« Haaretz » en ligne de mire d'un gouvernement fasciste
Tom Demars-Granja
L'Humanité du 25 novembre 2024
Le quotidien, l’un des derniers remparts à la fascisation du gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou, a déjà vu ses recettes publicitaires s’effondrer. © AHMAD GHARABLI / AFP |
Le gouvernement israélien impose de nouvelles sanctions au journal « Haaretz », interdit de publicité et de contact avec les institutions
La résolution proposée par le ministre des Communications, Shlomo Karhi, d’imposer de nouvelles sanctions au journal « Haaretz » ne figurait pas à l’ordre du jour du gouvernement publié avant la réunion hebdomadaire du cabinet. Elle a pourtant été adoptée par le gouvernement, ce dimanche 24 novembre.
Alors que les attaques se sont multipliées à l’encontre du quotidien israélien Haaretz ces derniers mois, le gouvernement du premier ministre Benyamin Netanyahou a franchi un nouveau palier. La proposition du ministre des Communications, Shlomo Karhi, destinée à interdire tout contact entre le journal d’opposition et les institutions de l’État, a été adoptée par le gouvernement, ce dimanche 24 novembre.
Cette décision est une réaction à « de nombreux éditoriaux qui ont porté atteinte à la légitimité de l’État d’Israël et à son droit à l’autodéfense, et en particulier aux propos tenus à Londres par l’éditeur de Haaretz, Amos Schocken, qui soutiennent le terrorisme et appellent à imposer des sanctions au gouvernement », affirme le gouvernement israélien, cité dans un article publié sur le site de Haaretz en réaction à ce choix politique.
Le retrait des publicités gouvernementales
Le quotidien, l’un des derniers remparts à la fascisation du gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou et rare voix dissonante alors que la colonisation des territoires palestiniens est soutenue par une partie de la population, a déjà vu ses recettes publicitaires s’effondrer. Le 31 octobre dernier, les ministres de l’Intérieur, de la Culture et de la Justice ont multiplié les sanctions : les deux premiers ont décidé le retrait des publicités gouvernementales dans les colonnes du journal et le troisième s’était prononcé en faveur d’un projet de loi visant à imposer des peines de prison aux Israéliens qui préconisent des sanctions contre le pays ou ses dirigeants.
« La proposition ne figurait pas à l’ordre du jour du gouvernement publié avant la réunion hebdomadaire du cabinet, s’insurge le quotidien. Le bureau du procureur général, ignorant l’intention de soumettre la proposition au vote, ne l’a pas examinée du tout et n’a pas présenté son avis, comme d’habitude. La résolution a été présentée aux ministres lors des discussions sans aucun avis juridique. »
Les nombreuses enquêtes de Haaretz qui visent le pouvoir israélien, conjuguées à la portée internationale de voix comme Gideon Levy, journaliste et membre de la direction du journal, irrite le gouvernement depuis plusieurs années déjà. « Il y a un an, il [Shlomo Karhi] a contacté le secrétaire du cabinet, Yossi Fuchs, avec un projet de résolution visant à faire cesser les publications du Bureau de publicité du gouvernement dans Haaretz et à mettre fin à tous les abonnements au journal des fonctionnaires de l’État, raconte le journal.
Y compris ceux de l’armée israélienne, de la police, du Service pénitentiaire israélien, des ministères et des entreprises publiques. »
Les tensions ont pris une nouvelle ampleur, fin octobre, lorsque l’éditeur de Haaretz, Amos Schocken, a déclaré, lors d’une conférence à Londres : « Le gouvernement Netanyahou ne se soucie pas d’imposer un régime d’apartheid cruel à la population palestinienne. Il minimise les coûts supportés par les deux camps pour défendre les colonies tout en combattant les combattants de la liberté palestiniens, qu’Israël qualifie de terroristes. »
Selon la rédaction du journal de centre-gauche, la décision du gouvernement israélien « est une nouvelle étape dans le parcours de Netanyahou pour démanteler la démocratie israélienne ». Haaretz n’hésite ainsi pas à comparer les méthodes du premier ministre israélien avec celles de « ses amis Poutine, Erdoğan et Orbán », alors que ce dernier « tente de faire taire un journal critique et indépendant ». Loin de se laisser faire, la rédaction de Haaretz annonce son refus de ne devenir qu’un « pamphlet gouvernemental » et compte poursuivre son travail d’investigation, quitte à s’attirer les foudres du pouvoir israélien.