Grand Israël : tout comprendre de cette idéologie incarnée politiquement par Benyamin Netanyahou
Bruno Odent
L'Humanité du 1er octobre 2024
Depuis son ascension au pouvoir en 1996, Benyamin Netanyahou œuvre pour l’émergence du grand Israël, une idéologie issue du sionisme ultraréactionnaire. © Andrea Renault / ZUMA Press Wire |
Depuis sa première arrivée au pouvoir en 1996, Benyamin Netanyahou s’est appliqué à torpiller toute velléité de vraie négociation avec les Palestiniens pour promouvoir Eretz Israël, un État dans la dimension des royaumes juifs de la Bible.
« Eretz Israël », la priorité absolue donnée à l’émergence du grand Israël dans ses frontières prétendument bibliques, est une constante de la politique de Benyamin Netanyahou qui se laisse repérer à chaque étape de sa carrière politique.
Quand il accède pour la première fois au poste de premier ministre, en 1996, il surfe sur une vague très droitière du mouvement sioniste. Avec son parti, le Likoud, Netanyahou va s’opposer avec la plus grande virulence aux accords d’Oslo, passés avec l’OLP dans l’objectif de faire émerger une « paix fondée sur l’émergence de deux États laïques ».
Une définition biblique floue, qui laisse place à l’interprétation
Nous sommes au lendemain de l’assassinat de Yitzhak Rabin, le dirigeant israélien qui fut cosignataire avec Yasser Arafat des accords d’Oslo. Benyamin Netanyahou engage son pays dans un tournant qui va l’éloigner toujours plus de cette perspective.
Son objectif sera la remise en selle d’un nationalisme israélien selon un schéma qui ne débouche sur aucun avenir pour la partie palestinienne. Tout doit être au final subordonné à la mise en place d’Eretz Israël, fût-ce, aujourd’hui, en liquidant les Palestiniens de Gaza ou en étendant la guerre au Liban.
Eretz Israël correspond au « grand Israël » de la Bible. Ce procédé divin permet de justifier une annexion complète des territoires occupés de Cisjordanie, affublés du patronyme « Judée-Samarie », qui ne correspond plus à aucune donnée historique, humaine et terrestre contemporaine.
Ce qui n’empêche pas l’administration israélienne d’en user comme d’une évidence géographique. De plus, Dieu n’ayant jamais fourni à ce sujet d’informations précises et concrètes, toutes les interprétations sont ouvertes sur les limites de ce « grand Israël ».
Une idéologie issue d’un sionisme ultraréactionnaire
La communauté internationale s’est toujours refusée à prendre de front ce type d’arguments, un peu comme si l’affirmation relevait finalement d’une sorte de bien-fondé théocratique par définition indiscutable. Pourtant, dès le premier gouvernement Netanyahou, il était possible de mettre à nu l’idéologie de celui qui allait marquer les trente années suivantes au Proche-Orient par sa fuite en avant nationaliste et belliciste.
Le journaliste Dominique Vidal démasquait ainsi dès cette époque « les origines de la pensée de M. Netanyahou » (1). La référence obsessionnelle du personnage est un certain Vladimir Jabotinsky, théoricien d’un sionisme ultraréactionnaire fondé sur l’autoritarisme et la violence.
Netanyahou allait recevoir un appui marqué de l’Occident sur ce terrain idéologique. Alors président, Donald Trump, sous influence lui-même des chrétiens évangéliques, décide de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, dont Netanyahou veut faire la « capitale éternelle » de son État juif, en dépit des positions fermes adoptées par une communauté internationale soucieuse de respecter l’identité palestinienne de la cité.
Le tollé international n’y suffira pas. Depuis, l’administration Biden n’a jamais émis le moindre souhait de revenir en arrière. Comme si Eretz Israël était devenu intouchable.
(1) Le Monde diplomatique de novembre 1996