L’ONU accuse Israël d’avoir délibérément détruit le système de santé de la bande de Gaza

Publié le par FSC

Par Laure Stephan
Le Monde du 12 octobre 2024

 

Les destructions après une offensive aérienne et terrestre israélienne sur la bande de Gaza, près de l’hôpital Al-Shifa, dans la ville de Gaza, le lundi 1er avril 2024. MOHAMMED HAJJAR/AP

 

Un rapport publié par une commission d’enquête des Nations unies affirme que les attaques infligées aux hôpitaux de l’enclave côtière depuis octobre 2023 répondent à une volonté de « punition collective ».

Après plus d’un an de guerre, le secteur de la santé à Gaza est en lambeaux. Sa destruction est le résultat d’une politique délibérée d’Israël, a accusé, jeudi 10 octobre, la commission internationale indépendante des Nations unies chargée d’enquêter dans les territoires palestiniens occupés. Selon elle, les attaques contre le personnel et les infrastructures médicales, ainsi que le siège renforcé imposé à l’enclave palestinienne, répondent à une « punition collective » infligée aux Palestiniens de Gaza.

« Les attaques contre les établissements médicaux sont un élément intrinsèque de l’assaut plus large des forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens de Gaza et [contre] l’infrastructure physique et démographique de Gaza, ainsi que des efforts pour étendre l’occupation », affirme dans un rapport la commission, dirigée par la juriste sud-africaine Navi Pillay, et composée de deux autres experts, l’un indien, l’autre australien. « Les forces de sécurité israéliennes ont délibérément tué, blessé, arrêté, détenu, maltraité et torturé le personnel médical et visé les véhicules médicaux », écrivent-ils, estimant que de tels actes sont assimilables à des « crimes de guerre » et à des « crimes contre l’humanité. »

Le rapport présenté jeudi, d’une vingtaine de pages, couvre la période allant d’octobre 2023 – le lancement de l’offensive israélienne à Gaza en représailles à l’attaque sanglante du Hamas contre l’Etat hébreu – jusqu’à août 2024. Il conteste, à plusieurs reprises, le récit israélien qui justifie l’action de l’armée par la présence de combattants palestiniens dans ces structures de santé, affirmant ne pas en avoir « trouvé la preuve ». C’est notamment le cas pour le ciblage, en novembre, des départements de maternité et de soins intensifs de l’hôpital Al-Shifa, celui de l’hôpital turc le même mois, situé dans le centre du territoire, ainsi que celui de l’hôpital Al-Awda, dans le Nord, en novembre-janvier. Concernant les combats qui se sont déroulés aux abords de l’hôpital Al-Shifa, en mars, « malgré la présence de milliers de civils », la commission accuse les deux parties d’avoir violé le droit humanitaire international.

Les enquêteurs ont mené leur travail à distance. Les autorités israéliennes n’ont pas répondu à leurs requêtes, au contraire de responsables palestiniens et du ministère de la santé à Gaza, sous l’autorité du Hamas.

Le rapport, qui ne se limite pas au secteur de santé gazaoui, dénonce aussi une politique d’« abus systématiques » (torture, humiliation, violence sexuelle, arrestations de masse, y compris de mineurs) à l’encontre des Palestiniens détenus en Israël, et le discours de « légitimation de la vengeance et de la violence » de responsables israéliens, dont plusieurs ministres du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Son travail n’épargne pas le Hamas et ses alliés palestiniens à Gaza : ils sont eux aussi accusés de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » à l’égard des otages retenus à Gaza – torture, mauvais traitements, viols ou violence sexuelle.

Les accusations portées contre Israël d’avoir détruit à dessein le système de santé de Gaza ont suscité l’ire de l’Etat hébreu. Son ambassade auprès de l’ONU à Genève les a jugées, vendredi, « scandaleuses ». « Ce rapport dépeint sans vergogne les opérations d’Israël dans des établissements de santé à Gaza infestés de terroristes comme s’il s’agissait d’une stratégie contre le système de santé, tout en ignorant complètement les preuves accablantes que les établissements médicaux de Gaza ont été systématiquement utilisés par le Hamas et le Jihad islamique palestinien pour des activités terroristes », écrit la chancellerie dans un communiqué.

La commission s’inquiète des conséquences à long terme de la démolition des infrastructures médicales de la bande côtière. L’accès désormais restreint aux soins a déjà contribué à « augmenter drastiquement la mortalité et la morbidité. » Des humanitaires internationaux et des militants de la société civile palestinienne affirment depuis des mois que derrière son objectif affiché d’éradication du Hamas, Israël entend transformer l’enclave en un lieu inhabitable.

Pour le chirurgien palestinien Ghassan Abu Sittah, qui a soigné des blessés à Gaza au début de la guerre et se trouve aujourd’hui au Liban, pays sous le coup d’une autre offensive israélienne, l’absence de réaction internationale aux attaques contre le personnel médical gazaoui « a contribué à ce que les mêmes lignes rouges soient franchies actuellement au Liban. » Depuis fin septembre, date de l’intensification des bombardements israéliens sur le pays du Cèdre, des représentants de l’ONU se sont émus à plusieurs reprises d’attaques contre des centres de santé et des équipes de secouristes.

 

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