Guerre au Liban : des frappes israéliennes tuent 9 secouristes à Beyrouth au mépris des conventions internationales
Mirna Bassil
L'Humanité du 03 octobre 2024
Un raid israélien sur Beyrouth a tué, en pleine nuit, neuf secouristes. Face aux frappes qui se multiplient contre les personnels de santé, au mépris des conventions internationales, les hôpitaux surchargés fonctionnent en sur-régime.
Jeudi 3 octobre, minuit trente. Kamal Zhour, membre de l’Association islamique de l’action sanitaire (dépendante du Hezbollah), fait un tour à pied dans le quartier pour « décompresser ». « Les derniers jours ont été très difficiles », soupire-t-il. À Beyrouth, les secouristes sont épuisés, sans repos depuis plusieurs jours en raison des raids massifs de l’armée israélienne sur Dahieh, dans la banlieue sud de la capitale libanaise, où ils interviennent en coordination avec la Croix-Rouge et la défense civile.
Au centre de Bachoura, en plein cœur de la ville, alors qu’une équipe venait d’arriver pour se reposer, un missile israélien l’a fauchée. « J’ai vu de la fumée et beaucoup de poussière », raconte Kamal, qui dénonce le silence international face aux attaques contre des secouristes. Ce n’est pas la première fois que la défense civile du Hezbollah se trouve visée par Israël. Dans le Liban du Sud et dans la plaine de la Bekaa, elle est systématiquement prise pour cible.
8 700 raids aériens depuis le 23 septembre
Douze heures après les frappes, à Bachoura, le vrombissement assourdissant des drones israéliens se mélange au chant du muezzin et aux sirènes des ambulances. Dans le cimetière qui fait face à l’immeuble, des traces de sang sur les tombes en marbre blanc témoignent de la violence de la déflagration.
Les Libanais qui viennent se recueillir auprès de leurs défunts sont choqués. À 13 heures, un nouveau bilan est publié par le centre des opérations d’urgence, relevant du ministère de la Santé : 9 morts et 14 blessés. Les efforts s’accélèrent pour finaliser les tests ADN afin d’identifier les restes recueillis sur les lieux du raid.
Wadih Nassif, chef du district de Beyrouth à la Croix-Rouge libanaise, nous explique qu’avec les nombreux bombardements sur la banlieue sud, la coordination avec l’État et les services sociaux du Hezbollah est essentielle.
Le gouvernement libanais a déclaré que, depuis le 23 septembre, l’aviation israélienne a mené 8 700 raids sur les différentes régions du pays, visant essentiellement des zones résidentielles.
Le déclenchement de cette campagne aérienne est intervenu après les vagues d’explosions de bipeurs, le 17 septembre, et de talkies-walkies, le lendemain, faisant 35 morts et plus de 3 000 blessés. Ces explosions ont visé des membres du Hezbollah, mais aussi des centaines de civils des secteurs médicaux et sociaux.
Des blessés touchés aux yeux, aux mains et aux côtes
Le président du Syndicat des propriétaires d’hôpitaux privés au Liban, Sleiman Haroun, indique que les hôpitaux de Beyrouth et des régions encore préservées parviennent encore à gérer la situation, disposant toujours des ressources humaines et du matériel médical nécessaires. Un plan d’urgence et des préparations spécifiques en cas de force majeure avaient été mis en place ces sept à huit derniers mois, depuis la guerre de soutien à Gaza, et sont actuellement déclenchés.
Des milliers de blessés, notamment ceux des bipeurs et des talkies-walkies, ont été pris en charge dans les hôpitaux. Chaque blessé étant comptabilisé comme trois – ils souffrent souvent de plusieurs blessures simultanées, aux yeux, aux mains et parfois aux côtes –, ils nécessitent l’intervention de plusieurs chirurgiens à la fois. « Les cas étaient complexes, et c’était la première fois que nous étions confrontés à de telles situations. (…) Nous craignions que les hôpitaux ne deviennent des cibles militaires, comme à Gaza. Nous redoutons que les citernes transportant l’oxygène ou le carburant vers les hôpitaux soient bombardées. L’ennemi israélien a montré qu’il ne tient compte de rien », explique Sleiman Haroun.
Le Liban compte 130 hôpitaux, tous en alerte, avec un personnel médical mobilisé. Le ratio des lits par rapport aux habitants est de 4 pour 1 000 (12 000 lits pour 5 millions d’habitants). Les cas non urgents sont ainsi reportés afin de consacrer l’essentiel des ressources à l’accueil des blessés.
Dans le Liban du Sud, à Tyr, dans la Bekaa, les établissements de santé sont de plus en plus vulnérables. Le Dr Rafic Hussein, de l’hôpital Hiram à Abbassieh près de Tyr, déplore le fait « qu’ils ne reçoivent plus d’équipements médicaux depuis plusieurs jours, ce qui compromet les soins apportés aux blessés ». Parallèlement, le ministre de la Santé, Firass Abiad, attendait des équipements médicaux à l’aéroport de Beyrouth, une cargaison offerte par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), reportée à deux reprises.
Si les hôpitaux libanais ne sont pas rapidement ravitaillés, leur capacité à traiter les blessés va se dégrader, menaçant d’effondrement tout le système de santé en province.
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