Netanyahou fait feu de tout bois pour embraser le Proche et le Moyen-Orient

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 17 septembre 2024

Le 16 septembre, le village du sud Liban Houla a subi des bombardements israéliens. © Ammar Ammar / AFP

 

Le premier ministre israélien tente de faire basculer la région dans la guerre. Au moins neuf personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées au Liban par l’explosion de leur bipeur, un système de radiomessagerie notamment utilisé par le Hezbollah. L’organisation a promis qu’Israël allait « recevoir son juste châtiment ».


Depuis plusieurs jours, Benyamin Netanyahou ne cachait pas son désir d’ouvrir un nouveau front. Sous prétexte de permettre aux habitants du nord d’Israël de retourner chez eux après de multiples échanges de tirs entre l’armée et le Hezbollah libanais, le cabinet politique de sécurité avait décidé une « mise à jour des buts de la guerre ».


Mardi soir, l’incroyable s’est produit, qui pourrait bien décider du sort de la région proche-orientale. Des centaines de bipeurs (un système de radiomessagerie largement utilisé par le Hezbollah pour protéger ses communications en évitant Internet) ont explosé au même moment.


« Au moins neuf personnes ont été tuées et près de 2 800 autres blessées », selon le ministre libanais de la Santé, Firas Abiad. Plusieurs combattants du Hezbollah ont trouvé la mort ainsi que des enfants. Parmi les personnes blessées se trouve l’ambassadeur d’Iran au Liban.

« Les bipeurs récemment importés par le Hezbollah »


Une source proche du mouvement a indiqué à l’AFP que « les bipeurs qui ont explosé concernent une cargaison récemment importée par le Hezbollah de 1 000 appareils » qui semblent avoir été « piratés à la source ». Le mouvement chiite a affirmé qu’Israël était « entièrement responsable » de ces explosions et assuré qu’il allait « recevoir son juste châtiment » à la suite de « cette agression criminelle ».


Israël n’a fait aucun commentaire mais qui d’autre serait susceptible d’une telle action ? On sait que la perturbation de géolocalisation est l’une des nombreuses formes de la guerre en cours. Depuis le mois d’octobre, les habitants de Beyrouth constatent régulièrement des perturbations dans l’indication de leur géolocalisation, notamment sur Google Maps.


Freddy Khoueiry, analyste en sécurité pour la région Moyen-Orient chez Rane Network, a ainsi expliqué à l’AFP comment « Israël utilise le brouillage GPS, principalement pour perturber ou interférer dans les communications du Hezbollah ». Selon lui, Israël a également recours à « la technologie d’usurpation GPS, qui est une autre tactique utilisée pour envoyer de faux signaux GPS, afin de (…) perturber l’utilisation des drones et des missiles à guidage de précision », auxquels le Hezbollah a recours pour attaquer Israël.


D’ailleurs, préoccupé par l’impact des interférences sur la navigation aérienne, le gouvernement libanais a déposé le 22 mars une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU. Il y dénonce « les attaques d’Israël contre la souveraineté libanaise en perturbant les systèmes de navigation et la sécurité de l’aviation civile » dans l’espace aérien libanais.


Si des doutes subsistaient sur sa volonté réelle de paix, Benyamin Netanyahou les a levés. Les chances d’un accord sur un cessez-le-feu, jugé à portée de main par Joe Biden, partaient déjà à la dérive avec les prétentions israéliennes de maintenir des troupes dans le corridor de Philadelphie, cette bande de terre située le long de la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza. Ce qui s’est passé mardi soir au Liban risque fort d’annoncer une nouvelle guerre. Israël fait monter la pression pour faire basculer l’ensemble de la région dans la guerre.


Le 1er avril, Israël avait ciblé l’espace consulaire de l’Iran à Damas, tuant le général Zahedi, représentant des gardiens de la révolution iraniens en Syrie et au Liban. Le 30 juillet, l’un des fondateurs du Hezbollah libanais, Fouad Chokor, a été tué dans la banlieue de Beyrouth. Enfin, le lendemain, Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, engagé dans les négociations indirectes avec Israël, a été assassiné à Téhéran très certainement par ou sur ordre des Israéliens.


« La possibilité d’un accord s’éloigne car le Hezbollah continue de soutenir le Hamas », déclarait lundi 16 septembre le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, à l’émissaire américain Amos Hochstein, en visite en Israël. Il est d’ailleurs allé plus loin encore en stipulant à son interlocuteur : « L’action militaire » contre le Hezbollah est « le seul moyen de garantir le retour des habitants du nord d’Israël dans leurs foyers ».

Netanyahou fait feu de tout bois pour embraser le Proche et le Moyen-Orient


Pourtant, deux jours auparavant, le numéro deux du Hezbollah, Naïm Qassem, soulignait que son groupe n’avait « pas l’intention d’entrer en guerre (mais) si Israël déclenche une guerre, nous y ferons face et les pertes seront énormes pour nous comme pour eux ».


Le nouveau chef du Hamas, Yahya Sinouar, qu’Israël n’a toujours pas trouvé après onze mois de guerre, a assuré de son côté que le mouvement islamiste palestinien était « préparé » à « mener une longue guerre d’usure » contre les forces israéliennes dans la bande de Gaza.


Si le Proche-Orient s’embrase, le premier ministre israélien est assuré du soutien des Américains. Une manière pour Netanyahou de revivifier les liens avec Washington alors que les tensions sont perceptibles dans la négociation d’un cessez-le-feu.
Mais, comme le fait remarquer Hani Al Masri, directeur de Masarat, le Centre palestinien pour la recherche sur les politiques et les études stratégiques :

« L’administration américaine actuelle ne veut pas de guerre régionale maintenant, même avec la seule résistance libanaise, à la veille des élections présidentielles américaines. Celles-ci connaissent une concurrence intense, et toute guerre affectera les chances de victoire de Kamala Harris. Parce que cela entraînera une hausse des prix et de l’inflation, et ce facteur affecte fortement la décision de l’électeur américain. »


Le chercheur note également que

« l’Iran ne veut pas d’une guerre régionale. Parce qu’il se rend compte qu’il avance mieux dans la région sans guerre ou avec une guerre d’usure et rien de plus, d’autant que les États-Unis et l’Otan entreront en guerre aux côtés de l’occupant, ce qui signifie que le rapport de force sera déséquilibré ».


On comprend mieux pourquoi Netanyahou fait feu de tout bois pour embraser le Proche et le Moyen-Orient dans un conflit qui pourrait s’avérer mondial.
 

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