explique qu’il n’y a pas de site de production de ces bipeurs sur son sol. Dans la chaîne, il y a obligatoirement eu des complicités.
Les responsables de l’attaque meurtrière « devront rendre des comptes », a averti, mercredi, le haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme, Volker Türk. « Le ciblage simultané de milliers de personnes, qu’il s’agisse de civils ou de membres de groupes armés, sans savoir qui était en possession des engins ciblés, où ils se trouvaient et dans quel environnement ils se trouvaient au moment de l’attaque, constitue une violation du droit international des droits de l’homme et, dans la mesure où il est applicable, du droit international humanitaire. »