Alexander Baekelandt du CICR: « Au nord de Gaza, on ne voit que des décombres, il n’y a aucun signe de vie »

Publié le par FSC

Axel Nodinot
L'Humanité du 14 octobre 2024

 

Alexander Baekelandt est ingénieur en eau et assainissement pour le comité international de la Croix-Rouge (CICR)

 

Dans l’enclave palestinienne, les ingénieurs de guerre du Comité international de la Croix-Rouge peinent à rétablir les services publics vitaux pour les habitants. Un cessez-le-feu est essentiel pour éviter que la situation dramatique ne s’aggrave, témoigne Alexander Baekelandt.


La mission des ingénieurs de guerre est de redonner l’accessibilité à l’eau, à l’électricité, à la santé et à l’hygiène aux civils qui souffrent. Après huit années d’engagement humanitaire dans les zones de conflit, pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Alexander Baekelandt officie désormais dans la bande de Gaza.

À quoi ressemble le quotidien d’un ingénieur du CICR à Gaza ?


La première chose est de comprendre les besoins des habitants et d’y répondre efficacement. Vous pouvez rencontrer pour cela des représentants de la communauté, des fournisseurs locaux ou des directeurs d’hôpitaux.
En prenant en compte la situation sécuritaire, vous devez mobiliser une expertise technique pour déterminer quels matériaux ou constructions résoudront le problème. Ensuite, vous devez travailler avec d’autres services de soutien, comme la logistique et la finance, pour les détails concrets.

À quel point la situation humaine est-elle dramatique à Gaza ?


Les scènes sont apocalyptiques. Dans de nombreux quartiers, des ordures et des fragments de béton s’entassent, l’eau des égouts stagne dans les rues. Au nord, le long de la route côtière, on ne voit que des décombres et des structures endommagées ou détruites. Il n’y a aucun signe de vie.


Cette année d’hostilités a dévasté la bande de Gaza. Les infrastructures essentielles ont été détruites, laissant les déplacés sans services de base depuis trop longtemps. Les gens sont épuisés. Beaucoup d’entre eux ont vieilli prématurément, ils se déplacent comme des ombres, inexpressifs et résignés.

Sur l’eau et l’assainissement, quelle est la situation du réseau de distribution ?


Il a été gravement touché, mais nous avons fait des progrès, avec l’aide des fournisseurs locaux. Nous avons installé des unités de traitement de l’eau alimentées à l’énergie solaire pour fournir un accès durable.
Dans le centre de Gaza, nous avons aidé 95 000 personnes déplacées avec une usine de dessalement, ce qui a permis de doubler la production à 1 400 m³ par jour. C’était crucial pour l’approvisionnement de milliers de familles. Malgré ces efforts, la situation reste critique et volatile, et le réseau est toujours vulnérable. Il faudra des années pour le restaurer complètement.

 

Comment font les habitants pour boire, se laver, cuisiner ?


De nombreuses personnes dépendent des camions-citernes fournis par les organisations humanitaires, qui livrent de l’eau dans les zones où le réseau de distribution est irréparable. Les usines de dessalement sont une source vitale d’eau potable, car les eaux souterraines sont souvent contaminées par les eaux usées ou l’eau de mer.


Mais elles ne peuvent pas répondre entièrement à la demande. Pour le lavage et l’hygiène, la situation est catastrophique. L’eau du robinet ne coule que quelques heures par jour, ce qui oblige les familles à la stocker. Elles utilisent souvent la même eau, parfois insalubre, pour cuisiner, laver la nourriture et les ustensiles, ce qui augmente les risques pour la santé.

Quelles maladies se développent à Gaza ?


C’est un environnement propice à la propagation de maladies comme l’hépatite A, la varicelle, et maintenant la polio, pour la première fois depuis plus de vingt ans.
Les enfants sont particulièrement vulnérables. Le CICR s’inquiète depuis des mois de cette situation et, tant que les besoins fondamentaux ne seront pas satisfaits, le risque de nouvelles épidémies continuera d’exister.

 

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