"Des cadavres gisent dans les rues et les chiens les mangent" : Youssef raconte la situation "horrible" dans le nord de Gaza
Thibault Lefèvre - Rami Almaghari
Radio France du 12 novembre 2024
Des Palestiniens marchent au milieu des décombres dus à des frappes à Jabalia, dans le Nord de Gaza, le 10 novembre 2024. (OMAR AL-QATTAA / AFP) |
Alors qu'Israël empêche toujours les journalistes étrangers d'entrer à Gaza, franceinfo a pu recueillir le témoignage de cet habitant qui a fui le nord de l'enclave où il assure qu'un "nettoyage ethnique" est à l'œuvre.
Que se passe-t-il dans le nord de Gaza ? L'ultimatum que les Etats-Unis ont donné à Israël pour améliorer la situation humanitaire dans la région s'achève mercredi 13 novembre, alors que l'Etat hébreu avait 30 jours. Difficile de savoir ce qu'il se passe précisément dans cette région : les journalistes étrangers sont toujours interdits d'accès dans la zone. franceinfo a toutefois pu recueillir le témoignage rare d'un habitant, Youssef, qui a quitté le Nord de l'enclave il y a peu, en fuyant sous les bombes.
C'est l'histoire d'un exil forcé. "C'était difficile. Quand on a atteint la place Zayed, ils ont commencé à nous tirer dessus. Ils ont visé des terrains vagues avec de l'artillerie. Des éclats ont blessé des gens. On est partis à pied. C'était terrifiant. Terrifiant !", s'exclame-t-il.
"Je suis parti à cause des frappes aléatoires"
Cet exil a commencé il y a un peu plus d'un mois, en octobre 2024, quand l'armée israélienne a accéléré son offensive sur le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la bande de Gaza. Youssef est alors parti avec sa femme et ses trois enfants. Le quatrième est mort dans un bombardement, il y a presque un an. Youssef a fui la ville, la peur au ventre, avec tous ses voisins.
"On est partis à pied. Ils ont vidé nos sacs et nous ont demandé de nous déshabiller, de rester en caleçon. En cas de doute sur une personne, elle est prise à part et elle est soumise à une fouille intégrale."
"S'ils décident de l'arrêter, ils la mettent en combinaison blanche, lui bandent les yeux et ensuite elle est emmenée... On ne sait pas ce qui lui arrive", poursuit-il.
Plus que l'absence d'aide humanitaire, ce sont les tirs incessants d'artillerie qui ont fait fuir Youssef, bien pires, dit-il, que les bombardements de l'aviation. Des immeubles sont anéantis et il n'y a plus de secouristes depuis déjà plusieurs semaines pour aller sauver les victimes, rapporte-t-il. "Je suis parti à cause des frappes aléatoires. Il n'y a plus d'endroits sûrs dans la région. Les maisons, les hôpitaux… Des cadavres gisent dans les rues et les chiens les mangent."
"La situation à Jabalia est catastrophique. C’est horrible. Ce qu’ils font c’est du nettoyage ethnique. C’est ça qu’on appelle un génocide."
Sollicitée, l'armée israélienne réfute catégoriquement l'accusation de génocide. Elle assure cibler des combattants du Hamas et minimiser, "autant que possible" les pertes civiles, soutient un de ses porte-parole.
Le 11 novembre, les dirigeants des pays arabes et musulmans réunis en Arabie saoudite ont appelé Israël à se retirer totalement des territoires arabes qu'il occupe pour parvenir à une paix "globale" au Moyen-Orient. "Une paix juste et globale dans la région (...) ne peut être obtenue sans mettre un terme à l'occupation israélienne de l'ensemble des territoires occupés" depuis 1967 - quand Israël a commencé à occuper la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le Golan syrien - "et ce conformément aux résolutions de l'ONU et au plan de paix arabe de 2002", mentionne la déclaration finale du sommet. Ce sommet conjoint de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, accueilli par l'Arabie saoudite, poids-lourd régional, appelle à l'unité de tous les territoires palestiniens - bande de Gaza et Cisjordanie occupée - au sein d'un Etat palestinien, dont il réaffirme que la capitale doit être Jérusalem-Est, occupée par Israël.
Selon les données du ministère de la Santé du Hamas, près de 44 000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans les représailles israéliennes après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Cette attaque avait entraîné la mort de 1 206 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP. 97 personnes enlevées ce jour-là restent otages à Gaza, dont 34 sont déclarées mortes par l'armée.