La CPI émet des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou, Yoav Gallant et le chef du Hamas Mohammed Deif
Tom Demars-Granja
L'Humanité du 21 novembre 2024
L’ancien ministre de la défense Yoav Gallant et Benyamin Netanyahou, le 31 octobre 2024. © Jini via Xinhua/ABACAPRESS.COM |
La Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que le chef du Hamas Mohammed Deif. Les trois dirigeants sont poursuivis pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre ».
La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé, ce jeudi 21 novembre, avoir émis des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, l’ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif.
« La Chambre a émis des mandats d’arrêt contre deux individus, M. Benyamin Netanyahou et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024 au moins, jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt », a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye, ajoutant dans un autre communiqué qu’un mandat a également été émis contre Mohammed Deif. Selon Israël, ce dernier a été tué par une frappe, le 13 juillet dernier, dans le sud de Gaza. Le Hamas, lui, nie sa mort.
« Cette décision doit marquer la fin de l’impunité d’Israël dans sa guerre génocidaire »
Pour rappel, le bureau du procureur de la CPI, Karim Khan, a reçu une saisine, le 17 novembre 2023, concernant le massacre en cours dans en Palestine de la part de l’Afrique du Sud, du Bangladesh, de la Bolivie, des Comores et de Djibouti. La Cour pénale internationale a, par la suite, reçu une seconde saisine le 18 janvier 2024, de la part de la République du Chili et du Mexique.
En réaction, Karim Khan, avait demandé, en mai dernier, à l’institution de délivrer des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant – qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien – pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés à Gaza. Le procureur avait aussi demandé des mandats d’arrêt contre de hauts dirigeants du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Alors que la CPI est passée aux actes, le gouvernement israélien a immédiatement réagi, à travers la voix de son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur son compte X, qui estime que ces deux mandats d’arrêt représentent un « moment sombre pour la Cour pénale internationale, qui a perdu toute légitimité pour son existence et son activité ». Le principal concerné, Benyamin Netanyahou, a fait de même, à travers un communiqué de son cabinet, quelques minutes plus tard, suivant une stratégie de renversement des accusations déjà éprouvée notamment contre l’Unrwa : « La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d’aujourd’hui qui se terminera de la même façon. »
La représentante de l’Autorité palestinienne en France, Hala Abou Hassira, s’est quant à elle réjouit de la décision de la CPI, sur son compte X, qui « rejette les contestations de compétence de l’État d’Israël », donne « justice pour le peuple palestinien » et signe la « fin de l’impunité d’Israël ». La députée européenne franco-palestinienne Rima Hassan a, de son côté, rappelé que « les 124 États parties au Statut de Rome ont l’obligation de coopérer pleinement avec la CPI et donc de procéder à l’arrestation du criminel Benyamin Netanyahou ».
L’ancienne juriste ajoute : « Parmi ces États figurent tous les États de l’UE. Notre rôle de citoyen consiste désormais à faire pression sur eux pour que ces mandats d’arrêt soient effectifs et non symboliques. »
Face au « déluge de violence (qui) s’abat sans relâche » de « Gaza à la Cisjordanie, jusqu’au Liban », « cette décision doit marquer la fin de l’impunité d’Israël dans sa guerre génocidaire et son colonialisme », estime également la députée communiste Elsa Faucillon qui se félicite que « la CPI agi (sse) enfin contre Netanyahu, Gallant et Deif ».
Les mandats d’arrêt ont été classés « secrets », afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour. Mais « la chambre considère qu’il est dans l’intérêt des victimes et de leurs familles qu’elles soient informées de l’existence des mandats », a-t-elle expliqué.
Plus de 44 000 morts dans la bande de Gaza
Depuis le massacre du 7 octobre 2023, commandité par la branche armée du Hamas, le premier ministre israélien s’est lancé dans une stratégie guerrière sans fin. La bande de Gaza subit depuis plus d’un an des bombardements incessants, des crimes, des opérations terrestres et le blocage de l’aide humanitaire. Selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, le nombre de morts dans l’enclave palestinienne s’élève à 44 056, dont une majorité de femmes et d’enfants. Outre leurs attaques à Gaza, Benyamin Netanyahou et son gouvernement ont décidé de s’attaquer à l’ensemble des pays de la région : Liban, Syrie, Irak, Yémen, Iran.
Depuis le déclenchement du massacre dans la bande de Gaza, la Cour pénale internationale (CPI) joue sa crédibilité. « La Palestine est un cas test », résumait ainsi François Dubuisson, enseignant de droit international à l’université libre de Bruxelles, pour l’Humanité. « Si la Cour échoue à poursuivre équitablement les criminels, quels qu’ils soient, alors sa légitimité même (pourrait) être remise en question », estimait de son côté Triestino Mariniello, professeur de droit à l’université John Moores de Liverpool.
Ce dernier rappelait que l’institution fait l’objet d’un procès en « deux poids deux mesures », par rapport au conflit déclenché par la Russie sur le territoire ukrainien. « L’invasion de l’Ukraine a valu un mandat d’arrêt à Vladimir Poutine, salué par l’Occident, résume-t-il. À Gaza, les auteurs de crimes doivent, eux aussi, être poursuivis. » La Cour pénale internationale semble avoir entendu les critiques.