Guerre à Gaza : « S’ils soutiennent Israël aveuglément, alors ils n’auront pas notre vote ! », aux États-Unis le divorce avec Kamala Harris est consommé

Publié le par FSC

Elza Goffaux
L'Humanité du 03 octobre 2024

Des manifestants propalestiniens se sont regroupés devant la maison du gouverneur du Minnesota et coéquipier de Kamala Harris, Tim Walz, le 21 septembre 2024. © Elza Goffaux

 

Dans l’État dont le gouverneur Tim Walz est également le colistier de la candidate, les opposants à la guerre à Gaza refusent de soutenir le ticket démocrate.
À quelques mètres d’une pelouse barricadée, Bashkim Namani, keffieh sur les épaules, agite un grand drapeau palestinien. Ce n’est pas la première fois qu’il vient manifester devant la maison du gouverneur du Minnesota et colistier de Kamala Harris, Tim Walz.


Il y a un an, Bashkim, 38 ans, ne faisait pourtant pas de politique. Mais à la suite de l’anéantissement de Gaza par l’armée israélienne, il a commencé à militer. Citoyen américain d’origine albanaise, il s’est aussi rendu aux urnes pour la première fois en mars, lors des primaires du Parti démocrate, pour voter « uncommitted » (« non engagé », en français). « Un monde meilleur est possible, mais pas sans que nous y participions, explique-t-il. Soit par le boycott, soit en votant pour le bon candidat ou même en votant non engagé. »


En pleine année électorale, le Parti démocrate est vivement critiqué pour son soutien à Israël. De nombreux électeurs et délégués se sont détournés du parti et ont posé un ultimatum à Kamala Harris, candidate à la présidentielle : elle ne récupérera leur vote que si elle s’engage pour un cessez-le-feu et un embargo sur les ventes d’armes à Israël.


« S’ils soutiennent Israël aveuglément, lui permettant de commettre des crimes de guerre impunément, alors, ils n’auront pas notre vote ! » tonne Sabry Wazwaz, Américain d’origine palestinienne, militant au sein du Comité du Minnesota contre la guerre (1). Le Minnesota est un des bastions du mouvement des non-engagés : lors de la primaire démocrate, 19 % des électeurs ont voté « uncommitted », plus que dans n’importe quel autre État américain.

Tim Walz, pas assez progressiste ?


Liz Bolsoni, membre du Comité contre la guerre, est déçue que Tim Walz reçoive tant d’éloges pour ses mesures sociales. Engagée contre les violences policières et dans le mouvement Black Lives Matter, la jeune femme de 23 ans se souvient de lui comme du gouverneur ayant envoyé la garde nationale contre les manifestants après l’assassinat de George Floyd par un policier blanc à Minneapolis.


Il a aussi fait arrêter des militants propalestiniens qui occupaient sa pelouse en février dernier et qui lui demandaient de se désinvestir. Pendant la campagne présidentielle, Tim Walz reste gouverneur et continue de siéger au Bureau des investissements du Minnesota. Le Comité contre la guerre a comptabilisé 4,3 milliards de dollars d’argent public investis dans des entreprises qui soutiennent et commercent avec Israël. Le Bureau avait pourtant retiré ses investissements au régime d’apartheid en Afrique du Sud, en 1985…

Secouer le Parti démocrate


Depuis près de cinquante ans, le Minnesota est acquis au Parti démocrate et ses habitants sont ceux qui votent le plus aux États-Unis, avec un taux de participation de presque 80 % à la présidentielle de 2020. Lancer un mouvement basé sur le vote contestataire était donc une évidence pour Jaylani Hussein. Il est le cofondateur du mouvement Abandonner Biden (3), renommé Abandonner Harris. « Abandonner Biden n’était pas une politique menée par quelques-uns mais un reflet de la communauté, explique-t-il. Nous n’avons pas eu à dire aux gens d’abandonner Biden, c’est presque comme si tous s’y attendaient. »


Le mouvement repose majoritairement sur les membres de la communauté musulmane du Minnesota, particulièrement active politiquement et déçue d’avoir fait confiance au Parti démocrate, d’après Jaylani. Le mouvement s’est étendu à d’autres États, surtout au sein des Swing States clés, tels que le Michigan, la Pennsylvanie ou la Géorgie.


Depuis le début de la guerre à Gaza, Muhammad Jallad s’est rendu compte que le parti qu’il soutenait avait tourné le dos à ses valeurs de justice et d’égalité, ainsi qu’à la Palestine, son pays d’origine. « Je ne pense pas qu’on doive abandonner le parti lorsqu’il commet des erreurs, indique-t-il. Ce qu’il faut faire, c’est essayer de le réparer. »


Désavouer la candidature de Kamala Harris pourrait ouvrir la voie à une présidence républicaine. Mais pour Muhammad Jallad, seule une action radicale peut changer le parti. Et Donald Trump en serait à son deuxième et dernier mandat. « Je préfère avoir quatre années de Trump plutôt que huit années de Kamala dans la situation actuelle », assume-t-il.


Les délégués non engagés ont été particulièrement déçus lors de la Convention nationale démocrate, en août. La délégation, qui comptait parmi ses 36 participants 11 élus du Minnesota, n’a pas eu droit à la parole. Pour Muhammad Jallad, c’est la preuve de la corruption latente au sein du parti.


Après avoir voté démocrate depuis qu’il s’est installé aux États-Unis, Muhammad soutiendra la candidate du Parti vert, Jill Stein, à la présidentielle de novembre. Le mouvement des « uncommitted » n’a exprimé son soutien à aucun candidat, mais a confirmé, la semaine dernière, ne pas soutenir Kamala Harris. Les non-engagés ont aussi réitéré leur opposition à Donald Trump.
 

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