Face aux guerres d'Israël, les États arabes cherchent à sortir de leur léthargie

Publié le par FSC

Lina Sankari
L'Humanité du 11 novembre 2024

 

 

Le sommet conjoint de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique s’est ouvert après une série de frappes israéliennes en Syrie. Passifs vis-à-vis de Gaza et du Liban, certains pays demandent symboliquement l’exclusion d’Israël des Nations unies.
Depuis un an, Israël n’a eu de cesse de repousser les limites et de tester les pays arabes quant à leur capacité à s’opposer à une escalade majeure sur le plan régional. Au-delà des appels au cessez-le-feu, la réaction fut pour le moins passive au Moyen-Orient, poussant Israël à la fuite en avant.


À cet égard, le sommet conjoint des 22 pays de la Ligue arabe et de la cinquantaine de membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui s’ouvrait ce lundi à Riyad (Arabie saoudite), constituera-t-il un tournant ? Une rencontre similaire – au format rare – s’était tenue il y a un an, après le début de la guerre contre Gaza, mais l’évolution du contexte régional somme les États de la région à la réaction.

Tel-Aviv met la pression sur Bachar Al Assad


Ce week-end encore, Israël a accentué la pression sur Bachar Al Assad. Déjà considérablement affaiblis par la guerre, la Syrie et son président demeurent des cibles dans le cadre de la recomposition de l’ordre régional que tentent d’imposer Tel-Aviv et Washington face à l’« axe de la résistance » emmené par Téhéran. Depuis deux semaines, les attaques israéliennes contre le territoire syrien se sont intensifiées mais, ce 10 novembre, c’est le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmaeil Baghaei, qui a haussé le ton.


Le responsable a condamné l’attaque de Tel-Aviv, qui a fait sept morts et quatorze blessés, contre un appartement de Sayyida Zeinab, dans la banlieue de Damas, occupé par des membres du Hezbollah libanais, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé à Londres. « L’Iran et Israël s’affrontent sur de nombreux fronts et la probabilité d’une guerre régionale qui aurait de lourdes répercussions sur l’économie mondiale est forte », affirmait récemment le chercheur libanais en relations internationales Houssam Matar à l’Humanité.


Après le bombardement de la banlieue de Damas, l’Iran a également demandé, de concert avec la Malaisie, un embargo sur les armes contre Israël et l’exclusion de ce dernier des Nations unies. L’acte, qui requerrait l’approbation des membres du Conseil de sécurité, est avant tout symbolique, mais constitue une première mise en garde contre les violations répétées du droit international par Tel-Aviv.


Les pays arabes et musulmans peinent pourtant à peser diplomatiquement. Signe de cette incapacité : ce 9 novembre, la Qatar a annoncé suspendre ses efforts en vue d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Selon l’émirat, les négociations reprendront lorsque les parties « feront preuve de volonté et de sérieux ». Pour l’heure, l’Égypte poursuit sa médiation.

Vers un accord pour mettre fin à la guerre au Liban ?


Sur le front libanais en revanche, un accord pourrait être sur le point d’être conclu. Après une visite en Russie la semaine dernière, le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, devait arriver ce 11 novembre à Washington afin de parvenir à un accord sur le retrait du Hezbollah du Liban du Sud et au démantèlement des infrastructures du mouvement chiite entre la frontière israélienne et le fleuve Litani. Israël s’engagerait également à se retirer et à respecter les frontières internationales. Dans ce cadre, la Syrie devra également veiller à l’arrêt du transfert d’armes de son territoire vers le Liban.


Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, Israël a certes conduit des centaines de frappes contre son voisin mais l’attaque de dimanche s’inscrit dans une nouvelle phase qui vise délibérément le pays, après Gaza, le Liban et l’Iran. Israël cherche ainsi à mettre à terre les pouvoirs et acteurs régionaux – déjà atteints – mais sur lesquels l’influence de l’Iran n’a pas faibli, voire s’est renforcée à l’issue des différents conflits.


Depuis le début de la guerre à Gaza, il y a un an, les pays de la région semblent redécouvrir la centralité de la question palestinienne pour la stabilité dans la région. Une question mise sous le boisseau par les accords d’Abraham, signés en 2020 sous l’égide de Donald Trump, entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn puis le Maroc et le Soudan. En amont du sommet de la Ligue arabe et de l’OCI, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhan, a ainsi exhorté à une « alliance internationale » pour la création d’un État palestinien. Reste à savoir si les pays de la région sauront saisir l’occasion offerte par le sommet de Riyad pour établir un agenda commun en amont du second mandat de Donald Trump.

Que va faire Trump ?


À la veille de cette rencontre, le président iranien, Massoud Pezeshkian, et le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, se sont entretenus par téléphone afin, précise Riyad, d’approfondir les relations dans les domaines de la défense et du militaire. En 2023, les deux puissances rivales scellaient leur réconciliation sous l’égide de Pékin. Non sans inquiétude d’Israël et des États-Unis, qui tentent eux aussi de négocier un accord de normalisation entre Tel-Aviv et Riyad.


Et pour cause, depuis sa victoire à la présidentielle, le 5 novembre, Donald Trump s’est déjà entretenu à trois reprises avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. « Nous voyons d’un même œil la menace iranienne dans tous ses aspects », assure le dirigeant israélien, malgré les signaux contradictoires envoyés par le président élu.


Pour le chef du gouvernement israélien, le retour de son allié républicain ouvre de « grandes opportunités (…) dans le domaine de la paix et de l’expansion (d’Israël) ». Signe que Benyamin Netanyahou n’a pas encore totalement renoncé à ses projets. Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a fourni, lundi, une explication à cette étroite coordination avec les États-Unis.


Durant une réunion de son parti Mafdal-Sionisme religieux, il a expliqué avoir demandé « à la division des colonies du ministère de la Défense et à l’administration civile de commencer un travail de fond complet et professionnel » pour « appliquer la souveraineté (d’Israël) sur la Cisjordanie ». Une manière toute particulière de célébrer les 20 ans de la mort du dirigeant historique de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat.

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