L’Allemagne persiste dans sa politique pro-israélienne

Publié le par FSC

Boris Grésillon
Géographe, spécialiste de l’Allemagne
L'Humanité du 08 octobre 2024

L’Allemagne, par la voix du chancelier Olaf Scholz et de sa ministre des Affaires étrangères, a confirmé son soutien inconditionnel à Israël. Annalena Baerbock a ainsi de nouveau souligné que la sécurité d’Israël relevait de la « raison d’État » pour l’Allemagne. En revanche, pas un mot sur le sort des civils palestiniens.
Il est étrange de lire ces propos officiels prononcés un an après le déclenchement de la guerre par le Hamas car ils reprennent quasiment mot pour mot ceux qui avaient été énoncés peu de temps après le 7 octobre 2023. Ainsi, depuis un an, vu d’Allemagne, il ne se serait donc rien passé ?


Les 42 000 victimes de Gaza dont une grande majorité de femmes et d’enfants, l’ultraviolence de l’armée israélienne et ses méthodes terroristes passées sous silence ? Le massacre de la population gazaouie confinant à un génocide et la décision de la Cour internationale de justice ordonnant à Israël, dans son arrêt du 26 janvier 2024, d’empêcher tout acte génocidaire ignorés par l’Allemagne (pays qui pourtant, de par son histoire, est prompt à dénoncer toute velléité génocidaire) ?


Comment est-ce possible, comment est-ce seulement pensable ? Et ce n’est pas tout : le piétinement de la justice internationale par le gouvernement Netanyahou, les « dérapages » (sic) des colons israéliens en Cisjordanie couverts par le gouvernement, l’épineuse question des otages (dont une dizaine d’Allemands, six otages d‘entre eux étant déjà morts), livrés à leur triste sort ?


Personne n’en parle, rien ne filtre, juste quelques commentaires embarrassés sur les otages, et encore. Enfin, l’embrassement régional actuel pourtant prévisible – donc arrêtable –, le Liban du Sud et Beyrouth bombardés par l’armée israélienne, le plan franco-américain de cessez-le-feu de vingt et un jours au Liban méprisé par un premier ministre israélien plus jusqu’au-boutiste – donc dangereux – que jamais.

Peu importe : Israël est dans son bon droit, celui de se défendre contre ses ennemis par tous les moyens, et l’Allemagne, obligée par son histoire et sa « raison d’État », continue et continuera – quoi qu’il en coûte ? – de soutenir son indéfectible allié.


La politique allemande à l’égard d’Israël est devenue tellement absurde qu’on se demande si elle n’est pas uniquement dictée par le traumatisme de la Shoah qui, quatre-vingts ans après, l’oblige à être toujours aux côtés d’Israël, au mépris du réalisme le plus élémentaire qui devrait pourtant guider son action diplomatique.
Même la politique pro-israélienne du président américain Joe Biden ne se fait pas sans nuances, critiques, ni grincements de dents. Rien de tout cela à Berlin, où l’on continue à bas bruit de vendre des armes à Israël et où les officiels, quel que soit leur parti politique (à part Die Linke et le parti de Sahra Wagenknecht BSW), s’interdisent toute critique à l’encontre de l’État hébreu.


Cela faisant, ils se font les affiliés, les complices, pire, les vassaux d’un État jugé comme paria par beaucoup, avec toutes les conséquences désastreuses à l’extérieur (perte d’influence de la diplomatie allemande, colère des pays arabes) comme à l’intérieur (médias alignés sur le discours officiel, parole alternative inexistante, manifestations en soutien aux Palestiniens muselées ou très encadrées, fermeture des frontières nationales, paranoïa politique généralisée à l’égard des migrants de plus en plus perçus comme des envahisseurs).


Aujourd’hui, il semble acquis que le gouvernement Scholz ne changera pas sa politique pro-israélienne d’un iota d’ici aux prochaines élections générales de septembre 2025. Si Olaf Scholz souhaite éviter une débâcle et une fragilisation dangereuse de la démocratie, le chancelier aurait tout intérêt à sortir de ses contradictions, à tracer une ligne politique claire et, vis-à-vis d’Israël, à raison garder au lieu d’invoquer une raison d’État d’un autre âge.
 

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