« Peut-on aimer un pays qui n’est même pas un pays »
Mona Chollet
Essayiste, autrice de nombreux ouvrages dont Beauté fatale (La Découverte, 2012), Sorcières : La puissance invaincue des femmes (La Découverte, 2019) et Résister à la culpabilisation. Sur quelques empêchements d’exister (La Découverte, 2024).
Invitée, le 9 octobre 2024, de l’émission « La Grande Librairie » sur France 5 où elle présentait son dernier et remarquable ouvrage « Résister à la culpabilisation. Sur quelques empêchements d’exister » (La Découverte, 2024), Mona Chollet a lu, « droit dans les yeux », ce texte qu’elle a écrit pour la Palestine — un poème d’amour et de révolte qu’elle a autorisé Orient XXI à publier.
Peut-on aimer un pays
Qui n’est même pas un pays ?
Un pays
Dont on n’a jamais foulé le sol
Un pays avec lequel on n’a,
Pour tout lien physique,
Qu’une lampée d’huile d’olive
Parsemée de zaatar
Qui caresse le gosier
Qui enchante les papilles de sa verdeur
Un pays
Dont on regarde de vieilles photographies,
Le cœur battant,
En y cherchant le visage de ses ancêtres
Au détour d’une ruelle de Jérusalem
Peut-on aimer un pays
Que tant de gens autour de soi
Se réjouissent de voir brûler
Un pays défiguré, englouti par la corrosion d’un seul mot :
« Terroriste »
Un pays d’enfants radieux
Transformés en pantins mutilés
En cadavres poussiéreux
Un pays dont le nom, à lui seul,
Constitue une offense
Dont le drapeau peut vous mener au commissariat
Dont les habitants
Pèsent moins qu’une plume
Sur la balance des vies humaines
Peut-on aimer un pays
Dont même vos amis
Semblent ignorer la part de douceur
Un pays qui vous rend suspecte
Qui vous isole dans le tremblement de votre effroi
Dans le chagrin qui vous réveille la nuit
Dans l’infinie litanie
De souffrances trop vertigineuses
Pour que l’esprit les saisisse
Peut-on aimer un pays entêté
Qu’il serait si facile de renier
Mais qui vous interdit de l’oublier
Un pays qui vous appelle, qui vous oblige
Un pays qui vous demande
De mettre à l’abri ses trésors
Quand vient l’heure inexorable de la destruction
Qui n’est même pas un pays ?
Un pays
Dont on n’a jamais foulé le sol
Un pays avec lequel on n’a,
Pour tout lien physique,
Qu’une lampée d’huile d’olive
Parsemée de zaatar
Qui caresse le gosier
Qui enchante les papilles de sa verdeur
Un pays
Dont on regarde de vieilles photographies,
Le cœur battant,
En y cherchant le visage de ses ancêtres
Au détour d’une ruelle de Jérusalem
Peut-on aimer un pays
Que tant de gens autour de soi
Se réjouissent de voir brûler
Un pays défiguré, englouti par la corrosion d’un seul mot :
« Terroriste »
Un pays d’enfants radieux
Transformés en pantins mutilés
En cadavres poussiéreux
Un pays dont le nom, à lui seul,
Constitue une offense
Dont le drapeau peut vous mener au commissariat
Dont les habitants
Pèsent moins qu’une plume
Sur la balance des vies humaines
Peut-on aimer un pays
Dont même vos amis
Semblent ignorer la part de douceur
Un pays qui vous rend suspecte
Qui vous isole dans le tremblement de votre effroi
Dans le chagrin qui vous réveille la nuit
Dans l’infinie litanie
De souffrances trop vertigineuses
Pour que l’esprit les saisisse
Peut-on aimer un pays entêté
Qu’il serait si facile de renier
Mais qui vous interdit de l’oublier
Un pays qui vous appelle, qui vous oblige
Un pays qui vous demande
De mettre à l’abri ses trésors
Quand vient l’heure inexorable de la destruction